Ovnis : après des décennies d’enquête, que sait le gouvernement américain ?

Les États-Unis enquêtent sur de mystérieux objets volants ou des crashs supposés de vaisseaux spatiaux extraterrestres depuis des décennies. Et ils ont fait quelques découvertes plutôt étranges.

De Joel Mathis
Publication 10 juil. 2023, 11:29 CEST
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Ce cliché, publié par le Département de la Défense des États-Unis, immortalise la rencontre de deux avions de chasse de la Navy avec un objet volant non identifié en 2004, non loin de San Diego. Les ovnis comme celui-ci sont-ils la preuve de l’existence de formes de vie extraterrestres, des espions envoyés par une nation rivale ou bien tout simplement le résultat d’étranges conditions météorologiques ?

PHOTOGRAPHIE DE DEPARTMENT OF DEFENSE, The New York Times, Redux

Que se passe-t-il dans le ciel ?

La question des objets volants non identifiés fait grand bruit dernièrement, depuis qu’un lanceur d’alerte a récemment affirmé que les États-Unis avaient découvert l’épave d’un vaisseau spatial extraterrestre.

Si le Pentagone a nié cette information, celle-ci a suscité l’intérêt du Congrès américain. À tel point qu’en juin dernier, le Comité de surveillance et de responsabilité de la Chambre des représentants a annoncé la tenue d’une audience sur les ovnis, ou « Unidentified Aerial Phenomena » (UAP) comme les appelle le gouvernement américain. « Aux affirmations récentes faites par un lanceur d’alerte s’ajoutent des signalements continus de phénomènes anormaux non identifiés », avait ainsi indiqué un porte-parole du Comité.

Ces signalements ne datent pas d’hier. C’est après la Seconde Guerre mondiale qu’ils se sont soudainement multipliés, marquant le début de l’ère moderne des observations d’ovnis et d’enquêtes.

Les responsables américains ne pensaient pas forcément rencontrer des extraterrestres dans le cadre de leurs enquêtes. Ils craignaient plutôt, alors que débutait la guerre froide avec l’Union soviétique, que les ovnis ne soient une menace envoyée par une nation rivale. Aucune invasion d’extraterrestres n’a jamais eu lieu, même si de nouvelles observations sont signalées régulièrement (et font l’objet d’enquêtes).

 

1947-1969 : PROJET « BLUE BOOK »

Dans le cadre du projet « Blue Book » et pendant deux décennies, l’US Air Force a recensé 12 618 observations d’ovnis, qui incluent des lumières, des objets ou encore des lectures sur radar par des pilotes de l’armée ou civils, des météorologues et des astronomes notamment.

Le projet a été arrêté en 1969, après qu’une étude menée par l’université du Colorado a conclu que rien ne prouvait que les ovnis provenaient d’autres planètes et que la plupart des observations pouvaient s’expliquer par des phénomènes naturels. « Notre conclusion générale est que l’étude des ovnis au cours des 21 dernières années n’a pas permis d’enrichir les connaissances scientifiques », avait déclaré Edward U. Condon, le responsable de l’étude, avant d’ajouter que des enquêtes approfondies « ne sauraient être justifiées ».

Malgré cela, les rumeurs et les signalements se sont poursuivis, suscitant parfois le mécontentement des enquêteurs initiaux. Dans une fiche d’informations publiée en 1985, l’Air Force a ainsi fait savoir que, bien que le projet « Blue Book » y était mené, « sa base Wright-Patterson n’abritait et n’avait jamais abrité de visiteurs ou d’équipements extraterrestres ».

 

1995 : UN SÉNATEUR PASSIONNÉ PAR LES OVNIS

Le rapport Condon n’a pas mis fin à l’intérêt pour les ovnis. Au contraire, les « ufologues » ont passé les décennies suivantes à remplir des demandes d’enquête auprès des agences fédérales dans l’espoir de percer le mystère qui entourait leurs observations.

En 1995, l’homme d’affaires Robert Bigelow a réuni un petit groupe de personnes à Las Vegas pour discuter de l’éventualité de l’existence de la vie extraterrestre. Ce groupe, qu’il a nommé le National Institute for Discovery Science, comptait parmi ses membres les deux anciens astronautes Ed Mitchell et Harrison Schmitt ainsi qu’Harry Reid, à l’époque sénateur démocrate du Nevada.

« Nombreux étaient ceux qui pensaient que ça ruinerait ma carrière », avait confié l’homme politique par la suite. Ce ne fut pas tout à fait le cas : Harry Reid a fini par jouer un rôle de premier plan en obtenant du gouvernement américain une enquête sur les ovnis.

Le projet Blue Book, à la recherche d'OVNI

 

2004 : UN OVNI À SAN DIEGO

En novembre 2004, deux pilotes de la Navy ont eu pour ordre d’intercepter un mystérieux appareil lors d’une mission de formation. Ceux-ci ont alors vu (et filmé) un étrange objet volant ovale, mesurant environ 12 mètres de long, qui survolait l’océan Pacifique à quelque 160 km de San Diego. L’engin s’échappa avant que les pilotes ne puissent s’en approcher. « J’ignore ce que j’ai vu, avait alors relaté le commandant David Fravor. Il n’avait ni plumes, ni ailes ou rotors, et il a distancé nos F-18 ».

 

2007 : NOUVELLE ENQUÊTE DU PENTAGONE

Avec le soutien d’Harry Reid (désormais leader de la majorité au Sénat américain), le Pentagone a lancé son Advanced Aerospace Threat Identification Program (Programme d’identification des menaces aérospatiales avancées) pour enquêter sur les derniers signalements d’ovnis.

« Ce qui était autrefois considéré comme de la science-fiction est désormais une réalité scientifique », avait déclaré l’agence dans des notes. Le programme, dirigé par le responsable des renseignements militaires, Luis Elizondo, était mené en collaboration avec une entreprise de recherche aérospatiale appartenant à Robert Bigelow.

 

2014 : QUASI-COLLISION SUR LA CÔTE EST

À la suite de plusieurs incidents, des pilotes de la Navy ont rapporté (et filmé) une série de rencontres avec des appareils volants non identifiés à proximité de la Floride et de la Virginie. Ceux-ci évoluaient à des altitudes élevées et à des vitesses hypersoniques. Un pilote a fait état d’une quasi-collision en 2014 tandis qu’un autre a indiqué dans une interview au magazine 60 Minutes que l’engin était difficilement descriptible. « Il est capable de tourner, il vole à des altitudes élevées et il est propulsé. Je ne sais pas, je ne sais pas ce que c’est en toute honnêteté ». Une hypothèse ? Qu’il s’agisse d’un avion de surveillance d’un autre pays.

 

2017 : RÉVÉLATIONS

Le grand public n’a découvert ces incidents et ces enquêtes qu’en décembre 2017, lorsque le New York Times a révélé l’existence du Programme d’identification des menaces aérospatiales avancées du Pentagone. Malgré l’arrêt du programme en 2012 annoncé par les représentants du Pentagone, Luis Elizondo a confié au journal avoir poursuivi la coopération de façon officieuse avec la Navy et la CIA jusqu’à sa démission à l’automne 2017.

Cette annonce a suscité une nouvelle vague d’intérêt pour les ovnis auprès du grand public, des médias et même des scientifiques.

 

2020 : UN APPEL À L’ACTION SCIENTIFIQUE

En juillet 2020, Ravi Kopparapu et Jacob Haqq-Misra, respectivement scientifique et astrobiologiste à la NASA, ont écrit dans la revue Scientific American que l’heure était venue de revoir les conclusions du rapport Condon. « Il se peut que certaines, voire la plupart, des observations d’UAP soient simplement des avions militaires classés secrets, des formations météorologiques étranges ou bien d’autres phénomènes anodins mal identifiés, avancent-ils. Mais un certain nombre de cas véritablement déroutants méritent de faire l’objet d’une enquête ».

En août 2020, le Pentagone a annoncé la création de l’Unidentified Aerial Phenomena Task Force (Groupe de travail sur les phénomènes aériens non identifiés) visant à « améliorer sa compréhension de la nature et des origines » des objets non identifiés « et à acquérir des connaissances » sur ces derniers.

 

2021 : RAPPORT DU DNI

En avril 2021, la Navy a confirmé la vidéo d’objets non identifiés « frôlant » des navires de guerre américains à proximité de la Californie. L’incident sera ajouté à la liste des observations faisant l’objet d’une enquête.

En juin, l’Office of the Director of National Intelligence (ODNI, ou Bureau du directeur du renseignement national en français) a publié son « évaluation préliminaire » des observations d’ovnis pour la période 2004-2021. Le rapport suggérait que les ovnis soient classés en cinq catégories : fouillis aérien, phénomènes atmosphériques naturels, programmes de développement aérospatial publics et privés, systèmes adversatifs étrangers et une « poubelle fourre-tout pour le reste ». Il soulignait aussi la nécessité d’obtenir plus de financements et de signalements.

 

2022 : LA NASA ENQUÊTE

En avril 2022, le Pentagone a annoncé la formation de l’All-domain Anomaly Resolution Office (Bureau de résolution des anomalies dans tous les domaines) pour enquêter sur les objets « susceptibles de constituer une menace pour la sécurité nationale ».

En juin de la même année, la NASA a annoncé la création d’un programme d’études indépendant consacré à la question d’un point de vue scientifique. « Nous identifierons quelles sont les données (des civils, des gouvernements, des organisations à but non lucratif, des entreprises) qui existent, quelles sont celles que nous devrions essayer d’obtenir et quelle est la meilleure manière de les analyser », a indiqué David Spergel, chef d’équipe de l’étude.

2022 a aussi été l’année du changement de désignation des « Unidentified Aerial Phenomena », désormais appelés « Unidentified Anomalous Phenomena » (phénomènes anormaux non identifiés en français).

 

2023 : LA VÉRITÉ

Ce qu'il se passe dans le ciel reste en partie inexpliqué. Le DNI a publié en juin dernier un rapport de suivi, dans lequel il fait état de 510 observations, dont 171 demeurent inexpliquées. Dans ces cas, les appareils non identifiés « présentent souvent des caractéristiques de vol ou des performances inhabituelles », peut-on lire dans le rapport.

Mais c’est la révélation de l’ancien officier des services de renseignement américain, David Grusch, qui a fait grand bruit en juin dernier. Celui-ci a affirmé que le gouvernement américain détenait des « appareils intacts et partiellement intacts » récupérés sur les lieux du crash d’ovnis. Il estime que ces derniers sont d’origine « non humaine », bien qu’il ne les ait jamais vus en personne, ce qui a poussé plusieurs spécialistes à remettre en question ses affirmations.

« Dans la longue histoire des affirmations de l’existence de visiteurs extraterrestres, ce niveau de spécificité semble toujours manquer », a confié Joshua Semeter, professeur en génie électrique et informatique à l’université de Boston et membre de l’équipe de la NASA qui examine les signalements d’ovnis, à BU Today. 

Dans l’attente de preuves, les interrogations, les observations et les enquêtes se poursuivent.

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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