États-Unis : la légende du « chat démoniaque » qui hanterait le Capitole

En un peu plus d’un siècle, de nombreux Washingtoniens ont déclaré avoir aperçu ce sinistre félin, dont la présence augurerait des catastrophes politiques.

De Erin Blakemore
Publication 22 déc. 2022, 20:01 CET
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Le dôme du Capitole au coucher du Soleil à Washington, D.C. En 1898, un journaliste écrivait que ce bâtiment devait « probablement être le plus hanté du monde », ce qui contribua à propager la légende selon laquelle un chat démoniaque rôderait dans ses couloirs.

PHOTOGRAPHIE DE Bill Clark, CQ-Roll Call Inc, Getty Images

Le bâtiment du Capitole, à Washington, D.C., fait l’objet de bien des légendes. La rumeur court, par exemple, qu’un ingénieur mort lors de sa construction lui aurait jeté une malédiction, quand certaines personnes déclarent y avoir aperçu un bibliothécaire fantomatique. La plus tenace de ces légendes semble toutefois être celle d’un terrifiant chat démoniaque qui hanterait les couloirs de la Chambre législative américaine.

Depuis sa première apparition putative dans les années 1890, le « Demon Cat » (dont les initiales sont « D.C. ») a terrorisé d’innombrables personnes. Selon certains, il serait apparu avant des événements tragiques tels que le krach boursier de 1929 ou l’assassinat du président John F. Kennedy en 1963. Voici les origines de ce mythe et la raison pour laquelle il persiste encore de nos jours.

 

MYTHES FÉLINS DU 19e SIÈCLE

Étrangement, les signalements de « chats démoniaques », réels ou surnaturels, étaient monnaie courante au 19e siècle. La mythologie entourant les chats est d’ailleurs pluriséculaire et l'on retrouve des mythes les concernant dans le monde entier. Les spécialistes attribuent l’omniprésence de ces légendes au corps et au comportement des chats : les sons étranges qu’ils émettent, leurs habitudes nocturnes, la lueur de leurs yeux dans l’obscurité…

Au Japon, la légende du bakeneko met en scène un chat au comportement humain assoiffé de vengeance. Les parents italiens qui souhaitaient effrayer leurs enfants pour qu’ils se comportent bien leur racontaient la légende terrifiante du Gatto Mammone. Dans la mythologie slave, un ovinnik diabolique hantait les granges et y mettait le feu. Et le folklore irlandais regorge d’histoires de chats démoniaques.

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On dit que le Demon Cat faisait la taille d’un chat tigré, semblable à celui que l’on voit sur ce négatif photographique du 19e siècle réalisé par le portraitiste Charles Milton Bell, originaire de Washington, D.C. Toutefois, certains partisans du mythe ont affirmé avoir vu de leurs propres yeux le félin se métamorphoser en bête gigantesque.

PHOTOGRAPHIE DE C.M. Bell, Library of Congress

Il n’est pas surprenant dès lors que les « chats démoniaques » se soient autant répandus dans la culture américaine, notamment au 19e siècle. Dans les années 1880, les amateurs de théâtre purent, par exemple, apprécier un poème et une pièce nommés « The Demon Cat ». Quant aux journaux de l’époque, ils regorgent de signalements de félins dangereux, réels comme légendaires.

En 1885, un chat bien réel terrorisa les clients d’un restaurant de Chicago. D’après le Chicago News, ce « farfadet des ténèbres » se prélassait sur le bar du restaurant quand le propriétaire le chassa violemment de la main. Le chat s’en prit alors à un serveur en hurlant, en crachant et en renversant de la nourriture un peu partout. John Stearns, beau-frère de Carter Harrison, alors maire de Chicago, aurait quitté le restaurant en disant : « Qu’importe que je doive me trouver un autre petit-déjeuner. Je ne suis pas superstitieux de manière générale, mais on ne plaisante pas avec les chats noirs. »

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    En 1889, un autre journal relatait l’histoire plus surnaturelle d’un chat ayant disparu à bord d’un navire. Dévasté, le propriétaire du chat se jeta dans les flots déchaînés de la mer... avant que l’équipage ne retrouve le chat dans un compartiment situé sous le pont, entouré de bouteilles de rhum vides, « dansant avec une allégresse démoniaque […], et ivre au possible ». La tempête n’aurait cessé qu’après que l’équipage eut jeté à son tour le chat dans l’océan.

     

    LES ORIGINES DE LA LÉGENDE DU CHAT DU CAPITOLE

    En 1898, Rene Bache, journaliste de Washington, écrivit au sujet des apparitions censément survenues au Capitole. Selon lui, ce bâtiment était « possiblement le plus hanté du monde ». Il a décrit le « fantôme félin » dont il était question comme un chat de taille moyenne qui se métamorphosait devant les gens en un matou aussi imposant qu’un éléphant. Le fantôme, écrivait-il, terrorisait membres du Congrès et autres habitués du Capitole depuis 1862.

    Selon Samuel Holliday, directeur des opérations et des bourses à la U.S. Capitol Historical Society (USCHS), nombreuses sont les personnes qui auraient pu à l’époque apercevoir un chat mystérieux se balader sur les lieux. En effet, la première année de la guerre de Sécession, les soldats de l’Union avaient pour ordre de se retrancher dans la Chambre des représentants et dans le Sénat en cas d’attaque confédérée. Plus tard cette année-là, le bâtiment fut transformé en hôpital temporaire pour les soldats blessés au combat.

    Il est probable que des chats aient vécu au Capitole durant la guerre de Sécession. À l’époque, il était monnaie courante d’avoir des chats pour attraper les rats, lesquels devaient pulluler considérant les vingt grands fours situés dans les sous-sols qui produisaient chaque jour 10 000 rations de nourriture à destination des soldats.

    Les officiers de police du Capitole qui patrouillaient dans le bâtiment la nuit sont peut-être eux aussi à l’origine de la légende. Selon Samuel Holliday, il leur incombait à l’époque de capturer les animaux errants sur les lieux. « Par exemple, en 1904, les gardes ont dû attraper un cheval égaré au lasso et, en 1910, [ils ont attrapé] trente-et-un chiens », raconte-t-il. Steve Livengood, guide touristique au Capitole, soutient qu’un garde ayant trop bu a pu inventer (et propager) cette histoire afin d’obtenir un jour de congé.

    Quelle que soit la source de la légende, celle-ci n’a fait que prendre de l’ampleur au fil des années. En 1935, un policier du Capitole affirma au Washington Post qu’il avait fait usage de son arme sur un gros chat noir doté « des proportions généreuse de Mae West et du tempérament de Bela Lugosi ». À cette période, certains croyaient que le chat était tigré et doté d’yeux pareils à des phares, et soutenaient qu’on pouvait également l’apercevoir à la Maison Blanche.

     

    QU’EN EST-IL DU CHAT DÉMONIAQUE DE NOS JOURS ?

    Le principal élément ayant bâti la renommée du Demon Cat pourrait être une série d’empreintes de pattes. On peut les apercevoir sur le ciment du sol de la Small Senate Rotunda (la petite rotonde du Sénat), près de l’entrée de l’ancienne Chambre de la Cour Suprême.

    L’Architect of the Capitol, le service fédéral en charge du maintien et de la préservation du bâtiment du Capitole, attribue ces empreintes de pattes aux chats tueurs de rats qui erraient autrefois sur les lieux. Mais ceux qui croient au mythe du chat démoniaque ne sont pas du même avis. Selon eux, ces empreintes ne seraient apparues qu’après que la rotonde eut frôlé la destruction à la suite d’une explosion survenue en 1898  ; explosion dont ils accusent le chat malveillant d'être responsable, même si les archives officielles attribuent l'accident à une explosion de gaz. Selon les partisans du mythe, les initiales D.C. gravées au même endroit signifieraient Demon Cat.

    Bien que les empreintes et les initiales aient été préservées à l’intérieur du Capitole pour la postérité, Steve Livengood affirmait à Atlas Obscura en 2018 qu’il n’y avait eu aucun signalement de chat démoniaque ces dernières années.

    Ce qui n’est pas le cas concernant les tristement célèbres rats du Capitole puisqu’une infestation a été signalée en 2022 près de la garderie de la Chambre des représentants. D’ailleurs, selon le Washington Post, les surmulots ont fait un retour post-confinement très remarqué dans le District de Columbia qui a donné lieu à 13 300 plaintes en 2022. Il est peut-être temps que le Demon Cat reparaisse… au nom de la lutte contre les nuisibles.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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