États-Unis : un Toutankhamon a un jour habité la Maison Blanche
King Tut, c’est ainsi que l’on nomme le pharaon Toutankhamon en anglais, et c’était également le nom du chien du président Herbert Hoover. Cette célébrité à quatre pattes a connu ses propres déboires au centre d’un empire des plus modernes.
Début 1929, les découvertes réalisées dans le tombeau de Toutankhamon faisaient encore les gros titres de la presse, Wall Street était prospère, et un King Tut avait la mainmise sur la Maison Blanche.
Alors que le monde célèbre le centième anniversaire de la découverte du tombeau de Toutankhamon dans la Vallée des Rois, le mémorial d’un autre Toutânkhamon, King Tut, gît dans l’oubli dans le jardin d’une ambassade de Washington.
Si le célèbre pharaon égyptien fut la victime d’une maladie, d’un assassinat ou bien d’un accident de char dans son jeune âge il y a environ 3 300 ans, la petite majesté dont il est question ici aurait succombé au stress lié à une vie passée au centre d’un empire tout ce qu’il y a de plus moderne : la Maison Blanche.
CHIOT POLITIQUE
Ce Toutankhamon à quatre pattes du 20e siècle était un « chien policier belge » (probablement un malinois ou un berger hybride). Il est devenu célèbre pour avoir fait campagne aux côtés de Herbert Hoover en 1928 et, dit-on, pour lui avoir fait remporter l’élection présidentielle cette année-là.
En 1922, la découverte du tombeau de Toutankhamon déclencha une fièvre populaire qui se propagea à la mode, aux dernières danses en vogue, aux célébrités du monde du sport et, bien entendu, aux noms que l’on donnait aux animaux de compagnie. Herbert Hoover reçut le jeune chiot, qui portait déjà son nom de pharaon, alors qu’il officiait comme Secrétaire du Commerce de l’Administration Harding,vraisemblablement des mains d’une personne qu’il avait rencontrée lors de son travail humanitaire en Belgique, pays alors ravagé par la guerre. Six ans plus tard, les découvertes réalisées dans la dernière demeure du pharaon faisaient encore les gros titres (canopes, bateaux, nouvelles victimes de la « malédiction » du pharaon), à ceci près que cette fois-ci, elles partageaient la Une avec l’élection présidentielle de 1928 à laquelle Hoover était candidat.
Herbert Hoover, d’un naturel crispé, sourit au photographe en posant avec son chien bien-aimé, King Tut, en 1928. Il est admis que ce portrait a « humanisé » celui qui était alors candidat à l’élection présidentielle américaine.
SÉANCE PHOTO
Afin de gommer les aspérités de ce candidat crispé et emprunté, on envoya aux électeurs de tout le pays un portrait de Herbert Hoover souriant et tenant King Tut, qui a l’air mal à l’aise, par les pattes avant. Le New York Times dit alors de celui-ci qu’il s’agissait « d’une des photos les plus heureuses du dirigeant ».
« C’est une excellente photo. Il a l’air bien plus détendu que sur bon nombre de ses photographies prises en contexte formel. Cela n’a pas pu lui faire de mal politiquement parlant, c’est certain, et ça l’a peut-être même immensément aidé », explique Spencer Howard, archiviste au Musée-librairie présidentiel Herbert-Hoover.
« Hoover est le premier à s’être affiché avec un chien durant une campagne électorale », ajoute Andrew Hager, historien résident du Musée des animaux présidentiels.
Herbert Hoover, candidat républicain à l’élection présidentielle américaine, s’adresse à la foule new-yorkaise en 1928. L’effondrement des marchés financiers à l’automne 1929 allait plonger le pays dans la Grande Dépression.
UN PHARAON À LA MAISON BLANCHE
Lors de son bref règne au 1600 Pennsylvania Avenue, King Tut resta fidèle à ses origines de chien policier et accompagnait souvent les gardes de la Maison Blanche lors de leurs rondes nocturnes. Il sut conserver sa place de cador parmi les innombrables animaux qui se succédèrent dans la ménagerie offerte à Hoover par des connaissances politiques et des supporteurs. Celle-ci se composait notamment de plusieurs lévriers irlandais, d’un opossum ainsi que de deux alligators. « Tut était incontestablement le chien préféré de M. Hoover, probablement de toute sa vie », indique Spencer Howard.
Les aventures du célèbre chien continuèrent de faire les choux gras de la presse, notamment lorsque le chenil présidentiel dut être relogé en bordure du domaine de la Maison Blanche à cause des « harangues nocturnes » du pharaon canin. Mais King Tut devenait de plus en plus « irritable et irascible » et, au printemps 1929, il fut renvoyé au domicile personnel des Hoover, au 2300 S Street NW, à Washington, qu’occupait alors le sénateur Frederic Walcott.
« C’est un stress semblable à celui que ressent un membre de la famille présidentielle du fait d’être sous le feu des projecteurs à la Maison Blanche », fait remarquer Andrew Hager.
Herbert Hoover, alors Secrétaire du Commerce, avec King Tut sur le porche de sa maison de S Street NW, à Washington, à l’été 1928. King Tut y mourut à l’automne 1929 après être devenu irritable et stressé à cause de sa vie à la Maison Blanche.
KING TUT « SE RONGEAIT LES SANGS »
King Tut, qui avait entre huit et dix ans, mourut dans la maison de S Street à l’automne 1929, quelques semaines avant le krach boursier. « Nous avons perdu un ami fidèle », écrivit le sénateur Walcott au président pour l’informer de la mort de son chien bien-aimé. « Je vais faire ériger une petite pierre sur sa tombe et une petite stèle opportune dans le jardin, si vous n’y voyez pas d’inconvénient. »
Toutefois, la presse ne fit mention de la mort de King Tut que six mois plus tard. Selon certains, Herbert Hoover trouvait inconvenant de pleurer la mort de son chien alors que les Américains voyaient leurs économies partir en fumée, mais Spencer Howard avance une raison d’ordre plus pratique pour expliquer ce délai : « [Les Hoover] ne voulaient tout simplement pas que les gens leur envoient encore plus de chiens. »
L’ancien domicile des Hoover au 2300 S Street sert aujourd’hui de locaux à l’ambassade du Myanmar. À l’heure où nous publions cet article, nos requêtes pour savoir s’il existe bel et bien une sépulture ou un mémorial en l’honneur de King Tut sur le domaine de l’ambassade demeurent sans réponse.
Si aucun chien ne fut aussi cher à Herbert Hoover que King Tut, les soutiens du président ne tardèrent pas à lui trouver un autre chien policier belge, Pat. Quant à eux, les médias se focalisèrent davantage sur la lignée historique d’un chiot offert par l’Association des chiens d’élan norvégiens.
Le « remplaçant » de King Tut, faisait remarquer un Times approbateur, « est le chien des Vikings. »
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.