L'été sera chaud : une énième canicule annoncée

Des recherches récentes démontrent que les humains sont sensibles aux plus petits changements de température : nous pouvons percevoir des différences de température de l'ordre de 0,9 °C avec une précision surprenante.

De Avery Schuyler Nunn
Publication 11 juin 2024, 16:35 CEST
La chercheuse Laura Battistel se tient dans la plus grande chambre thermique de terraXcube, où elle ...

La chercheuse Laura Battistel se tient dans la plus grande chambre thermique de terraXcube, où elle a mené une étude sur la sensibilité humaine aux changements de température. Laura Battistel espère que ses recherches contribueront à faire comprendre l'importance de lutter contre le changement climatique avant que la Terre ne se réchauffe jusqu'à un point de non-retour.

PHOTOGRAPHIE DE Gaia Squarci

Dans les annales de l'histoire de l'humanité, une impulsion subtile mais constante a marqué notre impact sur la Terre. Depuis la révolution industrielle en 1850, notre planète s'est constamment réchauffée chaque année, et a même triplé depuis 1982. Les experts estiment qu'en 2050 la température moyenne aura augmenté de 2,7 °C, ce qui aura de nombreuses répercussions écologiques.

L'année 2023 a été la plus chaude jamais enregistrée, et Météo France prévoit un été 2024 plus chaud que la normale, avec des températures élevées notamment dans le pourtour méditerranéen, l'Aquitaine et la vallée du Rhône. Les régions de Provence-Alpes-Côte d'Azur, Occitanie, et Aquitaine seront à nouveau exposées à des risques de canicule et de sécheresse.

Des recherches récentes laissent entendre que nous ressentirons chaque degré de ces températures caniculaires.

D'après une étude publiée dans Nature, les humains sont encore plus sensibles aux changements de température que ce que l'on pensait. En effet, nous pouvons percevoir des différences de température de l'ordre de 0,9 °C avec une précision surprenante. « Que vous en soyez conscient ou non, vous y êtes biologiquement sensible », explique Laura Battistel, étudiante en sciences cognitives et cérébrales à l'université de Trente, qui a dirigé l'étude.

Et cela pourrait changer la manière dont nous abordons le changement climatique

Il est essentiel de noter que l'impact réel des changements de température réside dans la manière dont ils perturbent les systèmes environnementaux et météorologiques. Malgré cela, Laura Battistel espère que ses recherches aideront les gens à comprendre à quel point ils ressentiront réellement un changement de température d'un degré Celsius dû au réchauffement de la planète, ce qui pourrait les inciter à se préoccuper des solutions à apporter au problème du changement climatique.

 

LE CORPS HUMAIN S'ADAPTE À LA CHALEUR

Le corps humain se régule de manière méticuleuse pour maintenir une température corporelle d'environ 37°C, vitale non seulement pour le bien-être physique, mais aussi pour les processus cognitifs. Les températures extrêmes, qu'elles nous brûlent ou nous glacent, posent des risques importants pour la santé, à commencer par l'hyperthermie et l'hypothermie. Notre évolution nous a permis de nous adapter aux fluctuations de température pour notre survie. La détection de changements, même mineurs, a probablement servi de système d'alerte précoce, déclenchant des actions telles que la recherche d'un abri, l'ajustement des vêtements et l'adaptation de nos comportements pour rester à l'aise.

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    PHOTOGRAPHIE DE Gaia Squarci

    Mais ces ajustements ne peuvent pas aller plus loin. Le rythme et l'ampleur du changement climatique contemporain constituent des défis sans précédent. L'augmentation rapide des températures, associée à des perturbations environnementales, met à rude épreuve nos capacités d'adaptation et nous oblige à prendre des mesures proactives pour en atténuer les effets.

    C'est en constatant l'absence de littérature sur la psychologie des changements de température que Laura Battistel a eu l'idée d'étudier à quel point nous étions sensibles à ces changements. « Il n'y avait rien à ce sujet. Sommes-nous conscients de ces changements ? Quelle est notre capacité à détecter ces changements ? »

    Dans le cadre de l'étude, Laura Battistel et son équipe ont demandé aux participants de marcher entre deux pièces climatisées, dont la différence maximale était de 2°C. Ils ont constaté que les réponses des participants étaient étonnamment précises. Ils étaient capables de détecter un changement de température de moins d'un degré et, la plupart du temps, de deviner que la différence de température était plus importante encore.

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    Pour suivre l'expérience, ces écrans (de gauche à droite) affichent les caméras de vidéo-surveillance dans les chambres thermiques de terraXcube, les cartes des chambres thermiques, et enfin les températures dans ces chambres et la façon dont les participants y réagissent.

    PHOTOGRAPHIE DE Gaia Squarci

    « Cela nous montre à quel point nous sommes déconnectés de notre environnement. Nos corps sont connectés, et pourtant, notre conscience n'est pas aussi connectée. »

    Bien que les chercheurs notent que l'étude était préliminaire et n'a pas demandé aux participants quelle chambre ils préféraient en termes de confort, ils soulignent que des études comme celle-ci peuvent compléter les modèles énergétiques, guider l'utilisation future de l'énergie et éventuellement promouvoir des pratiques plus durables.

    « Notre curiosité s'étend à la manière dont notre corps interprète les signaux pour former notre perception de la température », déclare Riccardo Perin, ingénieur et co-auteur de l'étude. « Cette exploration promet de révéler de profondes connaissances sur les processus complexes qui régissent nos expériences sensorielles. »

     

    ÉNERGIE ET DURABILITÉ

    Selon lui, la littérature scientifique montre clairement que les risques pour la santé augmentent lorsque les températures dépassent certains seuils. « Cela signifie que nous pourrions avoir besoin de consommer de plus en plus d'énergie pour rester à l'aise à mesure que les températures augmentent », explique-t-il.

    Leonardo Battistel, le frère de la chercheuse, se tient dans une chambre thermique. Les participants à ...

    Leonardo Battistel, le frère de la chercheuse, se tient dans une chambre thermique. Les participants à l'étude ont été capables de percevoir des différences de température de l'ordre de 0,9 °C avec une précision surprenante.

    PHOTOGRAPHIE DE Gaia Squarci

    Riccardo Perin indique qu'une meilleure compréhension de la sensibilité humaine aux changements de température pourrait permettre de faire progresser la technologie des systèmes de régulation climatique, qui s'appuient sur des algorithmes pour optimiser les réglages. Ces connaissances pourraient permettre de mettre au point des capteurs très précis capables de détecter de subtiles variations de température, ce qui aboutirait en fin de compte à des systèmes de chauffage et de climatisation plus efficaces dans les habitations.

    Si Daniel Swain, climatologue à l'UCLA, estime que les recherches récentes sont convaincantes, il note toutefois que les effets sur notre corps sont loin d'être le pire aspect du changement climatique.

    « Il est intéressant de constater que nous semblons capables de percevoir de très petites fractions de degré Celsius de différence, ce qui nous renseigne sur la perception », explique Swain. « Le défi que pose l'extension de cette notion au changement climatique est que la principale raison pour laquelle nous sommes si préoccupés par l'augmentation des températures n'est pas le réchauffement lui-même, mais le fait que ces chiffres servent d'indicateurs indirects de changements beaucoup plus importants et plus conséquents.

    Nicole Fant dans une chambre thermique à terraXcube. Les chercheurs affirment que leur étude pourrait contribuer ...

    Nicole Fant dans une chambre thermique à terraXcube. Les chercheurs affirment que leur étude pourrait contribuer à améliorer les algorithmes qui alimentent nos thermostats, ce qui permettrait d'économiser de l'énergie et de l'argent à long terme.

    PHOTOGRAPHIE DE Gaia Squarci

    Le véritable défi climatique réside dans la portée plus large des systèmes interconnectés de la Terre. Le changement climatique transforme déjà le monde, de l'augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes tels que les ouragans et les vagues de chaleur à la transformation d'écosystèmes essentiels comme les récifs coralliens et la glace arctique. Pour éviter les pires conséquences, il faudra mettre en place des solutions globales, par exemple la transition vers les sources d'énergies renouvelables, la mise en œuvre de projets de reforestation à grande échelle et l'adoption de pratiques agricoles durables.

    Nous comprenons maintenant à quel point nous allons le ressentir, mais allons-nous agir ?

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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