Boubastis, l'ancienne cité égyptienne où les chats étaient dieux

Des indices tirés de textes anciens ont guidé les archéologues européens dans leur longue quête de Boubastis, cité entièrement vouée au culte de la déesse égyptienne à tête de chat, Bastet.

De Irene Cordón
Publication 19 août 2020, 16:11 CEST
Statue en cuivre représentant Bastet,déesse égyptienne de la joie du foyer, de la chaleur du soleil, de ...

Statue en cuivre représentant Bastet,déesse égyptienne de la joie du foyer, de la chaleur du soleil, de la maternité. 8e-4e siècles avant notre ère.

PHOTOGRAPHIE DE Mary Evans, Scala, Florence

Au sud-est de l'actuelle ville égyptienne de Zagazig se trouvent les ruines de granit rouge d'une ville sacrée pour les adeptes de la déesse Bastet. Cette divinité a été vénérée pendant des milliers d'années dans l'Égypte ancienne, et sa popularité a culminé sous la 22e dynastie, avec la construction d'un magnifique temple dans la ville, alors nommé Per Bast.

Cette ville est citée dans la Bible, parfois par son nom hébreu de Pi-beseth. Dans le chapitre 30 du Livre d'Ézéchiel, la cité est ainsi mentionnée, avec Héliopolis, comme un sanctuaire païen qui sera détruit par la colère de Dieu. Aujourd'hui, la cité est mieux connue sous son nom grec, Boubastis.

Les ruines de granit rouge du temple de Bastet se trouvent près de la périphérie de ...

Les ruines de granit rouge du temple de Bastet se trouvent près de la périphérie de la ville moderne de Zagazig, à l'est du delta du Nil.

PHOTOGRAPHIE DE Jim Henderson, Alamy, ACI

Après son déclin, la cité est tombée en ruine au fil des siècles, captivant l'imaginaire des érudits européens du XIXe siècle qui ont afflué vers le delta du Nil pour en retrouver les derniers vestiges. Guidés par des indices glanés ça et là dans les récits classiques, ils avaient à cœur de localiser la ville de Bastet et son illustre temple, afin de mieux comprendre comment la déesse avait pu à ce point marquer la longue histoire de l'Égypte ancienne. 

 

DIVINITÉS FÉLINES

On date les plus anciennes traces du culte de Bastet connues à la 2e dynastie (3e millénaire avant notre ère). Les représentations de la divinité à tête de chat sont devenues courantes dans l'Ancien Empire (2575-2150 avant notre ère). Elle a d'abord été considérée comme une redoutable protectrice des pharaons et plus tard des morts.

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    Comprendre : l'Ancienne Égypte

    Les attributions de Bastet ont commencé à changer à peu près au même moment où les chats (connus sous le nom de miu ou miit - celui ou celle qui miaule) ont commencé à être domestiqués en Égypte. Bastet a alors été plus étroitement associée à la nourriture et à la protection, tandis que la puissante déesse de la guerre à tête de lion, Sekhmet, a pris les caractéristiques de la férocité et de la vengeance. À partir du deuxième millénaire avant notre ère, l'apparence de Bastet est devenue moins léonine, pour prendre les traits d'un chat domestique avec un corps de femme. 

     

    À LA RECHERCHE DE BOUBASTIS

    Les œuvres d'Hérodote sont l'une des principales sources de connaissances sur la cité. Son voyage en Égypte au 5e siècle avant notre ère a inspiré à l'historien grec la description suivante de Boubastis, du temple de Bastet et de la ferveur du culte qui lui était voué : « Dans cette ville, il y a un temple qui mérite d'être mentionné, car s'il y a d'autres temples qui sont plus grands et construits à un coût plus élevé, aucun n'est plus plaisant pour les yeux. »

    Il a par ailleurs décrit la beauté de la ville et les fêtards bruyants qui rejoignaient Boubastis par bateau, « ils organisent un festival durant lequel on observe des sacrifices, et plus de vin est consommé pendant ce festival que pendant tout le reste de l'année. » Après la conquête musulmane de la région au 7e siècle, Bubastis a été abandonnée et le souvenir de son emplacement perdu pendant des siècles.

     

    UNE QUÊTE FRANÇAISE

    Au 18e siècle, les érudits européens ont commencé à rechercher ce mystérieux lieu mentionné dans les textes anciens. Le récit d'Hérodote servit d'inspiration pour le localiser aux savants français qui accompagnèrent Napoléon lors de la campagne d'Égypte en 1798. L'un d'eux, Étienne-Louis Malus, a repéré des éléments du delta du Nil mentionnés par Hérodote et a mis au jour des ruines à proximité, localisant là les restes de Boubastis. Situé au nord-est du Caire, ce site, connu sous le nom de Tell Basta, est devenu le lieu communément accepté pour localiser l'ancienne cité où le culte de Bastet avait pris tant d'ampleur.

    Le site de Tell Basta représenté dans un dessin paru dans l'Illustrated London News, en 1887.

    Le site de Tell Basta représenté dans un dessin paru dans l'Illustrated London News, en 1887.

    PHOTOGRAPHIE DE Bridgeman, ACI

    Au fur et à mesure que la discipline de l'égyptologie s'est développée au XIXe siècle, l'intérêt pour le site est allé croissant. Lors d'une visite en 1843, l'archéologue anglais John Gardner Wilkinson a déploré que Boubastis soit endommagée et que les ruines du temple aient été exploitées pour la pierre. Finalement, une fouille fut entreprise par l'égyptologue suisse Édouard-Henri Naville en 1887, centrée sur l'étude du temple de Bastet.

    À Londres, la presse suivait avec avidité les dernières découvertes en Égypte. En 1887, la St. James's Gazette rapporta une conférence donnée par Édouard Naville sur Boubastis : « [Il] a constaté que le temple, qui pendant longtemps avait été considéré comme désespérément perdu, non seulement existait sous forme de ruines mais avait déjà permis de mettre au jour des inscriptions très intéressantes. De grandes découvertes pourraient être faites sur le site. »

    Naville s'est avéré avoir raison. Son étude, et les suivantes, ont révélé que la construction du sanctuaire (qui abritait des structures plus anciennes) avait commencé sous le règne du pharaon Osorkon II au 9e siècle avant notre ère. Sa dynastie - la XXIIᵉ - régnait à proximité de Tanis, et a ainsi voulu donner plus d'importance encore à Boubastis dans la région, et plus d'éclat au culte de Bastet.

     

    LES TRÉSORS DE BOUBASTIS

    À l'automne 1906, une découverte étonnante a été faite près du site d'excavation. Un chemin de fer était en cours de construction près de Tell Basta, et des ouvriers ont fait la découverte fortuite d'un trésor enfoui près des restes du temple.

    Les inscriptions présentes sur de nombreux objets datent de la 19e dynastie, sous le Nouvel Empire (vers 1539-1075 avant notre ère), avant le règne d'Osorkon II et sa restauration du temple de Bastet. On ne sait toujours pas pourquoi le trésor a été enterré. Certains érudits pensent qu'il aurait pu être enterré soit par des pillards qui ne seraient jamais revenus le chercher, soit par des prêtres pour le protéger.

    Bastet est représentée ici avec quatre chatons à ses pieds, symbole de fertilité. Elle tient dans sa main ...

    Bastet est représentée ici avec quatre chatons à ses pieds, symbole de fertilité. Elle tient dans sa main droite un sistre, instrument de musique de la famille des percussions. Cette statue en bronze, datée de 900 à 600 avant notre ère, a été mise au jour à Boubastis et peut aujourd'hui être admirée au British Museum de Londres.

    PHOTOGRAPHIE DE British Museum, Scala, Florence

    Ces trésors étaient d'une grande valeur à l'époque. Parmi ces inestimables artefacts se trouvait une coupe en or sculptée, modelée pour prendre la forme de délicats pétales de lotus et portant le nom de la reine Taousert, l'une des épouses du pharaon Seti II (XIIe siècle avant notre ère). Les récits anciens la désignent comme la reine d'Égypte pendant la guerre de Troie. Les spécialistes pensent par ailleurs que la reine Alcandra mentionnée dans l'Odyssée d'Homère était en fait Taousert.

    Les ouvriers ont plus tard mis au jour un deuxième trésor, composé d'encore plus d'artefacts, dont des bracelets en or portant le nom de Ramsès II. Outre leur beauté, ces objets donnent un merveilleux aperçu de l'importance de Boubastis, alors véritable carrefour commercial de la région. Certains motifs retrouvés sur les objets excavés ne sont pas égyptiens, et la présence d'argent - qui ne circulait pas alors en Égypte - suggère un commerce extensif avec la Grèce ou les royaumes d'Anatolie. L'or était importé de Nubie, et sa rareté associée à la royauté.

     

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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