Mais qui étaient réellement les Aztèques ?
Avant sa défaite face aux Espagnols en 1521, la Triple Alliance régnait sur toute la Mésoamérique. Les peuples de la région avaient développé des réseaux commerciaux complexes et possédaient une puissante force militaire.
Cuauhtlequetzqui, un prêtre mexicain, indique le lieu où son peuple devait fonder leur ville, vers 1325. La figue de Barbarie suggère que le nom Tenochtitlan signifie « le lieu du figuier de Barbarie ». José María Jara, un artiste mexicain, a peint cette scène en 1889. Musée national d'Art, Mexico.
Après la chute de Tenochtitlan, un poète aztèque a rédigé un récit poignant de la conquête de la capitale. Rédigé en nahuatl mais avec l’alphabet latin des envahisseurs espagnols, il a été le premier témoignage autochtone relatant les souffrances du peuple aztèque et faisant état de leur défaite en 1521, soit il y a 500 ans.
« Notre héritage, notre ville, est perdue et disparue
Les boucliers de nos guerriers n’ont pu la sauver
Nous avons mâché des brindilles et des herbes salées ; nous nous sommes nourris de lézards, de rats et de vers ... »
Aujourd'hui, les vestiges de Tenochtitlan reposent sous la capitale grouillante du Mexique : Mexico, l’une des villes les plus peuplées du monde. Au milieu d’une architecture moderne, le site archéologique du Templo Mayor dévoile de plus en plus de secrets sur la ville aztèque et ses habitants. Il est le souvenir d’un peuple et d’une culture soumis et absorbés par la colonie de la Nouvelle-Espagne.
De nombreux historiens européens ont focalisé leur attention sur le conquistador Hernán Cortés. Toutefois, le regain d’attention porté autour des évènements de 1521 place cette fois-ci les Aztèques au centre de l’histoire. Il en ressort l’histoire fascinante d'une alliance entre plusieurs cités-États mésoaméricaines, qui est rapidement montée au pouvoir, juste avant de le perdre.
Un serpent à plumes sort les crocs au Templo Mayor de Tenochtitlan, à Mexico. Cet immense temple avait été construit en l’honneur de Tlaloc, dieu de la pluie, et Huitzilopochtli, dieu de la guerre.
Situé à Mexico, le temple de Tlatelolco appartenait à une ville en dehors de Tenochtitlan. Lorsque les Espagnols ont pris le contrôle de la région, ils ont démoli le temple et utilisé ses pierres pour bâtir l’église de Santiago Tlatelolco.
UN RÉCIT HAUT EN COULEUR
Le nom Aztèques a été inventé par un étranger. Pour leur part, les Aztèques se désignaient par le nom Mexicas. Au début du 19e siècle, Alexander von Humboldt, un scientifique et explorateur allemand, a inventé ce terme pour désigner les peuples de Tenochtitlan à partir du mot Aztlan, le nom traditionnel des terres ancestrales des Mexicas. Les archéologues n’ont pas encore pu déterminé la localisation exacte d’Aztlan mais la plupart s'accordent à dire que la région serait située au nord du Mexique.
Un aigle se pose sur une figue de Barbarie, indiquant aux Mexicas l’endroit où ils devraient fonder leur ville.
Une grande partie de connaissances sur la Mésoamérique de l’époque des Aztèques provient de sources écrites par les Mexicas eux-mêmes ou bien par les Espagnols après 1519. La région était riche de cultures et de cités-États. Dans leurs écrits, les Mexicas se définissaient comme un peuple prédestiné au pouvoir. Après avoir affronté de nombreux obstacles, ils ont réussi à régner sur un empire monumental.
Ces récits ont été créés par les Mexicas et inscrits dans des cahiers appelés codices. Ils y relataient leurs activités, l’histoire de leurs ancêtres, de leur foi et de leurs pratiques.
De nombreux codices ont été détruits lors de l’invasion espagnole mais cinq d’entre eux ont été préservés. Ces derniers avaient été pillés par les Espagnols et envoyés en Europe. Ils sont maintenant conservés dans plusieurs musées européens.
Après la chute de Tenochtitlan, la compilation de tels ouvrages a repris. Certains ont été commandés par les colons espagnols afin de mieux comprendre, et de fait, mieux contrôler, les peuples mésoaméricains. L’un de ces cahiers les plus célèbres est le Codex Mendoza. Il a été créé en 1542 pour Charles Quint, roi d’Espagne et souverain du Saint-Empire. Le document contient des glyphes aztèques accompagnés de textes écrits en espagnol, permettant leur traduction. La première partie du codex fait la liste de la série de guerres ou de conquêtes menées par chaque chef aztèque. La deuxième partie du cahier énumère les récompenses reçues.
Outre ces récompenses, la richesse de l’État aztèque provenait du commerce. La plupart des informations recueillies par les historiens à propos de la Triple Alliance proviennent des codices de Tenochtitlan.
Bien que certaines informations soient manquantes, aucun document de ce type n'a été retrouvé concernant Texcoco ou Tlacopan. Ces sources fournissent un point de vue fascinant sur la manière dont l'immense population de Tenochtitlan, composée de 150 000 à 300 000 personnes, s'approvisionnait. La nourriture, les matières premières et les tissus provenaient de régions proches de la ville. Les produits rares, comme l’or, l’ambre issu du liquidambar et les plumes précieuses étaient importés depuis certaines régions reculées de l’empire.
LES CENTRES DE POUVOIR
À l’origine, les peuples d’Aztlan étaient nomades. Ils ont effectué plusieurs migrations avant de s’établir sur les îles du lac Texcoco, situé dans la vallée de Mexico, contrôlées par la ville voisine d’Azcapotzalco. Les Mexicas faisaient office de mercenaires et s’étaient bâtis une réputation de férocité au combat. Ils parlaient le nahuatl, la même langue que les Toltèques, la puissante civilisation qui dominait la région entre le 10e et le 12e siècle. Ils cherchaient à établir une connexion avec leurs illustres ancêtres.
Vers 1325, les Mexicas ont fondé Tenochtitlan et l’ont désignée comme capitale. Bien que la ville prospérait, elle est restée soumise à l’autorité d’Azcapotzalco jusqu’à ce que son souverain ne meure au début du 15e siècle. Puisque des conflits ont surgi au sujet de son successeur, la domination d’Azcapotzalco a pris fin. En 1428, une nouvelle forme de pouvoir a vu le jour, formée par les villes de Tenochtitlan, Texcoco et Tlacopan. Elle a été baptisée la Triple Alliance.
La Triple Alliance, plus connue sous le nom de peuple aztèque, s'est lancée dans la conquête des terres environnantes afin de contrôler les voies commerciales et les matières premières. Certains experts pensent que la religion a également joué un rôle crucial dans l’expansion de l’empire. En effet, les Aztèques organisaient des sacrifices humains afin de maintenir l’ordre cosmique.
Au départ, Texcoco et Tenochtitlan occupaient les plus hauts rangs de la hiérarchie. Tlacopan leur était subordonnée. Au fil du temps, Tenochtitlan est devenue la ville la plus puissante. Son souverain, Motecuhzoma Xocoyotzin, aussi appelé Moctezuma, était le membre le plus puissant de la fédération lorsque les Espagnols ont débarqué au 16e siècle. Ils ont pu constater que le peuple de Moctezuma était le plus puissant de la Triple Alliance. Ils en ont donc conclu que l’empire était centré autour des Mexicas, plus tard connu sous le nom d’Empire aztèque.
Au début du 15e siècle, la Triple Alliance a pris le contrôle sur Azcapotzalco et ses peuples assujettis. Certains ont accepté la transmission de pouvoir volontiers tandis que d’autres ont dû être convaincus par la force. Il n’y a pas eu d’expansion de territoire majeure avant qu'une grande famine ne frappe la vallée de Mexico de 1450 à 1454. L’alliance nécessitait davantage de terres pour produire de la nourriture. De fait, elle a commencé à entreprendre la conquête des cités-États.
Ce processus a pris de l’élan sous le règne de Axayacatl, le tlatoani de Tenochtitlan, nom donné aux chefs militaires de la ville, dirigeant de facto de l’alliance. Bien que le terme tlatoani soit souvent traduit par « roi » ou « empereur », son rôle était moins absolu et demandait des qualités de dirigeant multiples. Il devait intervenir activement dans l’armée et dans la religion de l’État en plus de gouverner. Il était en quelque sorte un commandant en chef ainsi qu’un grand prête à la fois.
Le Templo de Ehécatl, temple circulaire, était dédié au dieu du vent. Il est situé à Calixtlahuaca, à l’est de Mexico. Construite par le peuple Matlazincas, la ville a été conquise par la Triple Alliance en 1478.
D’autres puissantes cités-États ont conservé leur indépendance même si elles n’étaient pas hostiles face à la domination de Tenochtitlan. Tlaxcala, une ville relativement proche de Tenochtitlan, était un des centres majeurs de la résistance. Les historiens ne savent pas réellement si les peuples de cette ville ont conservé leur indépendance grâce à leur force militaire ou pour une question pratique. Les sources des Mexicas expliquent l’avoir abandonnée parce qu’elle pouvait servir de terrain pour se livrer à d’importants rituels guerriers appelés « guerre des fleurs ». Si une bataille ne s’avérait pas décisive, elle permettait de fournir des prisonniers pour les sacrifices aux dieux. Toutefois, le fait que les peuples de Tlaxcala se soient alliés aux Espagnols contre Tenochtitlan semble contredire ce récit. En 1521, la cité-État est devenue l’alliée locale d’Hernán Cortés lors de sa campagne contre Moctezuma.
LA CONSTRUCTION D'UN EMPIRE
En 1481, Axayacatl a été remplacé par son frère, Tizoc, dont le règne a été représenté sur l’énorme pierre de Tizoc. Les reliefs gravés dans la roche le montrent gouverner sur quinze villes. Au cours de son bref règne, de nombreuses révoltes contre son régime ont éclaté et il n’a gagné que peu de territoires. Pourtant, son pouvoir était tout de même proclamé de façon spectaculaire par le biais de monuments aussi impressionnants que sa pierre.
Cet énorme disque de basalte, de près d’un mètre de haut sur 2,50 m de large compose la pierre de Tizoc. Ce monument aztèque était dédié à l’un de leur chef. Un prêtre a évité la destruction de la pierre après qu’elle a été déterrée à Mexico vers la fin du 18e siècle. Des experts ont déterminé qu'elle avait été sculptée lors du bref règne de Tizoc, le 7e tlatoani aztèque. Sur sa face supérieure, des flèches indiquent les points cardinaux d’une boussole autour d’une représentation du Soleil. Aujourd'hui, ce monolithe peut être observé au musée national d'anthropologie de Mexico.
C’est Ahuitzotl, probablement le plus grand chef aztèque de l’Histoire, qui a pris possession du pouvoir par la suite. Il a étendu les frontières de l’empire jusqu’à l’actuel Guatemala, touchant les terres mayas. Lors de la mort de Ahuitzotl en 1502, Moctezuma II est devenu tlatoani et a fortement étendu l’influence de l’alliance jusque dans les régions zapotèques du Pacifique. Il était encore au pouvoir lors du débarquement fatidique de Cortés sur la colonie de Veracruz le 22 avril 1519.
La guerre n’était pas le seul moyen par lequel l’empire s’étendait. Les terres qui formaient les cités-États pouvaient être acquises par voie diplomatique ou bien sous forme d’héritage. La mort du seigneur d'un dominion situé sur le territoire de l’alliance en était la parfaite opportunité. Généralement, un processus de succession délicat s’en suivait. Si un candidat au pouvoir du dominion résistait à l’alliance, il pouvait être remplacé par un proche parent plus complaisant pour les Mexicas. En agissant de la sorte, les Aztèques réussisaient à accumuler davantage de pouvoir.
Ce système a donné lieu à la création d'un réseau de pouvoir complexe au sein de l’alliance. Un seigneur local pouvait être assujetti au chef suprême de Tenochtitlan tandis que d’autres devaient se soumettre aux suzerains de Texcoco ou Tlacopan. Malgré ces complexités, la Triple Alliance a réussi à s’étendre rapidement en quelques dizaines d’années. Néanmoins, ce type de difficulté a également entraîné Tenochtitlan à sa perte.
Les scènes présentes sur la face extérieure de la pierre montrent Tizoc vêtu comme Huitzilopochtli, le dieu de la guerre, portant une coiffe composée de plumes de colibri, tout en tirant les cheveux de son ennemi. Chaque ennemi représente l’une des quinze villes qu’il a conquises pendant son règne.
Les ennuis ont commencé à faire leur apparition alors que plusieurs candidats avaient la même relation avec le chef suprême, lequel devait donc faire un choix parmi eux afin de désigner le nouveau dirigeant d'un dominion ou de l'une des ville de l'empire. Cette situation a débuté peu de temps après l’arrivée de Cortés, lorsque Nezahualpilli, le souverain de la deuxième plus grande ville de l’empire de Texcoco, est mort. Les trois potentiels successeurs avaient tous une mère issue de l'aristocratie de Tenochtitlan. De fait, Moctezuma devait en rejeter deux d’entre eux et risquer de les fâcher.C’est exactement ce qu'il s'est passé. L’un des candidats refusés, Ixtlilxochitl, a plus tard formé une alliance avec les Espagnols.
L’aliénation et les rivalités locales ont toutes deux joué un rôle dans la chute de Tenochtitlan. Devant les envahisseurs espagnols, les cités-États de Mésoamérique ont choisi des chemins différents pour assurer leur survie. Certaines, comme Tlaxcala, se sont alliées avec les Espagnols. D’autres, comme celles des Mexicas, ont choisi de se battre. Alors que le monde revient sur les évènements de 1521, de nombreuses facettes de l'histoire des Mexicas et de leur destin face aux Espagnols restent à découvrir.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.