La première mission spatiale d’imagerie d’exoplanètes sera lancée en 2027
Sur commande de la NASA, des scientifiques du Laboratoire d’astrophysique de Marseille (LAM) ont récemment poli huit minis-miroirs qui seront intégrés au télescope américain qui décollera en 2027.
Dans cette vision d'artiste, une exoplanète orbite une étoile semblable à notre Soleil. Le télescope spatial James Webb analysera la structure et la composition atmosphérique des exoplanètes à un niveau de détail sans précédent, dans l'espoir de trouver les caractéristiques d'une planète habitable.
En 2027, dans le cadre de la première mission mondiale pour l’imagerie des exoplanètes, la NASA enverra dans l’espace le télescope spatial infrarouge Roman Space Telescope. L’un des objectifs de cette mission sera de « faire une démonstration technologique scientifique pour prouver que l’on est capable de faire l’imagerie et donc de voir des exoplanètes » explique Marc Ferrari, astronome et scientifique optique au CNRS et au laboratoire d’astrophysique de Marseille.
Pour les chercheurs français, cette mission est « une belle opportunité » de contribuer à la mission américaine. En 2017, la NASA a commandé au Laboratoire d’astrophysique de Marseille huit petits miroirs de six centimètres chacun. Ces derniers seront ensuite intégrés au téléscope et permettront la potentielle imagerie des exoplanètes. « On a commencé à tout mettre en œuvre en 2018, puis à polir en 2019. Pour faire les huit miroirs, on a poli pendant deux ans et demi, en incluant la pause du Covid ».
Pour pouvoir espérer observer ces exoplanètes, le moindre défaut de polissage peut être dramatique. « L’équivalent, c’est de regarder depuis Paris une luciole proche d’un phare à New-York » précise l’astronome.
« À ce niveau d’amélioration de la qualité de l’image, les moindres petits défauts sur les optiques ont leur importance. […] Ils peuvent être du même ordre de grandeur que les exoplanètes que l’on cherche à observer. » Dans un reportage du CNRS, l’équipe de Marc Ferrari parle d’un polissage de verre parfait, au nanomètre près.
Cette infinie méticulosité permettra une grande première dans l’histoire de l’observation des exoplanètes. « Depuis la première découverte en 1995, on en est aujourd’hui à plus de 5 000 systèmes d’exoplanètes découverts. La plupart ont été découverts par des méthodes indirectes, grâce aux méthodes de vitesse radiale » développe l’astronome. Les exoplanètes connues ont été indirectement observées grâce à l’effet qu’elles produisent sur les étoiles. En fait, « les étoiles bougent légèrement car des planètes orbitent autour d’elles. On mesure ce déplacement de l’étoile, donc on en déduit qu'une, deux ou plusieurs exoplanètes tournent autour, sans pour autant pouvoir les voir » précise Marc Ferrari.
L’autre méthode utilisée jusqu’ici est celle « des transits ». C’est lors de l’observation d’une étoile que l’exoplanète peut être détectée. « Lorsqu’une planète passe devant l’étoile, cela s’obscurcit légèrement, on observe une très légère baisse de luminosité. Cette baisse de luminosité peut nous donner des informations sur la taille de la planète qui est passée. »
DES MIROIRS DANS L’ESPACE
« Cela va être la première mission qui va utiliser un coronographe. On met une pastille devant la lumière qui vient de l’étoile pour ne laisser passer que la lumière des planètes qui gravitent autour » témoigne Marc Ferrari. L’ensemble est un système de rebond de la lumière entre les différents miroirs jusqu’à la caméra scientifique du télescope qui capture l’image finale.
Plusieurs types de planètes peuvent être détectés. Les Jupiter chaudes, des gigantesques planètes gazeuses dont la masse est supérieure ou égale à celle de Jupiter ou alors des exoterres, plus petites et froides, dont la masse est supérieure ou égale à celle de la Terre.
Depuis quelques années, des instruments se développent au sol et permettent de commencer à proposer des imageries d’exoplanètes grâce à un coronographe et un système d’optique adaptative. « La plupart des imageries, aujourd’hui, sont des Jupiters chaudes […] qui, du fait qu’elles soient chaudes, émettent par elles-même de la lumière en infrarouge que l’on arrive à capter. » Les exoterres sont au contraire plus difficiles à détecter et donc à imager, puisqu’elles n’émettent pas par elles-même, « elles n’émettent que la lumière réfléchie de l’étoile » ajoute l’expert.
« Le contraste entre la lumière de l’étoile et la lumière de la planète que l’on essaye de détecter est à peu près un million de fois plus faible. Pour les exoterres, on est plutôt sur un milliard de fois plus faible. […] Les objectifs des futures missions spatiales, c’est de s’approcher du contraste d’un milliard pour aller vers des exoplanètes. »
Une mission spatiale pour l’imagerie d’exoplanètes signifie que les scientifiques pourront analyser le spectre de la lumière reflétée et donc « commencer à regarder les composés de ces planètes ». L’imagerie directe permettra aux chercheurs de comprendre précisément où se place la planète, mais également de « pouvoir détecter les différentes molécules qu’il peut y avoir dans l’atmosphère de cette planète-là ».
Ces avancées technologiques projettent les astronomes et les scientifiques de la NASA vers des potentielles imageries d’exoplanètes rocheuses ou même d’exoterres, sur lesquelles les conditions sont potentiellement semblables à notre planète.
À ce jour, les miroirs ont été validés par la NASA et seront intégrés au télescope en présence de l’équipe de scientifiques de Marseille. « En ce moment, on définit quels chercheurs participeront à partir de 2027 à la mission et l’on prépare les programmes d’observation » conclut Marc Ferrari.