Sophie Adenot : "mon plus grand rêve est en train de prendre forme"

Au printemps 2026, Sophie Adenot deviendra officiellement la seconde femme française à se rendre dans l’espace, trente ans après Claudie Haigneré. Elle revient pour National Geographic sur son parcours et ses années de préparation.

De Morgane Joulin
Publication 27 juin 2024, 16:36 CEST
Sophie Adenot lors d'une sortie extravéhiculaire dans l'installation de flottabilité neutre (NBF) de l'ESA, en compagnie ...

Sophie Adenot lors d'une sortie extravéhiculaire dans l'installation de flottabilité neutre (NBF) de l'ESA, en compagnie d'Hervé Stevenin, instructeur des sorties dans l'espace et responsable de l'entraînement aux sorties extravéhiculaires du centre européen des astronautes.

PHOTOGRAPHIE DE Agence Spatiale Européenne

L’espace, Sophie Adenot en rêve depuis l'enfance. Diplômée de l'Institut Supérieur de l'Aéronautique et de l'Espace (ISAE-Supaéro) et du Massachusetts Institute of Technology (MIT), l’ingénieure française a également été la première femme pilote d’essai d’hélicoptères, et a reçu le grade de colonel de l’armée de l’Air et de l’Espace.

Le 23 novembre 2022, elle a été officiellement sélectionnée par l’ESA pour intégrer la nouvelle promotion de dix-sept astronautes, après un recrutement d’un an et neuf mois, et ce, parmi plus de 22 000 candidatures. Le 22 avril 2024, elle a officiellement reçu son diplôme de l’ESA, après un an d’entraînement de base (basic training) au Centre européen des astronautes de Cologne. 

En parallèle, la jeune astronaute est mère d’un petit garçon, parle anglais, allemand, russe et enseigne aussi le yoga. 

En 2026, elle s’envolera pour une mission de six mois à bord de la Station spatiale internationale (ISS). National Geographic a échangé avec elle pour connaître son ressenti par rapport à cette échéance, et en apprendre plus sur sa préparation. 

Sophie Adenot a effectué des vols paraboliques répétés à bord de l'Airbus A310 « Zéro G », qui lui ont permis d'expérimenter brièvement la microgravité. Les campagnes de vols paraboliques recréent des conditions d'apesanteur similaires à celles rencontrées dans l'espace et sont souvent utilisées pour mener des expériences scientifiques, valider des instruments spatiaux et former des astronautes avant un vol spatial. Au total, elle aura effectué 30 paraboles par vol, avec jusqu'à 22 secondes de microgravité à chaque fois.

PHOTOGRAPHIE DE Agence Spatiale Européenne

Vous avez été sélectionnée pour vous rendre au sein de l’ISS en 2026, quel a été votre sentiment quand vous l’avez appris ?

J’ai été bien évidement extrêmement heureuse ! C’est assez incroyable de me dire que, dans deux ans, je serai dans l’espace. Deux ans, ça passe très vite… Et deux ans, c’est le temps dont je dispose pour obtenir toutes les qualifications essentielles à ma mission : sorties extravéhiculaires, pilotage du bras robotique, prise de connaissance des expériences scientifiques qui me seront confiées, apprentissage des procédures essentielles pour vivre à bord de la station ou faire face à des urgences… 

Au total, il y a 15 000 procédures qui peuvent être confiées aux astronautes ! Nous ne les apprenons pas toutes, bien évidemment, mais nous devons être prêts à les mettre en œuvre, avec précision et efficacité… Donc le deuxième sentiment qui m’est apparu presque immédiatement après la joie, c’est l’humilité face à l’ampleur de la tâche. C’est un véritable défi de passer toutes ces étapes en seulement deux ans ! La suite va être passionnante, et il faudra de la concentration et beaucoup de travail pour tout faire dans ce temps restreint. Je suis honorée de cette confiance qui m’est accordée, et de pouvoir représenter la France et l’Europe dans l’espace.

 

Quelle(s) mission(s) allez-vous poursuivre au sein de l’ISS ? Et pour combien de temps ?

Il est prévu que je parte pour une durée de six mois à bord de l’ISS. Je viens de débuter la deuxième phase de mon entraînement à Houston, aux Etats-Unis, et ce pour acquérir les qualifications essentielles qui me permettront d’être opérationnelle au sein de l’ISS. Par la suite, on m’attribuera un ensemble d’expérimentations scientifiques pour lesquelles je vais suivre un entraînement spécifique. En général, un équipage réalise environ 200 expériences scientifiques en six mois. L’accent est souvent mis sur la recherche médicale mais une mission de cette durée peut aussi inclure des expériences liées à la biologie, la physique fondamentale, à des démonstrateurs technologiques qui serviront à préparer le futur de l’exploration spatiale…

 

Comment allez-vous vous préparer à cette ascension ?

Comme tous les astronautes de l’Agence Spatiale Européenne (ESA), nous sommes tous extrêmement bien préparés à ces missions spatiales. Nous sommes formés à mener des expériences scientifiques, à effectuer la maintenance de notre véhicule spatial, à gérer les imprévus et situations complexes ou critiques auxquelles nous pourrions être confrontés. En introduction d’un de nos cours ici, l’un de nos instructeurs a commencé par nous dire : « Le vide spatial est un environnement extrême, ça sera froid, noir, et ça ne pardonnera pas. » Les équipes qui nous entourent nous donnent les clefs pour agir efficacement, nous enseignent les compétences de manière incrémentale : du plus simple au plus complexe. Et ils nous permettent de nous sentir en confiance. Chaque phase de la mission (départ, retour, maintenance à bord, expérience scientifique, sortie extravéhiculaire…) est pensée, répétée lors des entraînements, rien n’est laissé au hasard. Je me prépare ainsi étape par étape.

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    Les candidats astronautes reçoivent une formation photo et média avant leur mission afin d'immortaliser et de communiquer sur leur voyage dans l'espace. Cette formation leur permet d'acquérir des compétences en photographie pour documenter des expériences ou capturer des images époustouflantes de la Terre pendant leur voyage et transmettre l'importance de leur mission au public.

    PHOTOGRAPHIE DE Agence Spatiale Européenne

    Avez-vous toujours eu pour objectif de devenir spationaute ? Quand est-ce que cette envie est née chez vous ?

    Je rêvais de l’espace depuis toute petite déjà. Je lisais beaucoup de livres scientifiques et de livres d’aventure. Je découpais les articles de journaux qui parlaient d’exploration spatiale, et je les collais soigneusement dans un cahier. Ces aventures nourrissaient l’imaginaire de la petite fille que j’étais, qui rêvait de devenir aventurière. J’ai aussi été inspirée par mon grand-père, qui était mécanicien dans l’armée de l’Air. Il me suggérait d’autres lectures et c’est ainsi que j’ai très vite été passionnée par les récits des pilotes et des astronautes. Et puis à 14 ans, quand j’ai vu Claudie Haigneré [la première astronaute française dans l’espace, ndlr] décoller, j’ai eu un déclic, et j’ai eu envie d’orienter tout mon parcours pour tenter de devenir astronaute à mon tour. C’était il y a 28 ans…

     

    Dans deux ans, vous serez la deuxième femme française à voyager dans l’espace. Que diriez-vous aux femmes qui souhaitent devenir spationautes ? Y a-t-il un « bon parcours » pour être sélectionnée ?

    Je voudrais dire aux femmes mais aussi aux hommes qui souhaitent devenir astronautes qu’il faut croire en soi et prendre les choses étape par étape. 

    Il n’y a pas de « bon parcours » pour être sélectionné et devenir astronaute. Dans ma promotion (promotion 2022 de l’Agence spatiale européenne), nous sommes cinq et nous avons tous des parcours différents : un médecin, une astrophysicienne, un chercheur en neurosciences, un ingénieur et moi-même qui suis pilote d’essais. Il y a une multitude de chemins qui mènent à ce métier. Bien évidemment, le domaine scientifique prédomine.

    À plusieurs reprises dans un parcours, il faut faire face à des impasses, des difficultés, des questionnements et quelques fois des murs, mais c’est dans ces moments-là qu’il ne faut pas lâcher une seconde du regard son rêve ou son but. Se donner les moyens de réussir passe souvent par beaucoup de travail et de la détermination… mais aussi un peu de chance et de belles rencontres. Par ailleurs, je pense que c’est très important de « garder les pieds sur Terre », et d’être conscient que ce rêve est statistiquement difficile à concrétiser. Donc c’est une bonne idée de construire sa vie autour d’activités qui rendent réellement heureux, de garder une relative distance vis-à-vis de ce rêve… car c’est un chemin qu’il faut savoir apprécier.

    Ce que j’ai pu également voir durant la sélection, c’est que l’accent a été mis sur le travail en équipe... normal, quand on sait qu’on va passer six mois ensemble dans un espace confiné. Donc c’est également une bonne idée que de multiplier les expériences en équipage (expériences professionnelles, aventures sportives, expéditions, etc.) !

    Les étoiles filantes vues depuis la Station spatiale internationale

    Quel est votre rêve ultime, la mission de votre vie ?

    Pour être très franche avec vous, mon plus grand rêve est en train de prendre forme. Difficile donc d’en nommer d’autres à ce jour car je préfère rester concentrée sur ce quotidien qui m’occupe bien [rire] ! Mais de manière générale, je suis aussi une grande rêveuse. J’aime nourrir mon imaginaire par la lecture de récits d’aventure qui sans doute ne se concrétiseront jamais. Pour moi, c’est le chemin qui compte plus que la destination. Donc on verra pour la suite ! Pour l’instant : 100 % « focus » sur la mission ISS qui m’attend !

     

    Le mot de la fin ?

    Pouvoir partager cette aventure avec les Français, les Européens, mais aussi tous ceux qui me soutiennent chaque jour, est pour moi une véritable source de motivation ! Les équipes ont une très belle énergie, et cela me nourrit encore et encore. Immense gratitude ! La vie n’est pas linéaire et il faut savoir faire le dos rond parfois, se montrer déterminé d’autres fois, et apprécier les « good vibes » quand il y en a. Je souhaite à chaque lecteur de cet article qu’il puisse trouver ce subtil équilibre. Et comme on dirait en yoga, « n’oublie pas : respire ».

    Sous l'eau, les astronautes apprennent à s'aventurer à l'extérieur d'un vaisseau spatial tout en portant des combinaisons spatiales, afin de se préparer à d’éventuelles réparations critiques et à l’installation de nouveaux équipements sur la Station spatiale internationale (ISS).

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