Anne Bonny et Mary Read, le destin extraordinaire de deux femmes pirates

Mary Read et Anne Bonny sont sans doute les deux femmes pirates les plus célèbres de l'histoire. À leur naissance, tout semblait pourtant les séparer. Mais le destin les a réunies pour écumer les mers ensemble.

De Romy Roynard, Morgane Joulin
Publication 25 sept. 2024, 11:09 CEST
Retrouvez Anne Bonny et Mary Read dans l'épisode 7 de Pirates : Au-delà des légendes, diffusé ...

Retrouvez Anne Bonny et Mary Read dans l'épisode 7 de Pirates : Au-delà des légendes, diffusé le 29 septembre prochain sur National Geographic.

PHOTOGRAPHIE DE National Geographic Channel

La série documentaire Pirates, au-delà des légendes, diffusée à partir du 8 septembre à 21.00 sur National Geographic, consacre un épisode à Anne Bonny et Mary Read (diffusé le 29 septembre à 21.00).

Les codes pirates interdisaient la présence de femmes à bord. La compagnie féminine était appréciée durant les escales, mais beaucoup moins en mer. Pourtant, certaines femmes éprises de liberté, qui souhaitaient s'extraire de leur condition sur terre, ont pris la mer. Figures au destin extraordinaire, elles se sont montrées impitoyables, intelligentes, courageuses et ont su s'imposer dans l'univers très masculin de la piraterie.

« A priori, les pirates n’ouvraient pas grand les bras aux femmes à bord, mais manifestement quand elles étaient là et compétentes, ils les toléraient » explique Marie-Ève Sténuit, archéologue, historienne et autrice de Femmes pirates : les écumeuses des mers.

En 1720, le Revenge écume les mers des Antilles. À son bord, deux femmes pirates se battent contre l'ennemi sur le ponton, plus courageuses que tous. Le combat est perdu d'avance, mais Anne Bonny et Mary Read se battent, elles le savent, pour leur liberté.

 

LA RENCONTRE

Si Anne Bonny était de haute naissance, une enfant chérie par son père, qui jouissait d'une grande influence dans les colonies, Mary Read, elle, était une enfant illégitime née en Angleterre. Sa mère la déguisait en petit garçon pour obtenir de sa belle-famille une petite rente. Mary grandit dans la peau d'un autre et la supercherie ne prit fin qu'à ses treize ans.

Le destin des deux femmes à l'âge adulte est intimement lié à celui d’un pirate non moins célèbre : John Rackham. Rackham était un homme élégant, vêtu de façon distinguée et colorée, préférant des étoffes taillées dans du calicot, un dérivé du coton, ce qui lui valut le surnom de « Calicot Jack ». Engagé sur un navire de guerre, il parvint à convaincre l’équipage de mener une insurrection pour renverser le capitaine, et mena une attaque contre un navire français. Le butin raflé lors de l’attaque convainquit Rackham et ses hommes de se faire pirates et de se battre désormais pour leur compte.

Alors qu’il faisait escale à New Providence, un port des Bahamas, Calicot Jack rencontra dans une taverne Anne, une jeune femme déjà mariée à un pirate de petite envergure du nom de James Bonny. Anne, que l’on disait jolie femme, intelligente quoiqu’à l’humeur épouvantable, avait l’habitude de prendre pour amants les boucaniers qui faisaient escale à New Providence. Mais la passion brûlante entre Calicot Jack et elle la poussa à quitter James Bonny et embarquer avec son amant à bord d’un navire volé. Souhaitant dissimuler sa véritable identité, elle se coupa les cheveux courts, s’habilla en homme et se fit désormais appeler Adam Bonny.

Gravure représentant les pirates Mary Read et Anne Bonny attribuée à Benjamin Cole.

Gravure représentant les pirates Mary Read et Anne Bonny attribuée à Benjamin Cole.

PHOTOGRAPHIE DE Domaine Public

À bord, personne ne soupçonnait qu’Anne était une femme : elle se battait avec courage, maniait le sabre et le pistolet avec adresse, et s’acquittait de toutes les corvées qui lui incombaient. Lors des attaques de navires, elle avait la charge de fournir la poudre à canon aux canonniers.

La rencontre d’Anne Bonny et Mary Read fit l’objet de multiples légendes, dont aucune n’a pu être vérifiée à ce jour. Selon la plus sérieuse d’entre elles, Mary Read, vêtue elle aussi en homme, se trouvait à bord d’un superbe navire de la Compagnie des Indes qui fut attaqué par Rackham et son équipage. Comme le voulait la coutume, une fois le navire pris, le choix fut donné aux prisonniers de s’engager dans la piraterie. Ce que Mary accepta, se présentant sous le nom de Willy Read. 

 

SANS PITIÉ

Certaines versions de leur histoire rapportent qu’Anne et Mary auraient entretenu une liaison amoureuse, ce qui aurait créé nombre de tensions à bord du Revenge. John Rackham serait, dit-on, allé jusqu’à menacer Will Read de lui trancher la gorge, avant de découvrir son véritable genre. Des récits qui relèveraient du pur fantasme, selon Marie-Eve Sténuit. « En revanche, [il y avait entre elles] une grande amitié, et beaucoup de connivence. »

Mary s’éprit bientôt d’un des marins ayant survécu à l’une des nombreuses attaques menées par Rackham et son équipage sur des navires marchands, un charpentier répondant au nom de Matthews. Mary se serait plu auprès de cet homme doux. Si doux, que le reste de l’équipage en fit rapidement la risée du Revenge. Las des nombreux quolibets qu’il subissait sans cesse, Matthews défia l’un des marins qui le tournaient en dérision. Craignant pour la vie de son époux, Mary provoqua à son tour le même homme, fixant l’heure de leur duel avant celui de Matthews. « Selon la règle du code pirate », précise Marie-Eve Sténuit « on ne se bat pas entre soi à bord, les duels doivent être réglés à terre, au sabre et au pistolet. » Au petit matin, tous se retrouvèrent sur la plage. Mary tira la première et le pirate s’écroula. Elle l’acheva au couteau, évitant ainsi à son mari d’avoir à se battre. Plusieurs récits mentionnent qu’avant d’achever les hommes qu’elle venait de vaincre, Mary Read leur dévoilait sa poitrine pour leur montrer qu’une femme pouvait se battre tout aussi bien qu’un homme.

 

ENNEMIES DE L’ANGLETERRE

Les prises de bateaux de commerce à répétition leur attirèrent bientôt les foudres de la couronne d’Angleterre. Un décret fut publié le 5 septembre 1720 par le gouverneur des Bahamas, déclarant que Jack Rackham et son équipage devaient être capturés et jugés. Le capitaine anglais Charles Barnet fut envoyé sur leurs traces et fut chargé de leur capture.

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    Au matin du 21 octobre 1720, les troupes de Barnet aperçurent le Revenge, qui avait jeté l’ancre dans une crique retirée. À bord, les marins ne virent rien venir. Toute la nuit durant, ils avaient fêté la prise d’un nouveau navire et la plupart d’entre eux, ivres, dormaient à poings fermés alors que le navire de Barnet s’approchait doucement.

    L’équipage du Revenge fut pris par surprise. Seules à faire preuve de bravoure, Anne et Mary ripostèrent quand le reste de l’équipage se ruait dans les cales. Toutes courageuses qu’elles fussent, les deux femmes ne pouvaient tenir tête aux Anglais très longtemps. Le Revenge fut pris et l’équipage fut fait prisonnier et envoyé en Jamaïque.

     

    LE PROCÈS

    Bientôt, John, Anne et Mary parurent séparément devant un juge. Le verdict fut sans appel : tous trois furent condamnés à mort. « Elles ont été condamnées pour les mêmes méfaits que les hommes » souligne Marie-Eve Sténuit. On sait, grâce au procès qui a été consigné, qu’Anne et Mary ont alors révélé être toutes deux enceintes. « Rackham et ses hommes ont essayé de convaincre le jury que c’était une erreur mais, elles, n’ont rien contesté. Elles ont attendu qu’on prononce la sentence, et une fois la sentence prononcée, elles ont demandé, non pas à ce qu’on les épargne, mais à ce qu’on sursoit l’exécution, c’est-à-dire qu’on la reporte » relate l’historienne. 

    John Rackham fut pendu. Alors que le bourreau était en train de lui passer la corde autour du cou, Anne assistant à la scène, aurait crié « Si tu t’étais battu comme un lion, tu ne mourrais pas comme un chien ! »

    Mary mourut quelque temps après, en avril 1721, en prison, emportée par une fièvre jaune ou par les conséquences d’une fausse couche. Dans le registre des enterrements de la paroisse de Sainte-Marie, il est écrit « Mary Read, Pirate ».

    Le destin d’Anne est beaucoup plus incertain. La plupart des historiens ne parviennent à retracer son histoire que jusqu’en 1724, soit trois ans après le procès. Si aucun écrit ne stipule une quelconque exécution, il n’est pas non plus question de libération. « On pense généralement qu’elle a été libérée grâce à l’intervention de son père, qui était quelqu’un d’important dans les colonies et jouissait d’une grande influence. Même s’il l’avait déshéritée, elle restait sa fille et il a probablement dû intervenir et payer pour la faire libérer » explique Marie-Eve Sténuit.

    D’aucuns ont estimé, précise l’historienne, qu’Anne était retournée dans la plantation de son père, où elle serait restée avec époux et enfants jusqu’à sa mort, à l’âge de quatre-vingts ans. Mais « récemment, un internaute a retrouvé dans les registres des enterrements de la paroisse de Sainte-Catherine de Jamaïque, la mention de l’enterrement d’une certaine Anne Bonny en novembre 1733, soit douze ans après le procès. Mais il n’est pas précisé qu’elle était pirate. Il paraît étonnant qu’elle ait pu rester pendant treize ans à l’endroit où elle avait été condamnée. Il peut très bien s’agir d’un homonyme. Le mystère reste entier » conclut Marie-Eve Sténuit.

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