Elles régnaient sur l'Amérique du nord... qu'est-il arrivé à ces cinq cités perdues ?
Teotihuacan, Cahokia et d'autres anciennes métropoles nord-américaines présentaient des édifices religieux saisissants, des habitations multifamiliales et des tumuli, avant de disparaître. Pas à pas, l’archéologie révèle leur passé splendide.
Des montgolfières à la dérive au-dessus de la pyramide de la Lune, de la pyramide du Soleil et de la Chaussée des morts, qui traverse Teotihuacan.
Bien avant que les Européens ne conquièrent le Nouveau-Monde, les Amérindiens avaient érigé des pyramides et des palais, des temples et des sépultures, dans des cités florissantes dont la taille n’avait rien à envier aux ville du Vieux Continent. Les citoyens de Cahokia échangeaient avec leurs voisins mésoaméricains ; l’énigmatique peuple de Teotihuacan entretenait des liens avec toute l’Amérique Centrale ; on dit même que l’influence et la sophistication des Spiros rivalisait avec celles des Incas et des Aztèques. De nos jours, des chercheurs découvrent encore des centres urbains majeurs qui témoignent de la complexité des premières mégapoles américaines.
TEOTIHUACAN : ÉPICENTRE ARCHITECTURAL ET ARTISTIQUE
Ce masque de Teotihuacan présente des dents, des fentes à la place des yeux et des indentations circulaires sur les joues.
À son apogée, en l’an 400 de notre ère, Teotihuacan, située à 50 kilomètres de l’actuelle Mexico, dans la vallée de Mexico, était peut-être la plus grande ville des Amériques. Plus de 100 000 Teotihuacanos vivaient au milieu d’un étalage impressionnant de palais, de temples, de places, d’avenues et dans des milliers d’immeubles répartis sur une superficie de 20 km2. En plus de ses prêtres, de ses soldats et de ses marchands, Teotihuacan comptait parmi ses rangs une communauté artistique florissante dont les artefacts ont influencé les civilisations de toute la Mésoamérique. Il s’agit aujourd’hui du plus important site archéologique du Mexique.
Ses édifices importants ont résisté à l’épreuve du temps : l’imposante pyramide du Soleil, dont on pense qu’elle était dédiée au culte d’une déité propre à la société de Teotihuacan, mais aussi la pyramide de la Lune, qui servait au sacrifice d’animaux et d’humains, comme en témoignent les carcasses de pumas, d’aigles, de loups et d’humains (dont dix étaient décapités) découvertes sous la structure.
Vers l’an 750 de notre ère, la partie centrale de la cité a brûlé, possiblement à la suite d’une invasion, et Teotihuacan ne s’est jamais relevée de ses cendres. L’identité et l’origine des Teotihuacanos, de même que le langage qu’ils parlaient, demeurent un mystère que les archéologues s’échinent à dissiper.
Un jaguar aux crocs impressionnant sur une fresque découverte dans le centre de Teotihuacan.
CAHOKIA : PLACE DE COMMERCE COSMOPOLITE
Vers l’an 1000 de notre ère, une métropole complexe s’est épanouie dans les plaines inondables luxuriantes des environs de l’actuelle ville de Saint Louis, dans le Missouri, au confluent du Mississippi, du Missouri et de l’Illinois. Au nord du Mexique, il n’y avait pas plus grande cité que Cahokia. Comptant 10 000 à 20 000 habitants, sa population était semblable à celles de villes européennes de la même époque. Au moins cent édifices surélevés dominaient la cité. Certains étaient surmontés de maisons ou d’autres bâtiments, tandis que d’autres servaient de sépulture. Le plus grand édifice, le Tumulus des Moines, qui doit son nom aux moines trappistes qui vivaient là au 19e siècle, est un terrassement s’élevant à 30 mètres dans les airs. Sa base, qui occupe 5,6 hectares, est plus large que celle de la pyramide de Khéops.
Autrefois menacée par la bétonisation, Cahokia est désormais protégée par l’État et inscrite au Patrimoine mondial de l’UNESCO.
Monks Mound, le Tumulus des Moines, est grand comme un immeuble de neuf étages et est l’édifice le plus important encore visible à Cahokia.
On en sait peu sur les dirigeants ou sur l’histoire de cette ancienne civilisation, mais selon des recherches universitaires, on sait qu’il s’agissait d’une place de commerce, d’artisanat et d’architecture cosmopolite. Les Mississippiens troquaient des biens avec des peuples aussi septentrionaux que ceux qui vivaient à l’emplacement de l’actuel État du Wisconsin, et peut-être aussi avec des civilisations mésoaméricaines, plus au sud.
À en juger par les palissades en bois érigées tout autour du centre de leur cité, quelque chose ou quelqu’un a commencé à menacer les Cahokiens à partir de 1175. Un climat plus froid et un stress sur l’environnement local ont peut-être également rendu la cité moins vivable. En 1350, les Cahokiens avaient quitté les lieux.
CHACO CANYON : CAPITALE PEUPLÉE DE FEMMES FORMIDABLES
À des lieues de là, vers l’ouest, installés à l’endroit où se trouve aujourd’hui le Nouveau-Mexique, les Chacoans n’avaient rien à envier à la complexité, voire à la taille, de la civilisation cahokienne. Du 9e au 12e siècle, les Anasazis ont peuplé plus de 150 villages autour de Chaco Canyon et ont vécu dans des manoirs de pierre tentaculaires comptant des centaines de pièces. Le plus important d’entre eux, Pueblo Bonito, était le centre du monde chacoan. Ses habitants pratiquaient l’agriculture et le commerce, organisaient des cérémonies religieuses et avaient construit un réseau de routes bien entretenues leur permettant de s’étendre vers l’ouest, le nord et le sud. Pour arroser leurs cultures de maïs, de courges et de haricots, les Chacoans tiraient profit du flux intermittent des ruisseaux environnants grâce à des de canaux et des rigoles. Les marchands importaient des produits exotiques tels que des aras rouges (Ara macao) et du cacao des cités mésoaméricaines du sud.
À Chaco Canyon, le village de Pueblo Bonito abrite plus de trente kivas cérémonielles.
Les Chacoans n’avaient pas de langue écrite, la plupart de ce que nous savons à leur sujet provient de leurs sépultures. Une chambre funéraire recélait par exemple treize dépouilles ayant vraisemblablement appartenu à des membres de l’élite. Celles-ci étaient entourées de milliers de perles turquoise, de coquilles, de bols et de cruches. Grâce à des analyses ADN, on sait que la plupart de ces individus étaient liés par leur mère ou leurs grands-mères. Le pouvoir se transmettait peut-être de manière matrilinéaire.
Au 13e siècle, les Chacoans ont commencé à déserter le canyon pour d’autres régions du Sud-Ouest. Bien qu’on ne connaisse pas exactement la raison de leur départ, il est possible qu’une grave sécheresse les ait forcés à partir.
SPIRO MOUNDS : CENTRE DE RICHESSE ET DE POUVOIR
En 1933, un groupe de chercheurs d’or est tombé sur une chambre funéraire close depuis près de 500 ans dans les environs de Spiro, dans l’Oklahoma. À l’intérieur, ils ont découvert des trésors éblouissants : des conques gravées, des chapelets de perles et de coquilles, de grandes pipes à l’effigie d’humains ainsi que des couvertures et des robes aux couleurs vives. Selon les journaux de l’époque, cette découverte était un « tombeau de Toutankhamon » américain.
Ornement mississippien en relief à l’effigie d’un guerrier et sculpté dans du cuivre découvert à Craig Mound, sur le site archéologique de Spiro Mounds, dans l’Oklahoma. Le site a été occupé de manière permanente de 800 à 1450 ap. J.-C.
Douze tertres ainsi que le village où résidait l’élite et une partie du quartier des roturiers ont été mis au jour. C’est tout ce qui subsiste de cette puissance préhistorique qui a un jour égalé la taille et la sophistication des Aztèques et des Incas. Les Spiros ont régné sur la civilisation mississippienne et sur près des deux tiers du territoire américain actuel, de Cahokia (East Saint Louis) à Moundville, en Alabama, en passant par Etowah, en Géorgie.
Le lieu a été occupé de manière permanente de 800 à 1450 ap. J.-C. environ. À son apogée, quelque 10 000 personnes y résidaient. Les artefacts qu’on y a découverts (du cuivre de la région des Grands Lacs et une conque du golfe du Mexique) trahissent un réseau commercial étendu mais aussi des activités religieuses très élaborées et un système politique avancé.
Ses grandes plateformes en terre et ses tumuli étaient au centre de la vie des communautés agricoles qui y vivaient. Les chefs bâtissaient leurs maisons au-dessus de celles des anciens dirigeants. Ainsi, plus un tertre était élevé, plus le chef qui l’occupait était prestigieux.
Les Spiros ont mystérieusement disparu autour de l’an 1500, peut-être à cause d’une sécheresse prolongée et/ou de luttes politiques intestines.
William P. Campbell en compagnie de poteries exhumées sur le site archéologique de Spiro Mounds, dans le comté de Le Flore (Oklahoma), à la fin des années 1910. Sur la table se trouvent des pots en argile, des coupelles, des pointes de flèches, des bols et des vases.
ETZANOA : LA CITÉ VRAIMENT PERDUE
La légende parle d’une vaste métropole ancienne de plus de 20 000 habitants, ancêtres de la Nation wichita, qui aurait fleuri au confluent de la Walnut et de l’Arkansas, près de l’actuelle ville d’Arkansas City, dans le centre du Kansas. Les citoyens de la cité d’Etzanoa, que certains groupes autochtones nomment le « Grand Village », vivaient dans des maisons en forme de grandes ruches accueillant chacune une douzaine de personnes et séparées par des jardins luxuriants. Lors des mois d’hiver, la communauté suivait les troupeaux de bisons et logeait dans des tipis le temps du voyage. Leurs traditions artisanales ancrées et leurs routes commerciales étendues se sont frayées un chemin jusqu’à la capitale aztèque, Tenochtitlan.
Dès la fin du 16e siècle, des conquistadores espagnols cherchant de l’or sont entrés en contact avec les habitants de cette région. À en croire les témoignages espagnols, les deux groupes entretenaient des rapports amicaux et partageaient du pain de maïs ensemble. Mais en 1601, les Espagnols, menés par l’explorateur Juan de Oñate, ont pris des otages et les résidents se sont enfuis. Bien qu’ils aient tenté de revenir pour s’en prendre aux Espagnols, ces derniers leur ont tiré dessus avec quatre canons et les ont fait fuir à jamais.
Wichitas de l’Oklahoma devant une habitation typique recouverte d’herbe exposée à l’occasion de l’Exposition universelle de 1904.
Malgré la légende, les explorateurs français ayant traversé la région au 18e siècle n’y ont pas trouvé de cité. Les archéologues pensent que la variole et d’autres maladies ont eu raison de la plupart des habitants autochtones. Etzanoa est demeurée une énigme jusqu’en 2016, année où un adolescent de la région a découvert un canon utilisé lors de cette bataille survenue au 17e siècle. La cité perdue, du moins ses vestiges, venaient d’être redécouverts.
Cet article utilise des extraits publiés dans Lost Cities of the Ancient World. Copyright © 2021 National Geographic Partners, LLC. Pour en savoir plus, lisez Lost Cities of the Ancient World, disponible dans les points de vente habituels.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.