Après onze refus, cet homme est finalement devenu astronaute

José Hernández, ingénieur et astronaute mexicano-américain, nous raconte comment, après avoir été refusé à 11 reprises, il est devenu le premier fils d’ouvriers agricoles migrants à se rendre dans l’espace.

De Angela Locatelli
Publication 9 sept. 2024, 17:06 CEST
Astronaut Jose Hernandez Trailblazer

Le complexe des visiteurs du Centre spatial Kennedy propose des rencontres quotidiennes avec des astronautes, dont l'ingénieur mexicano-américain José Hernández.

PHOTOGRAPHIE DE NASA

En 2009, l’ingénieur mexicano-américain José Hernández a réalisé le rêve de sa vie : se rendre dans l’espace en tant qu’astronaute de la NASA. Pourtant, son parcours ne l’y prédestinait pas. Issu d’une famille de travailleurs agricoles migrants, José a vécu son enfance dans ce qu’il appelle le « circuit californien ». Il passait les vacances d’hiver avec sa famille dans le sud du Mexique, puis suivait les récoltes saisonnières à travers la Californie, changeant ainsi très régulièrement d’école. Grâce à son ambition, il est devenu le tout premier membre de sa famille à aller à l’université, à apprendre à piloter, à plonger, et même à parler russe. Comme il nous l’explique dans cet entretien, ce sont les difficultés de son enfance qui lui ont donné la résilience nécessaire pour réussir.

 

Qu’est-ce qui vous a poussé à vouloir devenir astronaute ?
Mon rêve a vu le jour lorsque, à l’âge de 10 ans, j’ai regardé en direct sur le téléviseur noir et blanc de ma famille le dernier homme à avoir posé le pied sur la Lune. J’ai entendu l’astronaute Gene Cernan parler au centre de contrôle de mission de Houston, et le journaliste Walter Cronkite — je me souviens encore de son nom — nous décrire cette expédition sur la Lune. Ça a révélé en moi une sorte de vocation, tout comme quand un jeune homme sent qu’il est destiné à devenir prêtre. Un attrait spirituel, voilà ce que j’ai ressenti.

Étiez-vous conscient de l’ampleur de cette ambition ?
Je savais que j’étais ouvrier agricole, mais je ne savais pas que je partais avec un tel désavantage. Bien qu’il ait arrêté l’école assez jeune, mon père m’a donné la force de croire que je pouvais y arriver. Il m’a donné cinq ingrédients pour réussir, une recette que j’utilise encore aujourd’hui : définir un objectif, reconnaître la distance qui nous en sépare, tracer un plan d’action, se préparer au défi à relever et développer une éthique de travail imparable. J’en ajouterais un sixième : la persévérance. La NASA m’a rejeté onze fois, mais j’ai continué à essayer et j’ai finalement réussi en 2004, à ma douzième tentative.

D’où vous vient cette résilience ?
Elle faisait partie de moi, et je remercie mon héritage, mon passé pour ça. J’ai grandi en travaillant, en me levant à 4 heures du matin sept jours sur sept, tout au long de l’année. On dit souvent que je suis parvenu à devenir astronaute malgré le fait que je vienne d’une famille d’ouvriers agricoles migrants, mais c’est le contraire : c’est grâce à ça que j’ai réussi.

Avez-vous envisagé d’abandonner ?
Je m’autorisais un ou deux jours pour être triste, puis je revoyais le verre à moitié plein. Qu’est-ce que j’avais à perdre, même si je n’étais jamais sélectionné ? Vouloir devenir astronaute m’a poussé à aller à l’université, à faire des études supérieures, à travailler dans un centre de recherche de premier plan, à apprendre à piloter, à faire de la plongée sous-marine, à parler une troisième langue. En comparaison au ramassage des concombres pour 50 cents le seau quand j’étais enfant, même le plan B n’était pas si mal. C’est pour cette raison que je dis toujours qu’il faut apprécier le voyage, et pas seulement la destination. Parfois, la vie prend des chemins inattendus ou fait des détours, et parfois, on n’atteint pas du tout sa destination. Si vous n’appréciez pas le voyage, peut-être que vous n’avez pas choisi la bonne destination.

Qu’avez-vous ressenti en recevant votre lettre d’acceptation ?
On pourrait croire que c’était comme gagner à la loterie ; après tout, plus de 12 000 personnes ont postulé pour seulement 9 à 15 postes. Mais non, ce que je me suis dit, c’est qu’il était temps. J’avais tout fait et, d’une certaine manière, je me disais que je méritais d’être là. De plus, ce n’est pas parce que l’on est accepté dans le programme spatial que l’on va forcément aller dans l’espace. Il faut encore suivre une formation de deux ans. On apprend à piloter des avions à réaction et à faire fonctionner une navette spatiale sur la Station spatiale internationale. On passe des tests académiques tous les vendredis, des tests oraux, écrits et sur simulateur ; c’est comme passer des examens finaux en continu pendant deux ans. Il faut aussi démontrer que l’on a les qualités et aptitudes nécessaires.

Comment avez-vous vécu le décollage ?
Disneyland ne pourrait pas rêver meilleure attraction. Ça commence doucement et ça accélère progressivement ; on passe de 0 à [28 000 kilomètres par heure] en 8,5 minutes, le temps qu’il faut pour atteindre l’espace. À la fin, on a l’impression que trois personnes se tiennent debout sur notre poitrine ; mais je m’étais entraîné et j’avais confiance dans les 1 000 personnes qui font de chaque mission un succès.

Et regarder la Terre pour la première fois ?
La première fois que j’ai regardé, j'ai vu l’Amérique du Nord : le Canada, les États-Unis, le Mexique. Ce qui est magnifique, c’est qu’on ne voit pas où les pays commencent et se terminent. Il a fallu que je m’envole de la planète pour réaliser que les frontières ne sont que des concepts que nous avons inventés. C’est triste, car de là-haut, je vois que nous ne faisons qu’un. J’aimerais que nos politiques puissent le voir eux aussi.

Vous avez passé quatorze jours dans l’espace. Vous y êtes-vous habitué ?
Non, c’était un peu flou, et j’ai beaucoup travaillé. J’étais ingénieur de vol et nous étions l’avant-dernière mission visant à achever la construction de la Station spatiale internationale ; nous étions comme les transporteurs qui viennent installer les appareils électroménagers après l’achat d’une maison. Nous avons transporté 7 tonnes de matériel, dont des supports d’expérience, des équipements d’exercice, ainsi que d’autres objets comme des antennes pour l’extérieur.

Avez-vous rencontré des difficultés à votre retour sur Terre ?
Je ne suis pas resté suffisamment longtemps pour que mes muscles s’affaiblissent ; si l’on ne fait pas d’exercice, on peut parfois avoir du mal à se tenir debout. Mon système vestibulaire et mon oreille interne n’étaient pas calibrés, donc j’ai rencontré plus de difficultés avec mon équilibre, mais on finit par s’y habituer.

Des touristes peuvent-ils espérer voyager un jour dans l’espace ?
Pour l’instant, seuls les millionnaires le peuvent, mais dans une quinzaine d’années, le prix commencera à baisser. Pas au point d’atteindre le prix d’un billet d’avion, mais peut-être suffisamment pour vous laisser le choix entre acheter une nouvelle voiture et aller dans l’espace.

Comment pouvons-nous en savoir plus sur les voyages spatiaux ?
Le complexe des visiteurs du centre spatial Kennedy (Kennedy Space Center Visitor Complex) est le deuxième meilleur moyen de découvrir l’espace. Rien que cette année, il a accueilli plus de 100 lancements spatiaux, et un astronaute est sur place tous les jours pour animer des présentations. Il propose également une nouvelle expérience pour révéler l’architecture de la fusée Artemis et de la station Gateway qui, respectivement, se rendront sur la Lune et dans son orbite. Nous y retournerons dans environ un an et demi, ce qui nous aidera à préparer le grand voyage vers Mars. C’est vraiment palpitant.

Êtes-vous souvent sur place ?
Environ quatre ou cinq jours, deux fois par an, mais un astronaute est présent tous les jours au Centre spatial. Vous pouvez écouter ses présentations et prendre un petit-déjeuner avec lui, ou un café dans l’après-midi. Lorsque j’y suis, ils servent même mon vin, le Tierra Luna Cellars.

Quelle place prend votre exploitation viticole dans votre vie ?
Lorsque j’ai pris ma retraite et que je suis revenu en Californie, j’ai voulu remonter sur un tracteur. Lorsque j’ai commencé à vendre du raisin à une cave, j’ai observé le processus et je me suis dit que ce n’était pas sorcier. J’ai pris les choses en main et j’ai développé trois variétés de vin. Nous n’exportons pas encore, mais nous allons construire un centre de dégustation. Les visiteurs pourront venir déjeuner et ouvrir une bonne bouteille au milieu des vignes. J’ai travaillé dans une ferme, et maintenant j’ai un vignoble. La boucle est bouclée.

Plus d'informations : Le complexe des visiteurs du centre spatial Kennedy propose des rencontres quotidiennes avec des astronautes, y compris, parfois, avec José Hernández. Son autobiographie, Reaching for the Stars, a fait l'objet d'une adaptation cinématographique intitulée Plus tard, j'atteindrai les étoiles, disponible sur Prime Video.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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