Bételgeuse : la supergéante rouge ne serait pas sur le point d'exploser
Après des semaines d'affaiblissement inexplicable, Bételgeuse, étoile située dans la constellation d'Orion, voit sa luminosité augmenter à nouveau.
Les rumeurs de la mort imminente de Bételgeuse se sont avérées très exagérées. La supergéante rouge ne serait finalement pas sur le point d'exploser, même si une récente baisse spectaculaire de sa luminosité laissait imaginer qu'elle vivait là ses dernières heures. Les dernières observations révèlent au contraire un regain de luminosité inattendu.
« La luminosité de Bételgeuse a bien recommencé à augmenter tout doucement » a reporté un membre de l'équipe de recherche le 22 février dernier au Astronomer's Telegram. « Des observations de toutes sortes sont toujours nécessaires pour comprendre la raison pour laquelle la luminosité a baissé et [tenter de deviner] comment cette étoile va se comporter ensuite ».
La luminosité de Bételgeuse augmentant de nouveau, les astronomes espèrent maintenant comprendre ce qui a causé une baisse aussi spectaculaire fin 2019. Ils devront d'abord accepter le fait qu'ils n'assisteront probablement pas au merveilleux spectacle qu'offre une supernova.
« J'adorerais dire que nous allons pouvoir observer une supernova », déclare Andrea Dupree du Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics. « Nous n'avons pas beaucoup d'informations sur ce qu'il se passe juste avant, la nuit, la semaine ou le mois précédent une supernova. »
UNE ÉTOILE SUR LE DÉCLIN ?
Point rouge d'ordinaire brillant et visible dans la constellation d'Orion, Bételgeuse est l'une des étoiles les plus reconnaissables du ciel nocturne. Située à environ 700 années-lumière de notre planète, l'étoile est une jeune supergéante rouge. Sa surface ressemble à une mosaïque tachetée de cellules convectives massives qui se déplacent, gonflent et rétrécissent - semblables aux poches de plasma bouillonnantes qui couvrent la surface du Soleil, mais beaucoup plus grandes.
« Elles sont énormes ! De très grandes cellules, d'une surface à peu près équivalente à la distance nous séparant de Mars », explique Dupree.
À mesure que ces cellules convectives rétrécissent et se dilatent, la luminosité de Bételgeuse fluctue. L'étoile est classée comme une étoile variable, ce qui signifie que sa luminosité baisse périodiquement au cours de cycles intrinsèques.
Mais l'automne dernier, la luminosité de Bételgeuse a commencé à baisser plus qu'à l'accoutumée, sans ensuite regagner en force. Fin 2019, l'étoile avait perdu environ 40 % de sa lueur originelle. Elle n'était plus la dixième étoile la plus brillante du ciel. Elle n'était même plus dans le top 20. Bételgeuse était plus faible qu'elle ne l'avait jamais été depuis que les astronomes l'observent et la documentent.
« C'est amusant de regarder l'évolution d'une étoile en temps réel », dit Dupree. « Nous observons des phénomènes jamais observés auparavant chez cette étoile, ou d'ailleurs chez toute autre étoile. »
Les raisons pour lesquelles Bételgeuse a sombré momentanément dans l'obscurité restent à déterminer. Certains astronomes pensent que des cycles stellaires normaux pourraient avoir coïncidé, ce qui aurait pu avoir un effet sur la luminosité de la supergéante rouge. D'autres imaginent plus volontiers que Bételgeuse a potentiellement éjecté une énorme quantité de poussière, se plongeant de fait dans un voile d'obscurité. Ce dernier phénomène laissait espérer une explosion prochaine, car selon les théories les plus récentes, les étoiles massives rejetteraient de gros nuages de poussière juste avant de s'effondrer et d'exploser.
Pour les étoiles aussi massives que Bételgeuse, une fin en supernova est inévitable - la question n'est pas de savoir si l'étoile va exploser, mais quand. Et lorsque Bételgeuse explosera, le cataclysme sera suffisamment brillant pour être visible en plein jour depuis la Terre.
L'ILLUMINATION DE BÉTELGEUSE
De nombreux astronomes espéraient secrètement que l'étoile exploserait, même si les prémices d'une supernova étaient l'explication la moins probable de son comportement inhabituel.
« J'adorerais la voir exploser. Ce serait tout simplement fantastique » , s'enthousiasmait Ed Guinan, astronome à l'Université de Villanova qui étudie les étoiles variables et suit Bételgeuse depuis des décennies, juste avant que la luminosité de l'étoile ne regagne en force.
Mais lorsque Guinan a tracé les fluctuations récurrentes de la luminosité de Bételgeuse, il a réalisé que sa dernière heure n'était probablement pas venue. Au moins deux des cycles périodiques de l'étoile se chevauchaient, une coïncidence qui pourrait expliquer, selon lui, pourquoi Bételgeuse s'est à ce point obscurcie.
Ed Guinan a jeté un coup d'œil à la synchronisation des cycles stellaires et il s'est rendu compte que si le comportement de l'étoile correspondait à une fluctuation particulièrement prononcée d'environ 425 jours, Bételgeuse devait recommencer à s'éclaircir vers la fin du mois de février, ce qui s'est en effet produit.
« Le plus bas de sa luminosité a été enregistré aux environs du 20 février », explique Guinan. « Je suis bien sûr très heureux d'avoir raison, qui ne le serait pas, mais j'espérais vraiment que l'étoile finirait en supernova. J'aimerais beaucoup assister à ce spectacle. »
UN MYSTÈRE STELLAIRE
Même si la prédiction de Guinan était juste, le mystère n'est pas complètement résolu. Alors que l'étoile s'estompait, plusieurs télescopes ont pivoté pour l'observer de plus près, dont le télescope spatial Hubble et le très grand télescope (VLT) au Chili. Lorsque les astronomes ont pointé le VLT vers Bételgeuse, ils ont observé une étoile très différente de celle qu'ils avaient documentée un an auparavant.
En janvier 2019, avant l'affaiblissement de l'étoile, celle-ci avait un aspect principalement sphérique et brillait constamment. Mais les images de décembre 2019 donnent à voir une étoile de forme plus ovale, avec une grande ombre couvrant l'hémisphère sud.
« Un changement aussi radical, localisé sur le disque stellaire, est extrêmement rare », explique Miguel Montargès de l'Université catholique de Louvain, en Belgique, qui a étudié Bételgeuse à l'aide du VLT.
Les astronomes ne savent pas si la poussière cache une partie de la lumière de l'étoile sur ces images, ou si l'étoile elle-même a changé de forme et s'est assombrie. Lorsqu'elle est étudiée dans les longueurs d'ondes infrarouges thermiques - où Bételgeuse brille le plus fort - l'étoile ne semble pas se refroidir considérablement, comme on pourrait s'y attendre si une grande cellule convective s'affaiblissait à sa surface.
« La formation de poussière est une explication qui semble raisonnable, étant donné que le changement de luminosité est limité aux courtes longueurs d'onde », qui ne pénètrent pas aussi bien la poussière, explique Pierre Kervella de l'Observatoire de Paris, qui a observé l'étoile à l'aide du VLT.
Mais le mystère est loin d'être résolu. Guinan et ses collègues sont heureux que Bételgeuse brille à nouveau de son éclat d'antan. Bientôt, la supergéante rouge glissera dans le ciel près du soleil, se cachant de notre regard, en pleine lumière, jusqu'à l'automne.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.