Redécouverte d’un ancien pénitencier pour enfants sur l’Île de la Réunion
Au 19e siècle, le plateau de l’Îlet à Guillaume accueillait un pénitencier - le seul de la Réunion - où près de 200 enfants travaillaient sous l’autorité des pères spiritains.
Vestiges archéologiques de la base du pénitencier de l'Île à Guillaume, sur l'Île de La Réunion.
« Cet ancien pénitencier pour enfants avait une vocation de maison de correction pour les mineurs mais avait aussi une vocation économique avec différentes plantations : du café, de la vanille, du tabac et des plantations d’arbres pour leur propre consommation » explique Thierry Cornec, responsable de recherches archéologiques à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP).
Durant tout le mois d’octobre, Thierry Cornec et ses équipes ont contribué à l’étude historique et archéologique du seul pénitencier réunionnais, classé monument historique depuis 2008. Cette mission, attribuée par le département de La Réunion, s’est déroulée en deux phases. La première consistait en l’étude historique préliminaire par une historienne spécialiste de la justice des enfants, Véronique Blanchard, des archives nationales ou locales et de la cartographie en 3D du lieu. La seconde, qui a eu lieu pendant quatre semaines en octobre 2020, a été menée sur le terrain par une équipe pluridisciplinaire comprenant des archéologues, un topographe, un spécialiste de l’étude des bâtis et une archéobiologiste.
« On a pu pendant près de quatre semaines observer et comprendre l’évolution du site, comment il a été construit, comment on y circulait. Là, on commence à avoir des prémices de données sur la gestion de l’eau » ajoute Thierry Cornec.
Relevé LiDAR, technique de relevé au laser qui permet, entre autres, de révéler les vestiges sous une végétation denset.
UNE COLONIE PÉNITENCIÈRE DE 1864 À 1879
« Il faut bien deux heures de marche dans la forêt pour accéder au site » explique Thierry Cornec. L’ancien pénitencier situé à l’Îlet à Guillaume dans la commune de Saint-Denis, s’étend sur un plateau isolé de 5 hectares, à 700 mètres d’altitudes. L’implantation de cette maison de correction aurait été une initiative des missionnaires de la Congrégation du Saint-Esprit, une confrérie cléricale missionnaire, particulièrement développée en Afrique au 19e siècle.
Entre 1864 et 1879, le lieu accueillit près de 200 enfants âgés de 8 à 21 ans pour divers motifs, notamment le vol. Sous la direction des pères spiritains, les détenus étaient contraints à des travaux forcés considérables. « Sur place on voit encore très bien l’organisation de la communauté, avec la partie logements et la partie agriculture. Certaines archives du sol sont extrêmement impressionnantes, on a par exemple un mur de près de 3,50 mètres de haut et un kilomètre de mur conservé en linéaire » détaille l’archéologue.
Cette organisation pénitentiaire demeure la seule connue sur l'île de la Réunion mais fait partie d’un ensemble d’installations au niveau national, dont plusieurs en France métropolitaine construites suite à la promulgation de la loi du 5 août 1850 dans le but de « rééduquer » les jeunes délinquants. Sur place, les enfants cultivaient, récoltaient, effectuaient des travaux de ferme ou encore de forge ou de scierie.
Par la suite, entre 1950 et 1970, l’Office National des Forêts entreprit des travaux de plantations sur le site, son paysage actuel rend donc compte de toute sa riche histoire.
« LA CONNAISSANCE, LA PRÉSERVATION ET LA VALORISATION DES VESTIGES »
« Le site est déjà accessible au grand public puisqu’il est situé sur des chemins de randonnée, sport national ici. Sauf que là, sur la base du travail que nous allons rendre au Département, un projet de mise en valeur du site va être proposé pour qu’il soit mieux connu » explique l’archéologue.
Le Département de La Réunion souhaite valoriser ces bâtis historiques, notamment par l'installation de pancartes. Dans la même lignée de valorisation historique, des ouvrages retraçant l’histoire de ce pénitencier ont déjà paru. L'ouvrage de l’historienne et romancière Pascale Moignoux, « Graine de Bagnard », raconte ainsi l'histoire de ces enfants, forcés de travailler pour se libérer.