L'esprit de ces empereurs a hanté la Rome antique

Caligula, Agrippine et Néron ont laissé derrière eux bien plus que le simple souvenir de leurs machinations politiques : ils sont devenus de véritables fantômes.

De Lanta Davis, Vince Reighard
Publication 9 oct. 2024, 14:26 CEST
Cette peinture à l'huile de l'époque baroque représente Néron découvrant le corps de sa mère, Agrippine ...

Cette peinture à l'huile de l'époque baroque représente Néron découvrant le corps de sa mère, Agrippine la Jeune, dont il a ordonné l'assassinat. Cette fin cruelle hanta l'empereur tout au long de sa vie et donna naissance à des histoires de fantôme qui ont traversé l'histoire romaine.

PHOTOGRAPHIE DE Peinture d'Antonio Zanchi, Hessen Kassel Heritage, Ute Brunzel, Bridgeman Images

Caligula, Agrippine la Jeune ou encore Néron, tous les descendants du premier empereur de Rome, le divin Auguste, ont marqué l'histoire de manière indélébile et forgé d'innombrables légendes. Au cours de leurs règnes, ils n'hésitèrent pas à user des intrigues politiques et de la violence, autant d'actions que les historiens de l'antiquité jugeaient indignes de Rome et même contre nature. Pline l'Ancien alla même jusqu'à qualifier de « fléaux du genre humain » ces figures dont la vie et la mort résonnent encore à travers les âges. Entre esprits vengeurs et troublantes apparitions, les histoires des fantômes qui ont hanté les plus célèbres souverains de Rome continuent de nous fasciner près de deux millénaires plus tard.

 

CALIGULA : L’OMBRE DE L’EMPEREUR-DIEU

Premier empereur romain à s'être déclaré dieu de son vivant, Caligula prétendait communier avec Jupiter, le roi des divinités romaines, et racontait à qui voulait l’entendre qu’il était l’amant de la Lune. Sa mégalomonie et son dédain pour le peuple romain étaient connus de tous. Un jour, il déplora que le peuple romain « n'eût qu'une tête », à trancher d'un seul coup. 

Malheureusement, les ambitions divines de Caligula se heurtèrent à une fin brutale. Selon l'historien Cassius Dion, l'empereur fit une terrible découverte dans ses derniers instants : « il n'avait, lui, qu'une seule tête », mais « ils avaient, eux, plusieurs bras », en référence au pouvoir collectif du peuple et de ses assassins. Poignardé à plusieurs reprises, ses meurtriers auraient ensuite mutilé son corps, allant même jusqu'à lui enfoncer « l'épée dans les parties honteuses » ou à « manger de sa chair » selon un récit particulièrement dramatique.

Après son assassinat, la dépouille de Caligula fut rapidement incinérée sur un bûcher de fortune et jetée dans une tombe peu profonde, si bien que son esprit ne mit pas longtemps à revenir hanter le mont Palatin, où il avait été arraché à la vie. Nuit après nuit, les jardins de son repos éternel furent tourmentés par d'étranges fantômes. Dans la maison où il fut tué, plus aucune nuit ne passait sans être « troublée par quelque bruit terrible ».

 

AGRIPPINE LA JEUNE : LA VENGEANCE D'UNE MERE

Avant son passage à trépas, Caligula avait condamné sa sœur Agrippine à l'exil sur les îles Pontines, où il lui faisait régulièrement porter des lettres sinistres dans lesquelles il lui rappelait qu'en plus des îles, il possédait aussi « des glaives » pour ses ennemis. Malgré cela, Agrippine retourna à Rome pour offrir à son frère des funérailles décentes, peut-être par manœuvre politique, mais aussi dans l'espoir d'apaiser son esprit maléfique torturé par cette inhumation indigne.

Agrippine épousa le successeur de Caligula, Claude, qui se trouvait être son oncle, une coutume « loin d'être acceptable, même pour l'époque », déclare Debbie Felton, autrice de Haunted Greece and Romeun ouvrage sur les fantômes qui ont hanté Rome et la Grèce durant l'antiquité.

La jeune impératrice était dotée d'une « impitoyable ambition », indique Felton. En tant que sœur, épouse et mère d'empereur, Agrippine jouissait d'une influence sans égal sur la cité romaine.

Comprendre : la Rome antique

Là encore, cette insatiable soif de pouvoir se révéla mortelle. À la naissance de son fils Néron, l'historien Tacite partagea une prophétie au sujet d'Agrippine : Néron allait un jour régner sur Rome, mais il la tuerait. Et Agrippine de déclarer, imperturbable : « Qu'il me tue, pourvu qu'il règne ! »

Lorsque Néron accéda au trône alors qu'il était encore adolescent, Agrippine « occupait une position de pouvoir sans précédent pour une femme », raconte Anthony Barrett, auteur du livre Agrippina: Sex, Power, and Politics in the Early Empire. En grandissant, Néron commença à voir d'un mauvais œil l'influence de sa mère.

Les tentatives d'assassinat lancées par Néron contre sa mère sont entrées dans la légende : la première par empoisonnement, puis en sabotant un plafond censé l'écraser dans son sommeil. Après ces deux échecs, Néron convia Agrippine à un festin et la fit embarquer sur un navire conçu pour se briser en mer.

C'était sans compter sur les talents de nageuse d'Agrippine, acquis lors de son exil sur les îles Pontines, qui parvint donc à rallier la terre ferme en toute sécurité. L'une de ses servantes eut moins de chance ; elle se fit passer pour Agrippine en espérant convaincre les marins de lui venir en aide, mais elle ne reçut de la part de ces derniers que des coups de rame sur la tête.

C'est finalement dans sa villa qu'Agrippine fut acculée par ses assassins. Ses derniers mots furent terribles : « Frappe ici ! » s'écria-t-elle, en montrant le ventre qui avait enfanté l'auteur de cette trahison.

Après sa mort, d'étranges lamentations se firent entendre aux abords de sa tombe et une horde de furies armées de torches hantèrent Néron jusqu'à la fin de ses jours. Rongé par la culpabilité et la paranoïa, l'empereur essaya même d'entrer en contact avec le fantôme d’Agrippine en implorant l'absolution.

 

NÉRON : L'EMPEREUR MAUDIT

La descente aux enfers de Néron s'accéléra après l'assassinat de sa mère. Son rôle de souverain ne l'intéressait plus, il lui préférait le chant et le théâtre, autant d'activités perçues par ses contemporains comme « un stigmate de l’infamie » et le « genre d'ambition atypique qui aurait pu conduire les historiens de l'antiquité à le dépeindre comme un maître de la tromperie, même en dehors de la scène », déclare Shadi Bartsch, professeur de littérature classique à l'université de Chicago.

Néron assista impuissant à l’exode de ses alliés. Une nuit, il se réveilla pour découvrir son palais désert. Condamné à mort par le Sénat qui l’avait déclairé ennemi public, Néron se résigna à quitter la cité. À la perspective d’une fin lente et cruelle, l'empereur préféra la fulgurance du suicide et se trancha la gorge.

Même la mort ne parvint pas à effacer Néron de la mémoire des Romains. Désigné comme l'antéchrist par les premiers chrétiens persécutés sous son règne, Néron devait donc, selon le Livre de l'Apocalypse, revenir parmi les mortels pour déclencher l'ultime bataille entre le bien le mal.

L'esprit de Néron a également hanté la Rome médiévale, où un noyer voisin de la basilique Santa Maria del Popolo était devenu un épicentre de l'activité démoniaque, un portail emprunté par les démons pour terroriser les pélerins. Selon la légende, le squelette de Néron gisait au pied de ce même noyer. Le pape Pascal II fit abattre l'arbre et jeter les ossements de Néron dans le Tibre pour débarasser Rome de son esprit maléfique.

« Avec la torture, les assassinats et autres vices de l'époque, on pourrait penser que les fantômes étaient monnaie courante » dans la Rome antique, indique Felton, mais ces histoires de fantômes associées à des personnages célèbres étaient rares. « L’ampleur avec laquelle ces trois membres d’une même famille » ont terrorisé les Romains après leur mort fait écho « au théâtre de l’horreur que fut leur propre vie. »

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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