Barbara Washburn, l'alpiniste qui a cartographié le Grand Canyon
« Alpiniste par accident ». C'est ainsi que se décrivait Barbara Washburn qui passa 40 ans de sa vie à cartographier des régions éloignées des États-Unis.
Un simple conseil de son facteur en 1939. C’est ainsi qu'a commencé l'aventure de Barbara Washburn qui, au fil de sa vie, a gravi les sommets des plus hautes montagnes. Pourtant, elle ne semblait guère intéressée par le poste de secrétaire de Bradford Washburn au New England Museum of Natural History qu’il lui proposait. « Je ne voulais surtout pas travailler dans ce vieux musée guindé », se souvient-elle. « Encore moins pour un alpiniste un peu fou. »
Un an plus tard, cette jeune femme qui n’était jamais partie camper auparavant, se tenait au sommet du mont Bertha en Alaska, à 4 000 mètres d’altitude. Cet alpiniste un peu fou était devenu son époux. Au bout d’un mois de périple, avec des chiens et des sacs à dos pour compagnons, l'équipe fut ralentie par des tempêtes et contrainte de suivre un chemin escarpé pour éviter les avalanches. L’Associated Press avait publié un article dans lequel Bradford avouait avoir été « plus titillé » que Barbara « soit la première femme à gravir un sommet vierge de l’Alaska en 30 ans » que par leur succès.
Une autre année s’écoula. Le couple et leur équipe furent les premiers à atteindre le sommet du mont Hayes, à plus de 4 150 mètres d’altitude. Barbara portait des vêtements d’homme pour se préserver du grand froid. Personne n’en fabriquait pour les femmes à l’époque. Elle prit même les rênes le long d’une crête particulièrement dangereuse parce que l’équipe pensait qu’elle serait assez légère pour se hisser si jamais le sol s’effondrait sous ses pieds. Elle avait laissé sa petite fille qui venait de naître à la maison pour faire le voyage. « Je faisais mine d’être sereine et confiante mais je tremblais de peur en avançant », affirmera-t-elle par la suite. « Je n’ai pas glissé. Aucune corniche n’a craqué. Les autres m’ont suivie en toute sécurité. »
En 1947, Barbara et Bradford laissèrent leurs trois enfants à la maison pour gravir le mont McKinley (connu aujourd’hui sous le nom de Denali). Jamais décision n’avait été aussi dure à prendre, dira-t-elle plus tard. Au bout de deux mois de randonnée, un membre de l’équipe se retourna vers Barbara et l’incita à atteindre le sommet la première. « Cela m’est complètement égal. Je serai tout aussi heureuse d’arriver en deuxième position », avait-elle alors répondu. Elle finit par se laisser convaincre de prendre les devants, devenant ainsi la première femme à atteindre le point culminant de l’Amérique du Nord. Il faudra ensuite attendre vingt ans avant qu'une autre femme ne suive ses pas.
« Gravir le mont McKinley n’était pas la dernière aventure extraordinaire de ma vie », écrit-elle dans ses mémoires. « Ma vie fut une succession d’expériences formidables. »
Bradford avait suivi une formation de cartographe et le couple entreprit des projets de cartographie ambitieux. Dès l’année 1970, ils eurent recours à la photographie aérienne, aux instruments de mesure laser et à un odomètre monté sur une roue pour établir une carte à grande échelle du Gand Canyon pour National Geographic. Avec près de 700 voyages en hélicoptère, le projet vit enfin le jour sept ans plus tard. Le couple cartographia également les montagnes Blanches du New Hampshire et le mont Denali. En 1984, alors qu’ils venaient tout juste d’arriver au Népal pour dresser une carte du mont Everest, Barbara fut prise d’une forte fièvre et dut être évacuée vers Boston où elle fut traitée pour une maladie rare du sang. Quatre ans plus tard, une carte de près de 1 000 kilomètres carrés de la région fut enfin publiée dans le magazine National Geographic.
En 1988, quinze explorateurs – dont Edmund Hillary, Jacques-Yves Cousteau, Mary et Richard Leakey – reçurent le Prix du centenaire de National Geographic. Les Washburn en faisaient partie. Même des années plus tard, le couple continuait de faire appel à National Geographic pour obtenir des bourses de recherche, notamment pour étudier l’épaisseur de la neige recouvrant le mont Everest. Lorsque Barbara n’était pas sur le terrain, elle s’occupait d’enfants ayant des troubles d’apprentissage à Cambridge, dans le Massachusetts.
« Je n’étais pas particulièrement emballée à l’idée d’être la première femme à entreprendre une expédition sérieuse en Alaska », écrivit-elle. « J’étais plutôt consciente qu’en tant que seule femme, je devais absolument être à la hauteur. » Barbara mourut en 2014, sept ans après son mari et deux mois seulement avant de souffler sa centième bougie. Jamais elle ne comprit pourquoi son statut de femme avait fait couler tant d’encre, se décrivant volontiers comme une « alpiniste par accident ».
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.