Quel avenir pour les nouveaux astronautes de l'ESA ?

Présentée au public le 23 novembre dernier, la nouvelle promotion d'astronautes de l'Agence spatiale européenne rassemble des astronautes de carrière, de réserve et des parastronautes. Retour sur les missions très différentes qui les attendent.

De Lou Chabani
Publication 20 déc. 2022, 12:51 CET
Présentation des seize nouveaux astronautes de l'ESA, le 23 novembre. Parmi eux figurent cinq astronautes de carrière, ...

Présentation des seize nouveaux astronautes de l'ESA, le 23 novembre. Parmi eux figurent cinq astronautes de carrière, dont la Française Sophie Adenot, onze astronautes de réserve, dont Arnaud Prost, et le consultant au projet parastronaute, John McFall.

PHOTOGRAPHIE DE Agence Spatiale Européenne

Si, pour beaucoup, la carrière d’astronaute représente un rêve inatteignable, le 23 novembre dernier, elle est pourtant devenue réalité pour seize heureux élus. Sélectionnés à l’issue d’un processus de recrutement extrêmement rigoureux, ces hommes et ces femmes ont été choisis parmi 22 523 candidats, tous plus talentueux les uns que les autres.

« J’ai rencontré énormément de gens d’une grande qualité humaine et technique [pendant les sélections] », explique humblement Arnaud Prost, l’astronaute de réserve français. « Il y a énormément de personnes excellentes dans leurs domaines qui ont trébuché sur la dernière marche. Il y a beaucoup de courage dans le simple fait de passer des épreuves. » 

Exceptionnellement nombreuse, cette promotion se caractérise par plusieurs choix stratégiques audacieux de la part de l’Agence spatiale européenne (ESA). En effet, si la promotion de Thomas Pesquet ne comptait que six membres en 2009, ce nouveau groupe en rassemble plus du double.

Cinq astronautes de carrière intègreront ainsi les rangs de l’ESA, accompagnés de onze astronautes dits « de réserve » et d’un parastronaute. Parmi eux figurent deux Français : Sophie Adenot, qui rejoint les rangs des astronautes de carrière, et Arnaud Prost, membre de la réserve des astronautes de l’ESA. Les profils sont variés, et ont été sélectionnés par l’ESA pour remplir des objectifs très différents, aussi bien sur Terre que dans les étoiles.

 

ET MAINTENANT ?

Entre épreuves psychométriques, psychologiques, médicales et entretiens de haut niveau, la première étape du long chemin vers à la Station spatiale internationale est semée d’embuches. Sur plus d’un an, les sélections ont dû départager un nombre impressionnant de candidats et candidates originaires de toute l’Union européenne.

Pourtant, une fois ce parcours du combattant terminé, pas le temps de se reposer pour les cinq astronautes de carrière : le grand tour des médias achevé, il leur faut désormais entamer leur formation au centre d’entraînement de l’ESA.

« [Les astronautes de carrière] vont devenir membres à plein temps de l’ESA et commencer leur formation le 3 avril, ce qui va les amener à déménager à Cologne, en Allemagne, où se trouve le centre d’entraînement des astronautes », explique Didier Schmitt, en charge de la stratégie et de la coordination à la direction de l’Exploration robotique et habitée. « Là, ils vont avoir une formation de base pendant un an […] dans tous les domaines du secteur spatial, et notamment dans l’expérimentation scientifique et le fonctionnement des systèmes de vols et de la station. »

Le programme inclut également d’autres enseignements, tels que les langues ou le brevet de plongée, nécessaire aux entraînements aux sorties extravéhiculaires, en piscine. Ces sorties représentant l’aspect le plus dangereux du métier d’astronaute, celles et ceux qui sont déclarés aptes à la tâche sont désignés bien longtemps avant leur premier vol, au cours d’un entraînement rude et spécifique.

« Tout dépend de leur aptitude à résister au stress. Ils sortent dans le milieu le plus extrême possible, et quoi qu’ils fassent, leur cœur bat à 180 et ils doivent rester fonctionnel pendant 8 heures, dans un scaphandre pressurisé avec la Terre sous leurs pieds », présente le chargé de stratégie. « Ils devront s’entraîner pendant des heures en piscine, et ils sauront assez vite s’ils ne sont pas faits pour. »

S’en suivront entre deux et trois années supplémentaires de formation avant de pouvoir espérer s’envoler. Une fois l’entraînement achevé, les futurs spationautes devront faire face à une dernière épreuve, bien connue de leurs ainés : l’attente. En effet, les voyages habités de l’ESA sont tous le résultat de plusieurs années de préparation minutieuse et de négociations pour savoir qui volera en premier.

« Nous avons déjà négocié avec la NASA pour avoir quatre vols de six mois entre 2025 et 2030. Soit nous arrivons à négocier un vol supplémentaire, soit nous pourrions faire trois vols longs et deux vols courts […] pour réussir à faire voler [un nouvel astronaute] chaque année », explique Didier Schmitt.

Cet emploi du temps strict impliquerait cinq longues années d’attente pour le dernier à s’envoler, une situation très similaire à celle de Thomas Pesquet, qui a été le dernier des « Shenanigans » (surnom donné à la promotion d’astronaute de 2009) à rejoindre la Station spatiale internationale (ISS), en 2016.

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    Sophie Adenot est l'une des cinq astronautes de carrière de la promotion 2022. Précédemment officière dans l'armée de ...
    Gauche: Supérieur:

    L'ingénieur d'essai et pilote Arnaud Prost est l'un des onze astronautes de réserve de la promotion 2022. En plus de son poste dans la réserve, il poursuit également son activité auprès de la Direction générale de l'Armement (DGA).

    Droite: Fond:

    Sophie Adenot est l'une des cinq astronautes de carrière de la promotion 2022. Précédemment officière dans l'armée de l'air, elle va désormais entamer un entraînement de trois à quatre ans avant de pouvoir s'envoler pour rejoindre la Station spatiale internationale (ISS).

    Photographies de Agence Spatiale Européenne

     

    ASTRONAUTE DE RÉSERVE

    En parallèle de ce programme chargé, deux autres types d’astronautes ont été recrutés dans le cadre de la sélection 2021. Première nouveauté de cette promotion : la présence d’un astronaute inclus dans le programme « Parastronaute ».

    L’athlète paralympique anglais John McFall a été retenu en tant que consultant afin d’étudier la faisabilité de l’intégration aux projets d’exploration spatiale d’astronautes présentant des handicaps moteurs.

    Étaient ainsi éligibles aux sélections de 2021 les personnes de taille inférieure à 1,3 mètre, celles qui présentaient un handicap moteur en dessous du genou sur une ou deux jambes, ou une différence de taille prononcée entre les deux jambes. Dans le cas de John McFall, son pied droit avait été amputé suite à un accident.

    « Nous allons étudier ce qui serait faisable pour adapter nos procédures de sécurité […] afin de trouver des solutions pour aller et revenir de la station […], et voir s’il serait possible de réagir correctement en situation d’urgence », présente Didier Schmitt. « Il s’agit de déterminer si le handicap serait un problème non seulement pour la sécurité de la personne, mais également pour celle de tout l’équipage. »

    L’ESA se donne ainsi deux ans pour tester d’éventuelles nouvelles procédures pour toutes les étapes du vol habité. Si les tests se montrent concluants, McFall aura peut-être la chance de s’élancer vers l’espace. Des améliorations des technologies pour le grand public pourraient également émerger grâce à ces études, telles que de nombreuses autres avancées techniques issues de la recherche spatiale.

    Une autre grande première de cette promotion est l’inclusion d’astronautes de réserve, choisis pour leurs performances remarquables au cours de la sélection, mais non intégrés à l’ESA. Selon M. Schmitt, la différence entre ces deux types d’astronautes se situe avant tout dans la nature de leur contrat. Ainsi, si Sophie Adenot travaillera à plein temps pour l’ESA, de son côté, Arnaud Prost a conservé son poste actuel au sein de la Direction générale de l’Armement (DGA).

    « Notre particularité est que nous allons continuer notre travail actuel. Dans mon cas, il s’agit de continuer ma mission dans le programme Rafale […] en tant qu’ingénieur d’essai et pilote », explique l’astronaute de réserve français. « En parallèle, il y aura aussi quatre semaines par an à l’ESA, pour participer à des expériences scientifiques, aux opérations de communication, se former et maintenir [notre] aptitude médicale. »

    Dans le cas de la réserve, les conditions nécessaires au vol de l’un des astronautes sont encore incertaines. En effet, comme l’explique Arnaud Prost, les réservistes n’ont pas pour rôle d’être les remplaçants des astronautes de carrière en cas de problème.

    « Si Thomas ou Sophie ne pouvait pas réaliser un vol, ce ne serait pas à moi de prendre leur place. Ils ont un équipage de secours formé et entraîné avec eux », précise-t-il. « C’est la première fois qu’il y a une réserve, tout n’est pas encore parfaitement défini […], mais il s’agira de faire face à des opportunités qui sortent de la planification traditionnelle de l’ESA. »

    « On ne sait pas encore comment vont évoluer les opportunités de vol dans la Station spatiale, et il y a des États membres [de l’ESA] qui pourraient obtenir un vol pour leur astronaute de réserve, s’ils trouvent un financement national supplémentaire », ajoute Didier Schmitt. « Si une telle opportunité se présentait, leur astronaute de réserve deviendrait astronaute ESA pour la durée de l’entraînement et de la mission, soit pendant environ quatre ans. Il retournerait ensuite à son poste initial. »

    L'astronaute italienne Samantha Cristtoforetti, membre de la promotion 2009 des « Shenanigans », lors de son entraînement aux sorties ...

    L'astronaute italienne Samantha Cristtoforetti, membre de la promotion 2009 des « Shenanigans », lors de son entraînement aux sorties extra-véhiculaires en piscine à la base de Houston en 2012.

    PHOTOGRAPHIE DE Agence Spatiale Européenne

     

    D'UN VAISSEAU À UN AUTRE

    Si les options de vols d’un astronaute de réserve sont plus limitées que celles d’un astronaute de carrière, leur emploi du temps n’est pas vide pour autant. En plus de leurs quatre semaines annuelles, les réservistes de l’ESA portent également la casquette d’ambassadeurs de l’exploration spatiale.

    « De façon certaine, une grande partie sera consacrée à des actions de communication […] dans différents salons. Il faudra aussi participer aux échanges entre les délégations nationales et l’ESA », explique Arnaud Prost. « Avec la réserve, plus de nationalités sont représentées, ce qui permet d’avoir une diversité plus importante parmi les astronautes. Cela crée également davantage de relais dans chaque État membre de l’ESA. »

    Un autre impératif des réservistes consiste à se tenir prêts à rejoindre « le corps » à tout moment, si un astronaute de carrière venait à quitter définitivement l’ESA. En effet, les remplacements de dernière minute sont assurés par un équipage de secours, mais le départ d’un astronaute entraînerait quant à lui l’intégration d’un réserviste. Ces derniers se doivent donc de maintenir le niveau qui leur a valu leur sélection afin de pouvoir combler les manques ou répondre à l’appel en cas d’apparition de nouvelles opportunités.

    « Notre espoir collectif, dans la réserve et dans le corps, est qu’il y ait un nouvel élan pour le vol habité, notamment […] pour le développement d’un mode de transport européen autonome », confie Arnaud Prost. « Dans mon cas, mon objectif des prochains mois est de définir une synergie entre mon activité d’ingénieur d’essai et le vol spatial, et ce afin de pouvoir être le plus utile et performant possible le jour J. »

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