Landsat, la petite île canadienne qui a été découverte par un satellite

La petite île près de la côte Atlantique du pays a été baptisée Landsat en référence au satellite qui l'a découverte en 1976.

De Nadia Drake
Publication 28 juil. 2022, 11:23 CEST
Landsat_1

Landsat 1, lancé en juillet 1972, a été le premier satellite conçu pour étudier la Terre depuis son orbite. On voit ici l'engin spatial en configuration de vol avec ses panneaux solaires déployés dans l'ancienne usine GE de Valley Forge, en Pennsylvanie.

PHOTOGRAPHIE DE NASA

Regardez attentivement une carte de l’Atlantique Nord, au large de la côte est de la province canadienne de Terre-Neuve-et-Labrador, et vous verrez... rien du tout. L’île inhabitée qui devrait se trouver là est si petite que même Google Maps ne peut pas l’afficher.

Mais il y a près de cinquante ans, le premier satellite d’observation de la Terre de la NASA, un projet conjoint avec l’U.S. Geological Survey (USGS), a détecté la signature spectrale de l’île à plus de 800 kilomètres d’altitude. Cette découverte a agrandi la superficie du territoire canadien de 68 kilomètres carrés : une expansion modeste qui a néanmoins marqué une réussite passionnante pour le programme connu aujourd’hui sous le nom de Landsat. En 1979, l’affleurement a été officiellement baptisé l’île Landsat, du nom de l’œil révolutionnaire qui l’avait repéré.

« Ça a totalement changé le domaine de la cartographie », affirme Terry Sohl, chercheur au centre scientifique et d’observation des ressources terrestres de l’USGS, à propos du programme.

La NASA est peut-être plus connue pour son observation des étoiles, mais depuis un demi-siècle, les satellites de l’agence spatiale observent également notre planète.

Inspiré par les images de la Terre prises dans l’espace lors des vols des programmes Mercury et Gemini, le Earth Resources Technology Satellite a pris son envol le 23 juillet 1972. Quelques années plus tard, il sera connu sous le nom de Landsat 1. Toujours géré par la NASA et l’USGS, le programme Landsat est devenu la plus longue mission d’observation de la Terre de l’Histoire.

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    DGray_Landsat_Island

    L'île Landsat, photographiée depuis un hélicoptère de la Garde côtière canadienne en 1997.

    PHOTOGRAPHIE DE David Gray

    « Quand on repense au milieu des années 1960, la course à l’espace était en cours, le public américain était passionné par ce qui se passait, l’idée d’utiliser cette technologie non seulement pour des actions militaires, mais aussi pour tourner ces caméras et regarder ce qui se passe à la surface de la Terre, était unique », explique Sohl. « Les gens ne savaient vraiment pas à quoi s’attendre. »

    Depuis 1972, neuf satellites Landsat ont peuplé le ciel de la Terre, bien que l’un d’entre eux, Landsat 6, n’ait pas atteint son orbite. Aujourd’hui, trois d’entre eux tournent en boucle autour de la planète sur des orbites polaires, observant des bandes de terre de 185 kilomètres de large et effectuant des mesures très détaillées. Tous les seize jours, les mêmes endroits sont à nouveau observés par les mêmes satellites. Ainsi, en cinq décennies d’observation, Landsat a compilé l’enregistrement le plus détaillé jamais réalisé de l’évolution de notre planète bleue.

    « C’est un grand programme de découverte », se réjouit James Irons de la NASA, qui a dirigé le programme Landsat pendant des dizaines d’années. « Au moment du lancement de Landsat 1, toute la Terre n’était pas encore bien cartographiée – les données étaient plutôt minces. »

    C’est ainsi que la cartographe et pilote Elizabeth Fleming a pu utiliser les données Landsat pour laisser une trace inhabituelle dans l’Histoire.

     

    LE PIXEL QUI A AGRANDI LE CANADA

    En 1973, les responsables d’une étude côtière canadienne ont décidé d’utiliser les données de Landsat pour mieux cartographier les côtes septentrionales du pays, alors peu documentées. En inspectant les données du satellite, Fleming a repéré une signature révélatrice dans le spectre de la lumière qui se réfléchissait sur la surface de la Terre. Elle a conclu que cela provenait d’une île, et non d’un iceberg.

    Mesurant à peine 25 mètres de large sur 45 mètres de long, l’atoll rocheux réfléchissait la lumière infrarouge au lieu de l’absorber comme l’eau de mer environnante. L’île était trop petite pour être vue correctement, mais elle modifiait considérablement la réflectivité moyenne du pixel qu’elle occupait.

    « Pour ce pixel, il s’agit d’un mélange d’eau et de terre », décrit Sohl. « On voit donc un contraste marqué avec la zone environnante. »

    En 1976, une équipe du Service hydrographique du Canada s’est envolée dans le ciel du nord du Labrador afin de confirmer l’existence de l’île, et de fixer sa position sur la carte ; après tout, elle n’avait été vue que dans un seul pixel des données satellitaires. À environ 19 kilomètres au large, le morceau de rocher émergeait de l’écume dans un assemblage périlleux de récifs, de hauts-fonds et de roches sous-marines, une zone qui était évitée par les marins. La découverte de Fleming se vérifiait : l’île existait bien.

    Selon l’histoire relatée au Parlement canadien, lorsque l’hydrographe Frank Hall est descendu sur l’île couverte de glace depuis un hélocoptère, il a échappé de justesse à une attaque mortelle d’un ours polaire bien caché.

    « Je me revois encore écouter la radio quand j’étais petit et entendre parler, avec une certaine excitation car je rêvais d’être un explorateur quand je serais grand, de la découverte de la nouvelle île au large de la côte est du Canada », a confié Scott Reid, membre du Parlement, en 2001.

    « C’était une découverte d’une importance pratique pour le Canada, car elle lui permettait d’étendre ses eaux territoriales. »

     

    L’HÉRITAGE DE LANDSAT

    Les équipements qui composent la nouvelle flotte Landsat, appelée Landsat 9 et lancée en septembre 2021, sont des versions plus avancées de Landsat 1. Celles-ci analysent notre planète avec davantage de longueurs d’onde de lumière, leurs yeux sont plus aiguisés et elles sont dotées d’imageurs thermiques.

    Depuis leur orbite, ces satellites mesurent le recul des côtes, caractérisent les îlots de chaleur urbains, surveillent une ruée vers l’or en Amazonie et suivent même la quantité d’eau consommée sur 8 000 hectares d’une région viticole californienne.

    « Les utilisations de la télédétection, qu’il s’agisse des vignobles, d’agriculture ou d’aide à la lutte contre les incendies dans l’Ouest… C’est juste super d’être impliqué », pour Sohl.

    Aujourd’hui, Landsat est rejoint par des centaines de satellites d’observation de la Terre, aussi bien gouvernementaux que commerciaux. Cette constellation effectue des observations cruciales qui permettent d’orienter les décisions relatives à la gestion des ressources de plus en plus limitées de notre planète.

    « Dans toutes nos observations de la Terre, nous observons l’impact d’une population croissante », explique Irons. Lorsque Landsat 1 a été lancé, moins de 4 milliards d’humains vivaient sur Terre, un nombre qui a doublé depuis.

    « Il devient de plus en plus difficile pour les ressources de la Terre de nous faire vivre dans ces conditions. Mais j’essaie d’être optimiste, et mon espoir est qu’avec des informations précises, les gens seront mieux placés pour prendre des décisions judicieuses. »

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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