Les débris de l'astéroïde dévié par la NASA pourraient s'écraser sur Mars

La mission DART, lancée en 2022 pour apprendre à dévier la trajectoire des astéroïdes dans le but de protéger la Terre d’un futur cataclysme, a été un franc succès, mais pourrait avoir des conséquences inattendues pour la planète rouge.

De Robin George Andrews
Publication 29 mars 2024, 16:02 CET
Image de l'astéroïde Didymos (en bas à droite) et de sa lune mineure Dimorphos (au centre), ...

Image de l'astéroïde Didymos (en bas à droite) et de sa lune mineure Dimorphos (au centre), capturée par la sonde DART (Double Asteroid Redirection Test) de la NASA, environ 2,5 minutes avant qu'elle ne percute délibérément Dimorphos pour tester si un tel impact pourrait dévier un astéroïde se dirigeant vers la Terre.

Si rien n’est fait pour l’arrêter, le jour viendra où un astéroïde à peine plus grand qu’un stade de football s’écrasera sur notre planète. S’il touche une ville, il aura l’effet d’une bombe nucléaire non radioactive et la rayera complètement de la carte. Pas moins de 25 000 astéroïdes de ce type, d’environ 140 mètres de diamètre, se déplacent dans l’espace proche de la Terre, et 15 000 d’entre eux n’ont pas encore été découverts.

Une méthode, qui consiste à modifier la trajectoire de ces astéroïdes en les percutant à l’aide de petits vaisseaux spatiaux, est actuellement à l’essai afin de les empêcher de frapper notre planète le moment venu. En septembre 2022, une sonde de la taille d’une camionnette a ainsi été envoyée à une vitesse de 22 500 kilomètres par heure sur un astéroïde géocroiseur inoffensif de 160 mètres de diamètre baptisé Dimorphos. La sonde a réussi à modifier l'orbite de ce dernier autour de Didymos, un astéroïde plus massif.

Cette mission de la NASA, baptisée Double Asteroid Redirection Test (DART), constituait la toute première expérience de défense planétaire de l’histoire de l’humanité. Considérée comme un immense succès, cette dernière a toutefois engendré des répercussions inattendues : parmi elles, l’éjection d’un essaim de blocs rocheux, découverts autour de Dimorphos plusieurs mois après l’impact. Bien que ces blocs, qui sont relativement petits, ne représentent aucune menace pour notre planète, les scientifiques se demandaient où ils finiraient par atterrir.

Le télescope James Webb enregistre les suites de la collision de la sonde DART 22 minutes, 5 heures et ...

Le télescope James Webb enregistre les suites de la collision de la sonde DART 22 minutes, 5 heures et 8 heures après le moment de l'impact.

PHOTOGRAPHIE DE STScI, NASA

Une étude publiée récemment, qui n’a pas encore fait l’objet d’une évaluation par les pairs, propose quelques réponses. En créant des simulations des nombreux mouvements possibles de ces blocs rocheux au cours des 20 000 prochaines années, les scientifiques en charge de l’étude ont déterminé qu’il est impossible que l’un d’entre eux pénètre un jour dans l’atmosphère terrestre.

« En revanche, ils croiseront l’orbite de Mars », révèle Marco Fenucci, auteur de l’étude et spécialiste de la dynamique des objets géocroiseurs au Centre de coordination des objets géocroiseurs de l’Agence spatiale européenne. Si la planète rouge arrive sur ce point de croisement au même moment que les mini-astéroïdes, certains d’entre eux perceront sa fine atmosphère, « s’écraseront sur sa surface et formeront un cratère » pouvant atteindre les 300 mètres de long.

C’est la première fois que l’humanité génère sa propre tempête de météorites, qui pourrait finir par frapper un monde rocheux, recréant ainsi un processus naturel qui se produit depuis la nuit des temps.

Selon David Jewitt, astronome à l’Université de Californie à Los Angeles, « le plus grand devient plus petit, c’est une cascade qui se déroule en continu depuis les premiers jours du système solaire ».

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    UNE CONSÉQUENCE INATTENDUE

    Du fait de sa taille relativement petite, les observations télescopiques de Dimorphos n’avaient révélé que peu d’informations sur l’astéroïde avant l’arrivée de la sonde DART. Avec les données dont ils disposaient, les astronomes supposaient que leur cible était un « agglomérat lâche » : un astéroïde de faible densité, dont les morceaux sont à peine assemblés sous l’influence de sa gravité. Lorsque DART s'est écrasé et a provoqué l’éjection d’une quantité excessive de débris, et a même modifié la forme de l’objet tout entier, leur théorie a été validée.

    Le nombre et la taille de ces roches errantes étaient toutefois inattendus.

    Tandis que plusieurs blocs rocheux ont été immédiatement éjectés et ont rapidement disparu, des observations ultérieures du télescope spatial Hubble ont permis de repérer des débris supplémentaires. Trente-sept blocs rocheux, dont certains mesuraient jusqu’à 7 mètres de long, s’éloignaient plus lentement de Dimorphos.

    « Nous ne nous attendions pas à ce qu’autant de blocs rocheux, surtout aussi imposants, soient éjectés », admet Andy Rivkin, astronome planétaire à l’Applied Physics Laboratory et co-responsable de l’équipe d’enquête de la mission DART. « Nous pensons que ces blocs étaient probablement déjà là, et que l’onde de choc les a simplement projetés. Ils n’ont pas été créés lors de l’impact. »

    À court terme, ces blocs libérés de la gravité de l’astéroïde pourraient théoriquement mettre en danger la sonde spatiale Hera de l’Agence spatiale européenne, qui doit être lancée en octobre de cette année pour atteindre Dimorphos en 2026 dans le but d’évaluer les conséquences l’impact de DART. Une collision avec l’une de ces roches errantes risquerait de la détruire.

    En outre, selon Jewitt, qui fait partie de l’équipe qui a utilisé Hubble pour repérer cet essaim de trente-sept blocs rocheux autour de Dimorphos, il est possible que ces derniers soient encore plus nombreux que ne l’indiquent les observations des télescopes. Si des obstacles rocheux sont encore présents à l’arrivée de Hera dans les alentours de l’astéroïde, il sera peut-être nécessaire de la piloter afin de les contourner.

    Par chance, même si, selon une étude, plusieurs blocs se trouveront peut-être encore à proximité de Dimorphos en 2026, les risques de collision avec Hera seront assez faibles.

     

    DIRECTION : MARS

    Pour déterminer où ces blocs finiront par atterrir, l’équipe de Fenucci a sélectionné un astéroïde moyen de l’essaim et a simulé ses nombreux déplacements potentiels au cours des vingt prochains millénaires. Lorsque l’on se projette aussi loin dans l’avenir, les incertitudes sont toutefois nombreuses ; de simples pressions exercées par la lumière du Soleil peuvent par exemple, au fil du temps, modifier la trajectoire d’un petit astéroïde.

    Selon les simulations, il semble très probable que, dans 6 000 ans, et à nouveau dans 13 000 ans, les orbites de Mars et de ces blocs rocheux se rapprochent considérablement. Le moment venu, « si [Mars et les blocs] arrivent sur le point de croisement en même temps, il est possible qu’une collision se produise », affirme Fenucci.

    Si la structure de ces blocs est faible, ils pourront se désintégrer en pénétrant dans l’atmosphère martienne. Sinon, ils s’écraseront et créeront un cratère sur la surface de la planète.

    Ces blocs ne représentent qu’un unique danger potentiel pour l’humanité, dans le cas où, dans un futur lointain, des astronautes se trouveraient sur la surface de Mars, au mauvais endroit et au mauvais moment.

    Les données fournies par cette étude pourraient aider les futures recherches en matière de défense planétaire.

    Pour défendre la Terre contre les astéroïdes meurtriers, il faut savoir déterminer leur origine. Selon les scientifiques, ces corps rocheux sont principalement le résultat de collisions dans la ceinture d’astéroïdes située entre Mars et Jupiter. Néanmoins, cette étude montre que « des astéroïdes proches de la Terre pourraient également produire des météorites », révèle Federica Spoto, chercheuse en dynamique des astéroïdes au Centre d’astrophysique de Harvard-Smithsonian.

    Il est également possible que, dans un avenir pas si lointain, les humains commencent à exploiter des astéroïdes riches en matières précieuses, telles que des métaux rares. « Les astéroïdes les plus proches de la Terre sont des cibles naturelles pour ces missions », selon Fenucci.

    Cependant, comme le montre ce type de recherches, si ces astéroïdes sont choisis comme cibles, leur désintégration devra être entreprise avec prudence. En effet, même si les petites roches qui se détachent de ces agglomérats lâches dérivent généralement dans l’espace lointain et ne causent aucun dégât, à terme, certains de ces blocs plus ou moins imposants pourraient se diriger vers nous.

    « Si l’on libère dans l’espace davantage d’objets susceptibles de s’écraser sur la Terre, cela finira par poser problème », prévient Fenucci.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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