JUICE : l'Europe part à la conquête des lunes glacées de Jupiter

Avec un lancement prévu pour le 13 avril 2023, le satellite Jupiter ICy moons Explorer est la prochaine mission de grande ampleur de l’ESA. Au programme : étude des océans souterrains, de l’habitabilité et recherche de traces de vie.

De Lou Chabani
Publication 13 mars 2023, 16:33 CET
Vue d'artiste du satellite JUICE en vol. Le projet, à l'étude depuis 2007, est l'une des ...

Vue d'artiste du satellite JUICE en vol. Le projet, à l'étude depuis 2007, est l'une des missions de grande ampleur du programme 2015 - 2025 de l'Agence Spatiale Européenne.

PHOTOGRAPHIE DE Agence Spatiale Européenne

Ce n’est plus qu’une question de jours avant son lancement. Et cela fait bien longtemps que la mission Jupiter ICy moons Explorer (JUICE) est à l’étude dans les laboratoires de l’Agence Spatiale Européenne (ESA).

« Le projet a débuté en 2007 avec un appel à idées auprès de la communauté scientifique […]. Il y a ensuite eu cinq ans d’études et cette idée a été sélectionnée en 2012 », raconte le Dr. Olivier Witasse, astronome et responsable scientifique de l’Agence spatiale européenne. « Ensuite de 2012 à 2014 nous avons sélectionné les instruments et choisi l’industriel Airbus Toulouse pour fabriquer le satellite. »

Après un voyage interplanétaire estimé à huit ans, le satellite devrait orbiter autour de la géante gazeuse pendant cinq ans. Il en profitera alors pour effectuer de nombreux relevés de la planète et de ses satellites naturels.

« JUICE est une grosse mission, il s’agit d’étudier le système de Jupiter dans son ensemble avec un focus particulier sur les lunes glacées Europe, Callisto et Ganymède », explique l’astronome. « Il y a de l’eau liquide à l’intérieur de ces lunes et qui dit eau liquide, dit ingrédient de la vie. Nous avons de grosses attentes car la recherche de la vie est l’une des plus grandes questions de l’exploration spatiale. »

La mission marque également la dernière utilisation du lanceur Ariane 5 par l’ESA et l’avant-dernière mission de la fusée avant son remplacement par Ariane 6.

Comprendre : Jupiter

 

EUROPE, CALLISTO ET GANYMÈDE

Située à 628,73 millions de kilomètres de notre planète, Jupiter est la planète de tous les records. Plus grande et plus lourde planète du système solaire, Jupiter est si volumineuse que l’ensemble des planètes du système solaire pourrait y loger. Tout comme ses voisines Saturne, Uranus et Neptune, il s’agit d’une planète gazeuse, dépourvue de surface. Elle représente pourtant l’une des influences gravitationnelles les plus importantes du système solaire.

Avec 92 lunes reconnues par la communauté scientifique, Jupiter ne manque pas non plus de compagnie. Parmi elles, les lunes galiléennes Io, Europe, Callisto et Ganymède, quatre satellites naturels immenses, à la taille comparable à de petites planètes telluriques.

Si Io est reconnue comme l’un des objets géologiques les plus actifs de notre système solaire, avec de nombreux volcans en activité constante, ses trois sœurs sont bien différentes. Recouvertes de plusieurs kilomètres de glace, elles sont notamment caractérisées par de larges océans d’eau liquide.

« On sait que Mars a été habitable au début de son histoire, mais maintenant c’est fini », explique le Dr. Witasse. « Le focus actuellement est de voir s’il existe des endroits autour des planètes géantes qui soient favorables à la vie ou [à la formation] de vie. »

Io a très peu de chances d’abriter la vie à cause de conditions trop difficiles mais les trois autres lunes galiléennes sont des candidates très intéressantes pour la recherche de traces de vie extraterrestre. Si Ganymède et Europe sont assez bien connues des scientifiques, JUICE serait aussi l’occasion de rassembler plus d’informations sur Callisto.

« Callisto est une lune un peu énigmatique, c’est un satellite un peu mort d’un point de vue géologique, comme notre Lune », ajoute l’astronome. « Cependant on ne sait pas si elle a de l’eau liquide à l’intérieur […] les données ne sont pas claires sur le sujet. »

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    La préparation de JUICE aura demandé l'implication de près de 1000 personnes à différents niveaux, allant de la conceptions à la prévision des différentes observations qui seront effectuées par le satellite.

    PHOTOGRAPHIE DE Agence Spatiale Européenne

    De nombreux relevés seront effectués autour de la planète elle-même afin d’étudier ses interactions avec ses plus petites lunes, ainsi que celles des lunes entre elles. L’étude des conditions climatiques, l’atmosphère et la magnétosphère de la géante gazeuse sera aussi effectuée.

    « L’objectif est d’étudier le système de Jupiter et de l’ensemble de ses lunes tel qu’il est maintenant et d’étudier sa formation » présente Olivier Witasse. « Avec les données de JUICE nous pourrons déterminer s’il est nécessaire d’aller se poser sur la surface des lunes ou même de ramener des échantillons. »

     

    VOIR À TRAVERS LES MURAILLES DE GLACE

    Afin de remplir ses objectifs, JUICE emportera avec lui une dizaine d’outils de mesure élaborés spécialement pour la mission. Conçu pour résister aux puissantes ceintures de radiations de la géante gazeuse et aux variations thermiques importantes qu’il devra affronter pendant son voyage, JUICE devrait voir sa mission s’achever en 2035.

    « Les ceintures de radiations sont un gros problème parce qu’elles détruisent l’électronique » précise le Dr. Witasse « Il fallait protéger le satellite, ainsi que les panneaux solaires. Il y a 85 m² de panneaux qui doivent pouvoir fonctionner dans le chaud comme dans le froid. »

    Au total ce sont entre 500 et 1 000 personnes qui ont travaillé à la conception du satellite et de ses missions. Le projet permettra de recueillir de nombreuses données dans des disciplines de recherche très variées.

    « Nous touchons à presque tous les domaines en science planétaire », explique le Dr. Witasse. « Il y a aussi des échanges avec la communauté scientifique étudiant les exoplanètes et comme nous allons étudier les océans d’eau liquide, nous ferons surement le pont avec les études océanographiques terrestres. »

    Comprendre : les exoplanètes

    Enfouis sous plusieurs kilomètres de glace, ces océans sont pourtant loin d’être facilement observables. Pour contourner le problème, les scientifiques comptent sur l’utilisation de plusieurs radars spéciaux.

    « Ce sont plusieurs des méthodes indirectes qui sont ensuite comparées entre elles. La première est un magnétomètre capable de mesurer les champs magnétiques », détaille l’astronome. « Cette eau liquide n’est pas pure, ce n’est pas de l’eau distillée, elle contient de petites particules capables de conduire l’électricité […]. Les courants magnétiques de Jupiter vont venir interagir avec ce courant électrique et entraîner des perturbations qui sont mesurables avec un magnétomètre. »

    Une autre méthode repose sur l’utilisation d’un laser altimètre afin de mesurer les reliefs et les profils topographiques des surfaces lunaires. En effectuant plusieurs mesures au même endroit, il sera alors possible pour les scientifiques de déterminer si l’altitude varie en fonction d’effets de marée déjà connus.

    « La différence [avec la Terre] est qu’il n’y a pas d’eau sur la surface des lunes, mais il y a tellement d’attraction gravitationnelle que les lunes prennent la forme de ballons de rugby. C’est une marée solide », ajoute le scientifique. « En fonction des mesures de ces marées, on obtiendra des informations sur l’intérieur de la lune. Si la couche de glace flotte sur de l’eau liquide, il y aura plus d’amplitude que sur une croute rigide. »

    Des mesures des champs de gravité sur le satellite permettront aussi de déterminer l’épaisseur des couches de glace et des potentiels océans, ainsi que la nature du noyau. 

    Pour ses dernières observations en 2035, JUICE sera placé en orbite autour de Ganymède et y fera ses dernières mesures jusqu’à avoir utilisé la totalité de son carburant. Le satellite deviendra alors impossible à diriger depuis la Terre et finira sa course à la surface de la lune de glace.

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