Ces trésors cachés dévoilent le mode de vie luxueux des Londoniens d'autrefois
Sous la capitale britannique se cachent de nombreux artefacts et ruines qui témoignent du passé des riches et privilégiés londoniens, tels que les vestiges de bâtiments anciens ou de précieux bijoux disparus sous terre depuis des siècles.
Pendentifs blancs et dorés en forme de cage, connus sous le nom de « wirework jewels » (« bijoux en fil de fer ») au 17e siècle, trouvés dans le Cheapside Hoard. Les pendentifs de ce type étaient cousus sur les vêtements pour les embellir.
Londres, centre de la puissance commerciale anglaise et résidence d’une longue lignée de monarques, fut longtemps un lieu où la haute société pouvait jouir d’un mode de vie privilégié et agrémenté d’inimaginables richesses. Cependant, la valeur des palais élaborés et des biens ornés de bijoux des plus riches était telle que rares furent ceux qui se retrouvèrent perdus ou abandonnés dans les sols de la capitale. Les rares artefacts témoignant de la vie des plus riches, découverts grâce au travail acharné d’archéologues dévoués dans les recoins les plus inexplorés de Londres, sont ainsi d’autant plus précieux. Voici trois trésors anciens qui ont émergé des profondeurs de la cité, offrant un aperçu du mode de vie luxueux des Londoniens d’autrefois.
Camée d'Élisabeth Ire provenant du Cheapside Hoard. La reine naquit au palais de Placentia, à Greenwich, en 1533.
LE PALAIS DE PLACENTIA
Le quartier de Greenwich, au sud-est de Londres, n’est pas seulement connu pour avoir été le cœur de l’empire maritime de la Grande-Bretagne aux 18e et 19e siècles. Bien avant cette époque, le palais de Placentia était un terrain de jeu royal accueillant sous son toit, entre 1485 et 1660, tous les petits plaisirs et vices de deux siècles entiers de royauté.
La totalité des 600 000 briques que le roi Henri VII (1485-1509) acheta en 1499 pour construire son palais des Plaisirs ont aujourd’hui disparu. Cette merveille de l’époque fut démolie en 1663 et remplacée par le Royal Hospital for Seamen, devenu par la suite le Royal Naval College, et enfin l’Université de Greenwich. Cependant, aujourd’hui encore, le palais révèle peu à peu ses secrets.
En 1970, des recherches effectuées sous le Old Royal Naval College ont permis de mettre au jour le sol rectangulaire de la grande tour du palais, recouvert de carrelage vitrifié jaune et vert. En 2006, une tranchée drainante creusée sous le bâtiment Queen Anne a touché la chapelle royale du palais, restée intacte, et son carrelage en damier. Onze ans plus tard, des travaux de restauration dans le Painted Hall du Old Royal Naval College ont dévoilé une pièce en contrebas, dont le carrelage vitrifié jaune, noir et vert foncé recouvrait deux sous-sols voûtés, qui étaient probablement les cuisines, le fournil, la brasserie et la buanderie du palais des Tudor.
Le Old Royal Naval College, destiné à rappeler que Greenwich était la base du pouvoir du monde maritime britannique, fut construit sur les ruines du palais royal Tudor de Placentia.
L’une des découvertes récentes les plus marquantes à avoir émergé le long de la Tamise, tout près de l’ancien palais, est un embarcadère privé en bois utilisé par les bateaux du palais de Placentia. Il est entouré d’ossements de sangliers, d’agneaux, de poulets et de vaches, ainsi que de coquilles d’huîtres jetées par l’arrière de la cuisine du palais d’Henry VIII après les festins royaux organisés il y a 475 ans.
Néanmoins, la plus grande découverte est peut-être celle de Simon Withers, de l’université de Greenwich, spécialisé dans les technologies futuristes de télédétection permettant de construire des modèles numériques du patrimoine culturel caché dans les profondeurs du sol. En 2020, Withers a découvert la tour octogonale du terrain de joute d’Henry VIII, tout près de l’endroit où ce dernier faillit succomber à un accident en 1536.
« Le géoradar passé sous les pelouses vertes de la Queen’s House à Greenwich nous a permis d’observer les ombres du passé, superposées les unes aux autres, année après année », décrit-il.
Les nouvelles technologies permettent de continuer à cartographier ce qui se trouve sous la surface, et ce sans déranger ou endommager quoi que ce soit.
LE PALAIS DE L’ÉVÊQUE DE WINCHESTER
Les palais n’étaient pas réservés aux rois et aux reines. À 10 kilomètres en amont de Greenwich, après le London Bridge et derrière le Globe Theatre de Shakespeare, les ruelles se rétrécissent, et la vie reprend un air de Moyen Âge. Encore debout, l’un des murs de la grande salle d’un ancien palais émerge ici au beau milieu des cafés bohèmes et boutiques installés dans des bâtiments datant de l’époque victorienne. En levant la tête, on peut observer une étonnante rosace qui surplombe ces ruines qui comptent parmi les plus frappantes de la capitale anglaise. Il s’agit du grand mur latéral du palais médiéval de l’évêque de Winchester.
Ruines du palais de l'évêque de Winchester sur Clink Street, à Southwark, fondé au 13e siècle. Sa rosace et son toit peuvent encore être admirés.
Depuis 1983, des fouilles à grande échelle organisées sous les quais et entrepôts démolis du 19e siècle ont permis d’explorer les espaces du palais qui survécurent au passage du temps, tels qu’un bain romain doté de fresques murales colorées. Ce riche mélange d’archéologie et d’Histoire offre un rare aperçu de ce à quoi ressemblait la vie de l’élite dans cette petite rue animée il y a 700 ans.
Un jeton, petite monnaie utilisée pour acheter des marchandises au détail, déterré dans le palais.
Pendant cinq siècles, des évêques dotés d’une autorité religieuse, et souvent politique, vécurent ici, sur Clink Street. C’est au milieu du 12e siècle qu’Henri de Blois, frère du roi Étienne (1135-1154) et évêque pour le moins privilégié, acheta les terrains sur le front de mer de Southwark afin d’en faire sa résidence lorsqu’il était en ville pour des affaires royales.
« Winchester était la base traditionnelle du trésor royal, et la plupart de ses évêques étaient donc chanceliers du monarque », explique le fouilleur du site, Derek Seeley, du Museum of London Archaeology. Au fil des siècles, le palais, avec son court de tennis, sa piste de bowling, sa brasserie, sa boucherie et son jardin de 2,5 hectares était doté de toutes les commodités.
LE CHEAPSIDE HOARD
Construits en 1667 après le grand incendie de Londres qui ravagea le quartier, les bâtiments qui occupaient les numéros 30 à 32 de la rue Cheapside, le plus célèbre quartier d’orfèvres et de bijoutiers de Londres au 17e siècle, commencèrent à s’affaisser en 1910 et devaient donc être détruits. Le 18 juin 1912, des ouvriers avaient démoli les magasins à colombages de chaussures, de soie et d’horlogerie et creusaient, avec leurs pioches, le sol humide des caves. À près de 5 mètres de profondeur, la terre brillait : un amas de bijoux, de pierres précieuses et d’autres objets de grande valeur s’échappaient d’une boîte en bois brisée.
La plus riche collection de bijoux perdus de Londres se compose d'un magot d'environ 500 colliers, bagues, chaînes et pierres précieuses. Trouvé sous Cheapside lors de travaux de démolition en 1912, l'identité de son propriétaire initial reste un mystère.
Le Cheapside Hoard, une collection de 500 pierres précieuses et bijoux importés du monde entier et nommés d’après la principale rue du marché où elle fut déterrée (chepe signifie « marché » en anglo-saxon), est la plus grande réserve cachée de pierres brutes et de bijoux élisabéthains et jacobéens au monde. Appartenant à un joaillier qui les vendait à la haute société, cette somptueuse collection comprenait des bagues, des chaînes, des colliers, des pendentifs, des boutons, des broches et des épingles à chapeau. Parmi ces biens se trouvaient des diamants d’Inde ou de Bornéo, des émeraudes de Colombie, des perles naturelles du golfe Persique, d’Écosse ou peut-être des Caraïbes, des turquoises de Perse et des améthystes de Russie ou du Brésil. En outre, aux côtés des pierres précieuses se trouvait une montre en or nichée dans une émeraude géante de Colombie, un flacon de parfum en émail blanc et doré serti de feuilles sculptées en calcédoine, ainsi que le bijou le plus célèbre de tous : un camée romain de la reine Cléopâtre d’Égypte.
À une époque marquée par l’instabilité et les catastrophes naturelles, personne ne peut dire avec certitude quand le Cheapside Hoard fut caché. Le trésor disparut-il au début de la guerre civile anglaise en 1642, lorsque le politicien puritain Oliver Cromwell renversa la monarchie et divisa la société en deux ? Son propriétaire succomba-t-il à la grande peste bubonique de Londres qui décima 20 % des 300 000 habitants de la ville en 1665 ? Des traces de calcination sur les murs de l’immeuble où le Cheapside Hoard a été déterré ont fait naître l’hypothèse que les bijoux furent perdus lors du grand incendie qui ravagea Londres en 1666.
Ce qui ne fait aucun doute, en revanche, c’est que le malheureux bijoutier ne récupéra jamais ses somptueux objets, dont la plupart sont désormais exposés au musée de Londres.
Montre hexagonale sertie d'une émeraude colombienne de 4 cm provenant du Cheapside Hoard.
Cheapside était le principal quartier commercial de Londres depuis l'époque médiévale et, depuis 1491, un célèbre quartier d'orfèvres. Cet héritage perdure dans le centre commercial de premier plan One New Change.
Des extraits de ce travail ont déjà été publiés dans Hidden London de Sean Kingsley. © 2022 National Geographic Partners, LLC.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.