Ces quatre maîtresses royales ont marqué l'histoire de France
D’Agnès Sorel à Jeanne du Barry, ces favorites ont manié le pouvoir comme personne avant que la Révolution ne secoue la monarchie française.
Cette peinture de Louis XV et de sa dernière maîtresse, Jeanne du Barry, a été réalisée près d'un siècle après leur mort. Les favorites comme Madame du Barry étaient dotées d’un pouvoir impressionnant du fait de leur proximité avec le roi.
Qui est la femme la plus puissante de France ? Sous la monarchie française, ce n'était peut-être pas la reine mais la favorite du roi, la maîtresse en titre.
Les favorites gouvernaient souvent le cœur et les décisions politiques du monarque. Ces dernières devinrent ainsi bien plus influentes que la plupart des femmes de leur époque. Voici l’histoire de quatre d’entre elles qui ont marqué l'histoire de France.
POURQUOI LES FAVORITES ÉTAIENT-ELLES SI PUISSANTES ?
Nombre de rois européens avaient des liaisons extraconjugales, mais en France, les maîtresses jouissaient à la fois de la faveur royale et d'une reconnaissance officielle. De nombreuses reines étaient nées à l'étranger et tous les mariages royaux étaient arrangés. Il en résultait une méfiance, voire une animosité, entre les reines et les rois, ces derniers cherchant souvent affection et compagnie en dehors de leur mariage royal.
Comme le souligne l'historienne Tracy Adams, les femmes de l'époque étaient reconnues comme les égales intellectuelles des hommes mais ne pouvaient légalement rivaliser avec les rois pour le trône. En conséquence, elles constituaient de parfaites conseillères politiques, explique-t-elle. La plupart des rois de France, à partir de Charles VI, prenaient conseil auprès de leurs amantes.
Le sculpteur français Jean Goujon a réalisé cette sculpture de Diane chasseresse à l'effigie de Diane de Poitiers.
AGNÈS SOREL (1422-1450)
Également connue sous le nom de « Dame de Beauté », Agnès Sorel est souvent considérée comme la première maîtresse royale française officiellement reconnue.
Issue de la petite noblesse, elle devint la dame d'honneur de Marie d'Anjou, épouse de Charles VII. Peu après son entrée dans la maison de la reine en 1444, Agnès Sorel entama une liaison avec le roi qui lui offrit bijoux et vêtements raffinés. Ils eurent ensemble trois filles qui survécurent à la petite enfance. Le roi les reconnut toutes les trois et leur donna des dots lorsqu'elles se marièrent.
Agnès Sorel est surtout connue pour son sens de la mode : elle était réprouvée en dehors de la cour pour son amour des robes échancrées, voire ouvertes. On pense qu'elle a ainsi, en plus de sa mort prématurée, inspiré au moins un tableau emblématique de la « Vierge allaitant ».
Quelques années après le début de sa liaison avec le roi Charles VII, elle fut prise de maux d'estomac et mourut dans d'atroces souffrances. La cause de sa mort resta un mystère jusqu'en 2005, lorsque des chercheurs trouvèrent des traces d'empoisonnement au mercure. Il pourrait s’agir d’un traitement contre les ascaris, mais d’aucuns suggèrent qu'elle a été empoisonnée par des ennemis politiques, ou peut-être même par Charles VII lui-même.
Agnès Sorel fut inhumée dans l'église Saint-Ours de Loches, en France. Son cœur fut enterré séparément à plus de 320 kilomètres de là, dans l'abbaye de Jumièges.
DIANE DE POITIERS (1499-1556)
Diane de Poitiers était une jeune veuve lorsqu'elle entra à la cour du roi François Ier, qu’elle impressionna par sa gestion avisée des biens de son défunt mari. Si le roi la respectait, elle fit une impression d’autant plus forte sur son fils, Henri. À l'âge de sept ans, le prince fut envoyé en Espagne pendant plus de quatre ans après la mort de son père à la bataille de Pavie. Au retour d'Henri, Diane de Poitiers, alors âgée d'une trentaine d'années, devint l'amante de l'adolescent.
Henri portait souvent les couleurs de Diane, le noir et le blanc, symbole à la fois de son veuvage et de son homonyme, la déesse romaine de la chasse, de la guerre et de la nuit. Elle devint sa conseillère et sa compagne la plus fidèle. Bien que brièvement bannie de la cour, accusée d'un complot visant à renverser le roi François de France, elle y revint après la mort de ce dernier en 1547.
Cette peinture d'Alexandre-Évariste Fragonard illustre Diane de Poitiers posant pour le sculpteur Jean Goujon.
Henri fut proclamé roi sous le nom d’Henri II. Bien qu'il fut marié longtemps à Catherine de Médicis qui lui donna sept enfants qui survécurent tous, sa relation avec Diane de Poitiers dura des décennies. Elle s'occupa de ses enfants, prit soin des joyaux de la couronne de France et écrivit même ses lettres qu'elle signait de leur deux noms combinés : « HenriDiane ».
En 1599, Henri fut blessé lors d'une joute, toujours vêtu de noir et blanc. Alors que le roi mourrait lentement d'une septicémie, la reine interdit à sa maîtresse de se rendre à son chevet. Après sa mort, Diane de Poitiers vécut en exil. Elle mena une vie confortable dans son grand château jusqu'à sa mort, probablement empoisonnée par une concoction à base d'or alors censé préserver sa jeunesse.
MADAME DE POMPADOUR (1721-1764)
Jeanne-Antoinette Poisson, marquise de Pompadour, plus connue sous le nom de « Madame de Pompadour », fut l'une des maîtresses royales les plus aimées et les plus puissantes. Elle était issue d'une famille très éloignée des cercles royaux : son père, fonctionnaire, fuit le pays à la suite d'un scandale de corruption, la laissant avec sa mère, sans le sou. Cependant, à la suite d’une prédiction présageant qu'elle deviendrait un jour la maîtresse d'un roi, et grâce à un ami de son père, dont on suppose qu'il était en réalité son père biologique, elle reçut une éducation privée digne d’une maîtresse en titre.
Le compositeur Wolfgang Amadeus Mozart rencontre Madame de Pompadour à Versailles en 1763.
Surnommée « Reinette », elle évolua dans le monde des salons parisiens, affinant sa conversation et se faisant remarquer par son charme. Elle épousa Charles d’Etiolles, un financier, à l'âge de dix-neuf ans. En 1744, elle attira l'attention de Louis XV en se promenant en calèche près de son domaine de chasse. Intrigué et à la recherche d'une nouvelle maîtresse, il alla à sa rencontre.
Bientôt, leur liaison devint publique : lors d'un somptueux bal masqué dans la galerie des Glaces, le roi se laissa voir sans masque, en conversation intime avec sa nouvelle maîtresse, encore mariée. Il lui donna le titre de marquise de Pompadour, nomma son mari ambassadeur d’une destination lointaine où il envoya celui-ci et lui offrit une chambre avec un escalier secret menant à sa propre chambre à coucher, ainsi que divers châteaux et cadeaux royaux, dont le bâtiment connu aujourd'hui sous le nom de Petit Trianon.
L’influence qu’elle exerçait sur le roi était publiquement désapprouvée. Elle encourageait ce dernier dans ses excès, le poussant à soutenir les arts, mettant en scène des spectacles privés pour son amusement et le convainquant même d’apporter son soutien à diverses personnalités du siècle des Lumières, y compris les auteurs de la première encyclopédie française. De santé fragile, elle fut soignée avec amour par le roi sur son lit de mort où elle s'éteignit à l'âge de quarante-trois ans.
Ce buste de Madame de Pompadour fut terminé en 1751 alors qu'elle avait trente ans. Il était probablement destiné à sa résidence du château de Bellevue, achevée la même année.
JEANNE DU BARRY (1743-1793)
Louis XV prit ensuite une maîtresse qui exerça une influence sur son règne et joua un rôle dans la chute de la monarchie française. Après la mort de Madame de Pompadour, le roi tomba amoureux de Jeanne Bécu, une fille de joie devenue courtisane de la haute société, qui le séduisit par sa beauté et ses charmes sexuels reconnus, malgré une différence d'âge de trente-trois ans. Refusant d'avoir une maîtresse officielle qui ne soit pas aristocrate, le roi lui fit épouser le comte Guillaume du Barry, puis l'installa à Versailles.
Les excès notoires de Louis XV pour sa maîtresse scandalisaient la France entière. Il offrait à Madame du Barry de magnifiques bijoux et vêtements et ne lui refusait rien, allant jusqu'à lui mettre à disposition un esclave bengali, Zamor, qui lui servit de domestique privé. Il lui fit également cadeau d’un collier de diamants si imposant que le pays n'eut pas les moyens de le payer.
Le collier et autres extravagances n’eurent de cesse d’irriter la France, même après la mort de Louis XV, suite à laquelle Madame du Barry fut bannie de la cour.
Les révolutionnaires finirent par accuser Marie-Antoinette, épouse de Louis XVI, d'avoir acheté le collier à un cardinal corrompu. Madame du Barry fut également emportée par la ferveur révolutionnaire lorsque Zamor, qui avait enduré des années d'exploitation, la dénonça aux révolutionnaires pour avoir prétendument aidé financièrement des contre-révolutionnaires. Elle fut arrêtée pendant la Terreur et décapitée devant une foule ricanante en 1793.
Ce buste représente Jeanne Bécu. Pendant son règne en tant que maîtresse royale officielle, de nombreux portraits de Jeanne du Barry ont été réalisés par des artistes de premier plan, dont le sculpteur français Augustin Pajou.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.