Comment la bûche s'est imposée sur la table de Noël
Cette spécialité des fêtes s’inspire d’une tradition de Noël vieille de plusieurs siècles, popularisée par les pâtissiers parisiens.
À l’origine, la bûche de Noël n’était autre qu’une véritable bûche de bois que l’on brûlait au moment des fêtes. La bûche de Noël sous forme de gâteau existe, elle, depuis le 19e siècle.
En France, la bûche de Noël trône sur les tables des réveillons de fin d'année. Les pâtissiers, qualifiés comme amateurs, en ont créé toute une gamme de versions différentes, de la plus classique à la plus excentrique.
« C’est un pur produit de la tradition française », explique le boulanger Frank Barron (connu sous le pseudo https://www.instagram.com/cakeboyparis/?hl=fr sur Instagram), qui a quitté la Californie pour s’installer dans la capitale française en 2012. « Il ne fait aucun doute qu’il y aura une bûche sur la table à Noël, une fois les plats principaux terminés. »
En tant que dessert, la bûche de Noël est relativement récente, contrairement à la tradition dont elle est tirée. En effet, la bûche de Noël était à l’origine un gros morceau de bois que l’on brûlait pendant les fêtes de fin d’année. On l’allumait la veille de Noël et on la rallumait chaque jour jusqu’à l’Épiphanie. Cette tradition, répandue dans une grande partie de l’Europe, a perduré pendant des siècles (il s’agissait d’un retour aux fêtes préchrétiennes célébrant le solstice d’hiver) et de nombreuses superstitions étaient attachées à cette pratique. Dans certaines régions de Grande-Bretagne, par exemple, on disait que cela portait malheur si une personne qui louchait ou une femme aux pieds plats pénétrait la pièce où le feu brûlait. La croyance la plus répandue, cependant, était que si une partie de la bûche carbonisée était conservée dans la maison pendant l’année à venir, elle protégerait la propriété de la foudre.
En Écosse, il était gage de chance de graver le visage de la Cailleach (la déesse gaélique des mois d’hiver) sur une bûche avant de la brûler la veille de Noël en compagnie de toute la famille. « À travers ce rituel, on disait adieu au froid, à l’obscurité et aux difficultés de l’année passée, tout en se préparant à un nouveau départ », explique Coinneach MacLeod, dont le nouveau livre, The Hebridean Baker at Home, inclut une recette de bûche de Noël.
La garniture traditionnelle de la bûche de Noël est composée de crème au beurre, mais on peut la remplacer par de nombreux autres ingrédients comme de la confiture, de la crème fouettée ou encore de la purée de marrons.
Au 18e siècle, la bûche de Noël avait perdu en popularité, peut-être parce qu'il n'était pas pratique de rapporter un énorme morceau de bois chez soi. Les pâtissiers parisiens ont cependant veillé à ce que soit conservée la tradition en réimaginant la bûche sous la forme d’un gâteau. C’est à Pierre Lacam que l’on doit la première recette de la bûche de Noël, dans Le Mémorial Historique et Géographique de la Pâtisserie, un ouvrage volumineux publié en 1890, qui contient des anecdotes historiques et 1 600 recettes de gâteaux et de pâtisseries régionales. Lacam ne mentionne pas les origines de la bûche comestible, mais en propose une recette : elle consiste essentiellement en un rouleau de génoise (un biscuit riche et aéré) assemblé avec de la crème au beurre aromatisée au café ou au chocolat pour créer une bûche, ensuite décoré de petites « branches » découpées dans d’autres morceaux de génoise fixés à l’aide de crème au beurre, et recouvert d’une nouvelle couche de crème au beurre à l’aide d’une douille cannelée pour créer l’effet d’une écorce.
Si les bûches d’aujourd’hui sont souvent confectionnées à partir d’un roulé suisse au chocolat, il était plus courant au 19e siècle d’utiliser une génoise à la vanille afin d’accentuer le contraste entre l’« écorce » extérieure plus foncée et le « bois » intérieur plus pâle. L’effet boisé pouvait ensuite être renforcé par l’ajout de « mousse » sous forme de pistaches finement hachées et de quelques champignons meringués pour faire bonne mesure.
Dans une publication ultérieure, Lacam a révélé en avoir découvert davantage sur les origines de la bûche : elle aurait été inventée par Antoine Charabot à la Maison Quillet en 1879. Au début du siècle, ce pâtissier parisien avait créé une crème au beurre française en fouettant des jaunes d’œufs avec du sirop de sucre et du beurre, une version que Lacam a utilisée dans sa propre recette. En 1886, la bûche faisait fureur dans la capitale française, en particulier parmi la bourgeoisie grandissante de la ville. Selon Michael Krondl, auteur de Sweet Invention : A History of Dessert (2010), les Parisiens de la classe moyenne consommaient des desserts extravagants pour illustrer leur goût sophistiqué et leur raffinement ; des qualités auparavant principalement attribuées à l’aristocratie.
Le Paris de la Belle Époque, entre 1870 et 1914, qui était considéré comme le summum de l’élégance, des prouesses artistiques et de la décadence, était sous l’influence de la bourgeoisie, qui décidait de ce qui était alors à la mode dans le monde. Rien de surprenant à ce que son penchant pour les desserts élaborés se soit ainsi répandu en Europe et au-delà : les Allemands ont eu le Bismarckeiche, une version largement oubliée dont le nom se traduit par « chêne de Bismarck », en référence au premier chancelier allemand, l’Italie son tonchetto di Natale, et le Viêt Nam (une ancienne colonie française) son bánh khúc cây giáng sinh, tous des variations du traditionnel dessert français.
De nos jours, alors que les cuisiniers amateurs tendent à confectionner des bûches de Noël traditionnelles, de nombreux pâtissiers parisiens haut de gamme s’essaient à de nouvelles formes de bûche.
Au début du 20e siècle, les recettes de bûches ont commencé à apparaître dans les livres de cuisine. Les cuisiniers amateurs ont tendance à aborder le gâteau avec une certaine appréhension, la plus grande difficulté étant de rouler le gâteau sans qu’il ne se fissure ou ne se brise. Dans les années 1960, l’écrivaine britannique Fanny Cradock a rassuré ses lecteurs en leur expliquant que cette difficulté pouvait être évitée à condition de suivre à la lettre ses instructions détaillées, à savoir laisser le gâteau refroidir complètement avant de le garnir et de le rouler.
À l’inverse, dans son livre de cuisine Sweet Paris (2022), Frank Adrian Barron indique aux lecteurs de rouler le gâteau de sa version au chocolat blanc et au cassis pendant qu’il est encore chaud, puis de le laisser refroidir pendant 20 minutes avant de le garnir. Il avoue cependant avoir versé une larme en essayant de perfectionner la recette.
Coinneach MacLeod, quant à lui, conseille de fouetter les jaunes d’œufs et le sucre jusqu’à ce qu’ils soient « veloutés et crémeux ». C’est un processus, dit-il, pour lequel il convient de prendre son temps (« deux à trois minutes sont nécessaires pour obtenir le résultat parfait »). Et surtout, précise-t-il, « il est de coutume de laisser une part pour les huit déesses du Cailleach pour les remercier de leur protection tout au long des mois d’hiver ».
Étant donné le défi que représente la confection de la bûche de Noël parfaite, il n’est pas surprenant que les versions achetées dans le commerce aient tendance à l’emporter dans la capitale française ; et avec la tentation à chaque coin de rue, qui pourrait y résister ? « Je pense que la plupart des Parisiens achètent leur bûche de Noël parce que nous avons énormément de choix », explique M. Barron. « À cette époque de l’année, la vitrine de chaque boulangerie de quartier est remplie de bûches plus belles les unes que les autres et aux goûts divers et variés. »
Pour créer la garniture et le glaçage, on mélange le chocolat fondu refroidi avec du beurre, du sucre glace, du cognac et de la vanille.
De nos jours, l’accent est mis sur les saveurs et les textures des différentes couches plutôt que sur la ressemblance avec la bûche originale. À Montréal, l’année dernière, La Bête à Pain a produit la bûche Signature, composée d’une mousse au chocolat noir, d’une crème diplomate à la vanille, de noisettes grillées, de caramel au beurre salé, d’un croustillant au praliné et d’un biscuit au chocolat. Des saveurs moins traditionnelles comme la fraise et la rhubarbe sont également populaires dans les pâtisseries de la ville canadienne. À Paris, de nombreux hôtels de luxe ont ouvert des boutiques de Noël où l’on peut commander des bûches élaborées à emporter ou disponibles à la livraison, la concurrence étant féroce entre les pâtissiers qui cherchent à se surpasser en termes de goût et de design. En 2022, par exemple, Maxime Frédéric, du Cheval Blanc, a fait retomber ses clients en enfance avec une bûche de Noël non pas en forme de bûche, mais en forme de paquet cadeau disposé au pied d’un cheval à bascule en chocolat. Fabriqué à partir de noisettes issues de l’exploitation familiale de Maxime Frédéric, le « cadeau » était composé de dacquoise, de praliné, d’un sablé, de mousse et de caramel à la vanille.
Au Royal Monceau - Raffles Paris, Quentin Lechat en a créé cinq versions l’année dernière, dont aucune ne ressemble à la bûche originale. Les « barres » anguleuses et minimalistes ont été déclinées dans une gamme de saveurs audacieuses, dont l’une était au sarrasin, caramel au beurre salé et pomme tatin. Adrien Bozzolo, du Mandarin Oriental, à Paris, s’est associé au fabricant de parfums Givaudan pour créer une bûche en forme d’éventail, garnie d’un crémeux au chocolat noir, d’iyokan (un agrume japonais) et de gingembre.
Mais peut-on encore considérer ces créations comme des bûches de Noël ? La réponse fait débat. Pour certains, l’appellation « bûche » désigne simplement l’inspiration derrière un dessert (et la saison à laquelle il doit être consommé) plutôt qu’une référence à un gâteau spécifique réalisé selon une recette immuable. Quoi qu’il en soit, qu’il s’agisse d’une bûche traditionnelle ou d’un paquet cadeau disposé aux pieds d’un cheval à bascule en chocolat, la bûche est une tradition de Noël qui n’est pas près de disparaître.
LA RECETTE DE LA BÛCHE DE NOËL
Il est indispensable de posséder un robot pâtissier ou un batteur électrique. Pour une génoise au chocolat, remplacez 1 cuillère à soupe de farine par 1 cuillère à soupe de cacao en poudre. Le glaçage et la garniture devraient idéalement être préparés avant le gâteau et, si vous préférez, vous pouvez remplacer la garniture à la crème au beurre par une confiture au goût acidulé (au cassis ou à l’abricot par exemple), de la purée de marrons sucrée ou simplement de la crème fouettée. Dans ce cas, vous n’aurez besoin que de la moitié de la quantité de glaçage pour couvrir le gâteau.
Durée : 1 heure
Nombre de personnes : 8-10
Ingrédients
- 100 g de sucre en poudre doré
- 3 œufs moyens
- 70 g de farine auto-levante, tamisée
- 1 cuillère à café d’extrait de vanille
- 15 g de pistaches finement moulues (facultatif), de sucre glace à saupoudrer (facultatif), de beurre ramolli pour graisser le moule
Pour le glaçage à la crème au beurre :
- 150 g de chocolat noir (minimum 70 %), cassé en morceaux
- 180 g de beurre doux, ramolli
- 75 ml de crème fraîche
- 400 g de sucre glace, tamisé
- 3 cuillères à soupe de brandy, de rhum, de liqueur d’orange ou de lait
- 1 cuillère à café d’extrait de vanille
La pâte doit être étalée à la cuillère sur une plaque de cuisson à génoise aussi uniformément que possible.
ÉTAPES DE PRÉPARATION
1. Commencez par le glaçage à la crème au beurre. Placez le chocolat dans un bol allant au micro-ondes et mettez-le au micro-ondes à puissance maximale pendant 30 secondes, puis remuez. Remettez-le au micro-ondes pendant 10 à 15 secondes, puis remuez à nouveau. Répétez l’opération, en remuant le chocolat après chaque passage au micro-ondes, jusqu’à ce qu’il soit fondu. Vous pouvez également placer le chocolat dans un bol au-dessus d’une casserole d’eau à peine frémissante (en veillant à ce que le fond du bol ne touche pas l’eau) et remuer de temps en temps jusqu’à ce que le chocolat ait fondu. Laissez-le refroidir à température ambiante.
2. Battez le beurre jusqu’à ce qu’il soit lisse, puis ajoutez la crème fraiche et enfin le sucre glace de manière progressive jusqu’à ce qu’il soit complètement incorporé dans la préparation. Ajoutez le chocolat fondu refroidi puis le cognac (ou un autre alcool ou du lait) et l’extrait de vanille et mélangez jusqu’à obtenir une consistance lisse. Conservez la crème au beurre à température ambiante (elle deviendra trop ferme si vous la mettez au réfrigérateur).
3. Pour faire le gâteau, chauffez le four à 200 °C (chaleur tournante : 180 °C ; thermostat 6) et beurrez le fond et les côtés d’une plaque de cuisson pour génoise de 33 cm x 23 cm x 2 cm. Tapissez le fond de papier sulfurisé et beurrez-le également. Placez une feuille de papier sulfurisé légèrement plus grande que le moule sur une grille, puis saupoudrez-la légèrement de farine pour empêcher le gâteau de coller. Préparez ensuite votre glaçage à la crème au beurre (ou une autre garniture, si vous préférez).
4. Tapissez une petite plaque de cuisson de papier d’aluminium. Répartissez le sucre sur la plaque puis mettez-la au four pendant 6 minutes.
5. Cassez les œufs dans un grand bol (ou utilisez le bol d’un batteur électrique). Une fois le sucre sorti du four, versez-le directement sur les œufs et fouettez énergiquement le mélange jusqu’à ce qu’il devienne pâle et volumineux, ce qui prend environ 5 minutes.
6. Incorporez délicatement la farine en veillant à ne pas former de grumeaux puis ajoutez l’extrait de vanille.
7. Versez la pâte dans le moule à génoise, en l’étalant le plus uniformément possible. Cuisez-là au four pendant 6 à 8 minutes jusqu’à ce que le dessus soit légèrement doré et qu’il soit élastique au toucher (il est crucial de ne pas trop cuire la génoise, car elle pourrait se fissurer lorsqu’elle sera roulée). Passez un couteau autour des bords du gâteau pour les détacher, puis laissez le gâteau dans le moule pendant 1 min. Démoulez rapidement sur le papier sulfurisé saupoudré de farine. Décollez le papier de cuisson.
8. Au bout de 2-3 minutes, roulez le gâteau encore légèrement chaud du côté court, avec le papier sulfurisé saupoudré de farine, pour former une bûche et laissez-la sur la grille pendant 10 minutes, côté couture vers le bas.
9. Déroulez le gâteau et étalez-y la moitié de la crème au beurre (ou la garniture de votre choix), en laissant une bordure de 1 cm sur tout le pourtour du gâteau. Roulez à nouveau le gâteau, en utilisant le papier pour reformer une bûche, et placez-le côté couture en bas sur votre assiette de service. Jetez le papier.
10. Recouvrez l’extérieur de la bûche avec le reste de la crème au beurre, en laissant les extrémités de la bûche apparentes. Si vous savez décorer des gâteaux, vous pouvez appliquer le glaçage à l’aide d’une douille cannelée ; sinon, utilisez une fourchette pour strier délicatement la surface afin qu’elle ressemble à de l’écorce. Placez la bûche au réfrigérateur.
11. Une fois le glaçage solidifié, coupez les extrémités du gâteau sur environ 1 cm afin de faire apparaître le tourbillon. Saupoudrez des pistaches moulues autour de la base de la bûche pour créer un effet de mousse et saupoudrez la bûche de sucre glace pour obtenir un effet neigeux, si vous le souhaitez.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.