Ces trois reines rebelles ont donné naissance au nouveau royaume d'Égypte
Au 16ème siècle avant notre ère, trois reines inflexibles, sages et puissantes menèrent l’Égypte à la victoire contre les envahisseurs Hyksos.
En période de troubles, l’Égypte ancienne a pu compter sur ses souveraines pour rétablir et maintenir l'ordre et la paix. D'Hatchepsout à Cléopâtre, les femmes ont bien gouverné le long du Nil. Les premières d'entre elles ont exercé leur pouvoir en s'insurgeant contre une occupation brutale. Ces puissantes dirigeantes, une fois au pouvoir, ont aidé à chasser les envahisseurs hors du royaume et ont donné naissance à une nouvelle dynastie plus forte.
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L'INVASION HYKSOS
L’Égypte ancienne est tombée aux mains des envahisseurs à la fin du 18e siècle av. J.-C., un événement décrit par l’érudit égyptien Manéthon de Sebennytos plus d’un millénaire après les faits. L’Égypte avait été envahie par un peuple que Manetho désignait comme les heqa khasut, dirigeants étrangers - terme qui a plus tard évolué pour devenir le « Hyksos » grec.
Originaires de l'Asie de l'ouest, les Hyksos sont arrivés sur les terres égyptiennes de la treizième dynastie.
Les dirigeants égyptiens ont été en mesure de les retenir jusqu'à environ 1650 av. J.-C., lorsque les Hyksos, de plus en plus puissants sur le plan militaire, s'emparèrent de l'ancienne ville royale de Memphis, remportant ainsi une victoire décisive et mettant un terme à l'Empire du milieu en Égypte. Manéthon de Sebennytos décrivit au 4e ou au 3e siècles avant notre ère comment les Hyksos avaient submergé l'Égypte :
Soudain des régions de l'Est, les envahisseurs d'une race obscure ont défilé dans la confiance de la victoire sur nos terres. Ils l'ont facilement saisie sans coup férir ; et ayant défait les dirigeants, ils ont ensuite brûlé nos villes impitoyablement, rasé les temples de nos dieux et traité tous les indigènes avec une cruelle hostilité.
Les Hyksos contrôlaient le nord du royaume, mais le pouvoir d'une dynastie distincte grandissait au sud, le regard tourné vers Thèbes, avec à sa tête de puissantes reines.
LA RÉSISTANCE
Régissant l’Égypte de la quinzième dynastie, les Hyksos occupèrent une partie du nord et du centre du royaume pendant le siècle suivant l'invasion. Au sud, cependant, des dynasties parallèles - les seizième et dix-septième - étaient établies, formées en partie par les dirigeants originaux de cette région, qui se considéraient comme le prolongement légitime du pouvoir égyptien indigène.
La ville méridionale de Thèbes servit de base à la reconquête sur les Hyksos. La ville était située sur les rives du Nil, à plus de 400 km au sud de la ville du Caire. Les rois de la seizième dynastie survécurent en se déclarant vassaux des Hyksos, mais la dix-septième dynastie commença à organiser la résistance sous l'égide de trois femmes, toutes reines de Thèbes : Tétishéri, sa fille Iâhhotep Ire et sa petite-fille Ahmès-Néfertary.
Les contributions de ces femmes sont moins connues que celles des reines qui suivirent, notamment la reine Tiyi (épouse d’Amenhotep III) et Nefertiti. Grâce aux accords que ces reines passèrent avec leurs époux et leur capacité à régner en tant que régentes, les Égyptiens ont pu riposter contre les Hyksos et reprendre les villes du nord vers 1521 avant notre ère. Après ces trois reines, un nouveau royaume se dessina, dirigé par quelques-uns des plus grands pharaons d'Égypte : Hatchepsout, Thoutmôsis III et Amenhotep III.
CONSTRUIRE LE MATRIARCAT
Le roi des Hyksos, Apophis Ier, régnait au nord de la ville d'Avaris, dans le delta du Nil. Pendant ce temps, le pharaon Séqénenrê Taâ II régnait dans le sud des terres thébaines. Séqénenrê Taâ lança une campagne pour contester la domination hyksos, soutenu par de nombreuses personnes, dont sa propre mère, la reine Tétishéri.
Femme de tête et d'esprit qui exerçait une grande influence sur son fils, Tétishéri était la matriarche d'une grande famille égyptienne, à commencer par son fils Séqénenrê Taâ et sa fille Iâhhotep Ire. Sa longévité remarquable lui permit d'exercer sur son pays un pouvoir réel.
Comme le voulait la coutume, Iâhhotep Ire et Séqénenrê Taâ, soeur et frère, furent unis par les liens du mariage. Ayant hérité de Tétishéri son esprit de pouvoir et son opiniâtreté, Iâhhotep soutint elle aussi la lutte de son époux contre l'occupation des Hyksos dans le nord du pays. Mais son combat devait être de courte durée. Séqénenrê Taâ mourut des suites de blessures infligées sur les champs de bataille. L'analyse de sa momie, découverte à Deir el-Bahri au 19e siècle, aujourd'hui conservée au Musée égyptien du Caire, montre que le crâne de Séqénenrê Taâ portait des traces de coups de hache au niveau du cou et du front, et qu'une de ses pommettes avait été brisée. Les impacts semblaient avoir été causés par la lame d'une hache étroite typique des armes des Hyksos.
Malgré la mort du roi, la guerre contre les Hyksos se poursuivit. Le roi suivant, Kamosé - frère supposé de Séqénenrê Taâ et d'Iâhhotep - poursuivit la rébellion contre les Hyksos. Comme son prédécesseur, Kamosé mourut sur les champs de bataille trois ans seulement après son accession au pouvoir.
ENTRE ALORS IÂHHOTEP Ire
Son successeur, Ahmôsis Ier, était le jeune fils d'Iâhhotep et Séqénenrê Taâ. Pour les historiens, Iâhhotep régnait en tant que régente à cette époque, son fils étant trop jeune pour gouverner officiellement. Thèbes avait besoin d'un chef fort en ces temps troubles, et Iâhhotep s'est montrée à la hauteur de la tâche. Menacée par les Hyksos au nord, Iâhhotep était également menacée au sud. La Nubie avait noué une alliance avec Hyksos, créant ainsi une menace pour Thèbes des deux côtés. Déjà secouée par des révoltes internes, la reine dût faire face au danger sur plusieurs fronts pour défendre le royaume.
Les détails de la régence d'Iâhhotep ne nous ont été reportés que par fragments et la relation entre elle et une autre reine, Iâhhotep II, avec laquelle son fils entretenait une relation, ne fait qu'apporter plus de confusions. Il existe des preuves du rôle important joué par Iâhhotep dans la poursuite de la campagne anti-Hyksos, alors même que Thèbes faisait face à des dangers venant du sud. Des honneurs militaires ont été trouvés parmi ses biens funéraires. Une grande stèle dans le temple de Karnak décrit ainsi l'importance de la reine Iâhhotep :
Elle a gouverné un grand nombre de personnes et pris soin de l’Égypte avec sagesse ; elle a assisté son armée ; elle l'a soignée ; elle a forcé ses ennemis à partir et a uni les dissidents ; elle a pacifié la Haute et la Basse-Égypte et soumis les rebelles.
Le pharaon a également pris le soin d'honorer sa grand-mère Tétishéri en lui faisant construire un cénotaphe à Abydos, centre du culte d'Osiris, qui règne sur le monde des morts.
Au moment où il régnait en tant que pharaon, Ahmôsis Ier était en mesure de mener à bien les campagnes de sa mère. Vers 1521 avant notre ère, il s'empara de Memphis et du fief Hyksos d'Avaris. Ahhotse conservant le contrôle de Thèbes, il s'empara au sud des territoires riches en or de la Nubie, puis revint au nord pour chasser les Hyksos hors des frontières égyptiennes, au-delà du Sinaï. Après un siècle de troubles, le premier roi de la dix-huitième dynastie fut finalement le premier à régner sur une Égypte réunifiée.
DE REINE À DÉESSE
Selon la tradition, Ahmôsis prit sa sœur pour épouse. À l'instar des matriarches qui l'avaient précédée, la reine Ahmès-Néfertary était bien préparée à gouverner car elle avait été témoin des difficultés inhérentes au pouvoir. En tant que jeune princesse, elle avait été témoin de la mort de son père lors de l'offensive contre les Hyksos, de l'ascension au trône de son frère et mari, de la régence de sa mère et de la victoire de sa famille sur les envahisseurs étrangers.
De sa mère, elle avait hérité la force et de l’énergie nécessaires pour régner, supervisant la transition vers la période de paix et d’harmonie qui succéda à la guerre. En tant que conseillère intime de son mari, Ahmès-Néfertary joua un rôle politique de premier plan dans la construction d’une Égypte réunifiée sous le règne de leur fils, Amenhotep Ier, consolidant ainsi la position de force de leur famille.
Ahmès-Néfertary en est venue à jouer un rôle important dans le royaume d'Égypte. On lui a donné le titre d'« épouse du dieu », ce qui reflétait sa position privilégiée parmi les prêtres du dieu Amon à Thèbes. Reflétant l’influence thébaine grandissante, Amon, qui était jusque-là une divinité régionale, devint le dieu le plus puissant de toute l’Égypte. L'attribution de ce titre, confirmant le pouvoir politique et religieux de la reine, est décrite dans la dénommée stèle de la donation, érigée dans le temple d'Amon à Karnak.
La stèle a servi de document juridique établissant le rôle que la reine devait jouer dans le temple, ainsi qu'un important don de terres et de biens par le pharaon à la reine et à ses héritiers. La fonction du nouveau titre était sacerdotale, ce qui lui conférait un statut social élevé et, surtout, lui permettait de participer à la vie des dieux, lui assurant ainsi une protection divine.
Le nom d'Ahmès-Néfertary figure par ailleurs sur des textes relatant l’ouverture de mines et de carrières, dont la richesse aurait sous-tendu les réalisations de la dix-huitième dynastie. Avec son fils Amenhotep Ier, elle était traditionnellement considérée comme la patronne de l'actuelle Deir el Medina, village d'artisans travaillant à la construction de tombeaux royaux dans la Vallée des Rois.
Au cours de sa longue vie, elle a été témoin de l'expulsion des Hyksos et du règne de nombreux rois, dont son petit-fils, Thoutmôsis Ier. À sa mort, l'Égypte est plongée dans une période de deuil national. Plus tard, elle a été divinisée. Elle devint une source d'inspiration pour les femmes puissantes de la dix-huitième dynastie, telles qu'Hatchepsout, dont les exploits militaires et les monuments culturels marquent l'un des sommets de la longue histoire de l'Égypte ancienne.
Cet article a initialement paru dans le magazine National Geographic Histoire et Civilisations. S'abonner au magazine