Rosa Parks : un acte de résistance qui a changé le cours de l’histoire

Le refus de la militante de laisser son siège à un passager blanc à bord d’un bus où la ségrégation était appliquée a contribué à la naissance du mouvement américain des droits civiques.

De Erin Blakemore
Publication 6 févr. 2025, 16:03 CET
Rosa Parks sourit lors d’une cérémonie organisée à Détroit le 28 novembre 1999 pendant laquelle elle s’est vu décerner ...

Rosa Parks sourit lors d’une cérémonie organisée à Détroit le 28 novembre 1999 pendant laquelle elle s’est vu décerner la médaille présidentielle de la liberté. Celle qui s’est fait connaître en refusant de céder sa place à un homme blanc dans le bus à bord duquel elle voyageait, contribuant ainsi à la naissance du mouvement américain des droits civiques, s'est éteinte chez elle, à Détroit, le 24 octobre 2005. Elle avait 92 ans.

PHOTOGRAPHIE DE Paul Sancya, AP

Couturière d’âge mûr, Rosa Parks est devenue une héroïne improbable du mouvement américain des droits civiques et une figure de la lutte pour l’égalité raciale lorsqu’elle refusa de laisser sa place dans un bus où la ségrégation était appliquée à Montgomery, dans l’Alabama (États-Unis). Modeste et discrète, Rosa cachait bien sa véritable identité : celle d’une farouche militante des droits civiques, disciplinée et engagée.

Force sur laquelle il fallait compter, Rosa Parks a contribué au mouvement des droits civiques bien avant (et bien après) sa protestation dans le bus. Ce simple acte de désobéissance civile témoigne de son engagement de toute une vie pour l’égalité raciale, qui a aidé à faire avancer la lutte pour les droits civiques aux États-Unis.

 

LA JEUNESSE DE ROSA PARKS 

Née sous le nom de Rosa Louise McCauley à Tuskegee, en Alabama, le 4 février 1913 d’un père charpentier et d’une mère professeure, Rosa fut principalement élevée par ses grands-parents maternels dans leur ferme. Tous les jours, elle se rendait à l’église et travaillait à la ferme. Plus tard, elle étudiera à l’école industrielle pour filles de Montgomery. Mais la vie de Rosa était impactée par le racisme découlant des lois Jim Crow en vigueur dans le sud du pays, des politiques ségrégationnistes qui empêchaient les citoyens noirs de participer pleinement à la société et les séparaient des autres citoyens.

Comme Rosa le raconta ultérieurement dans son autobiographie, ses premiers souvenirs de cette période sont la terreur infligée par la branche locale du Klu Klux Klan et une veillée en compagnie de son grand-père, qui avait passé toute la nuit à défendre sa ferme contre des envahisseurs. Rosa continua à être la cible de discriminations raciales par la suite, se rappelant notamment avoir été harcelée par des enfants blancs du coin.

Les difficultés financières et la maladie affectèrent sa famille pendant la Grande Dépression, et obligèrent Rosa à quitter l’école à l’âge seize ans. Elle devint employée de maison et couturière, épousa Raymond Parks en 1936 et finit par obtenir son diplôme d’études secondaires, ce qui était rare à l’époque pour une jeune femme noire.

 

SA CONTRIBUTION AU MOUVEMENT DES DROITS CIVIQUES

Lorsqu'elle refusa de laisser sa place dans un bus où s’appliquait la ségrégation en 1955, Rosa était déjà une figure bien connue de la lutte pour l'égalité raciale.

Raymond, son mari, était un membre fondateur de la branche de la NAACP (National Association for the Advancement of Colored People, Association nationale pour la promotion des gens de couleur) à Montgomery, en Alabama. Il apporta notamment son soutien à la défense des Scottsboro Boys, neuf adolescents noirs condamnés à mort après avoir été faussement accusés d'avoir violé deux femmes blanches à bord d'un train en Alabama. Dans les années 1940, Rosa devint également active au sein de la NAACP, dirigeant la division de la jeunesse de la branche de Montgomery et occupant le poste de secrétaire.

Photographie de Rosa Parks prise au bureau du shérif de Montgomery, dans l'Alabama, le 22 février 1956. La militante ...

Photographie de Rosa Parks prise au bureau du shérif de Montgomery, dans l'Alabama, le 22 février 1956. La militante avait été arrêtée le 1er décembre 1955 dans la même ville pour avoir refusé de laisser son siège à un passager blanc dans le bus.

PHOTOGRAPHIE DE Montgomery County Sheriff's office, AP

En septembre 1944, l'affaire du viol de Recy Taylor galvanisa l'Alabama et Rosa Parks. Taylor, une jeune femme noire, avait été enlevée et violée par un groupe de six hommes blancs. Pour l'Alabama de l'époque Jim Crow, l'histoire de Recy Taylor était le symbole du danger auquel étaient confrontées de nombreuses femmes noires dans le Sud à cette période. Envoyée par la NAACP de Montgomery pour enquêter sur le crime, Rosa Parks contribua à la création d'une campagne nationale pour la justice. Pourtant, et malgré les aveux de l'un de ses agresseurs, plusieurs grands jurys composés uniquement de Blancs refusèrent de poursuivre les accusés.

Si Rosa Parks échoua à obtenir justice pour Taylor, cette affaire marqua le début de son militantisme. Rosa commença à enquêter sur d'autres cas de discrimination et de criminalité touchant les Noirs du Sud pour le compte de la NAACP et devint la secrétaire d'État de l’organisation.

 

LE BOYCOTT DES BUS DE MONTGOMERY

En 1955, la NAACP cherchait un cas d'école pour contester la ségrégation dans les transports publics de l'Alabama. Des personnes noires avaient déjà tenté de défier le système d'attribution des sièges du réseau de bus de Montgomery, qui imposait aux passagers noirs de monter à l'arrière du bus ou de céder leur place à des passagers blancs. Rosa Parks affirma toutefois que sa décision de refuser d’obéir au chauffeur de bus pour céder sa place à un passager blanc, le 1er décembre 1955, avait été spontanée.

Ce soir-là, la jeune femme, épuisée, s’assit dans un bus bondé pour rentrer chez elle. Lorsqu'on lui demanda de céder sa place à un homme blanc, elle refusa tout simplement. Elle fut alors arrêtée pour trouble à l'ordre public et brièvement emprisonnée.

« J’avais été malmenée toute ma vie et j’ai senti à ce moment que je n’en pouvais plus », écrivit-elle en 1955. « Il y a des limites aux blessures, aux déceptions et à l’oppression que l’on peut supporter ».

Si l’acte de résistance Rosa Parks était spontané, la réponse de la communauté noire de Montgomery fut parfaitement orchestrée. La nouvelle de l'arrestation de Rosa Parks se répandit et ses amis la persuadèrent d’utiliser son arrestation pour contester les lois ségrégationnistes de l'Alabama. Des militants locaux, parmi lesquels le jeune Martin Luther King Jr, organisèrent un boycott d'une journée le jour de son procès.

À l’issue du procès, Rosa Parks fut condamnée à une amende de 14 dollars. Ses avocats firent appel et le boycott d'une journée se transforma en une manifestation de plusieurs jours. Très vite, la quasi-totalité des Noirs de Montgomery, soit 70 % des usagers du réseau de bus, cessa de prendre le bus.

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    Rosa Parks arrive au tribunal pour être jugée dans le cadre du boycott des bus de Montgomery le 24 février 1956 à Montgomery, en Alabama. Le boycott a débuté le 5 décembre 1955, date à laquelle Rosa Parks s’est vu infliger une amende pour avoir refusé de s’asseoir dans la section réservée aux personnes de couleur dans un bus de ville.

    PHOTOGRAPHIE DE AP

    La protestation non violente était bien coordonnée et efficace, mais les représailles furent violentes. La maison de Martin Luther King fut victime d'une attaque à la bombe pendant le boycott tandis que Rosa Parks et d'autres furent mis en examen pour avoir violé les lois nationales anti-boycott.

    Devenue une figure nationale, Rosa Parks parcourait le pays pour faire connaître le boycott. Près d'un an après son arrestation, alors qu’elle se rendait à une conférence, elle apprit que la ségrégation dans les bus avait été déclarée inconstitutionnelle par la Cour suprême des États-Unis. « Heureuse de l'apprendre », écrivit-elle avec la modestie qui la caractérise.

     

    ROSA PARKS ET LE MILITANTISME APRÈS LE BOYCOTT DES BUS

    Rosa Parks continua à militer après le boycott des bus de Montgomery. Malgré son déménagement à Détroit en 1957, son soutien à l'égalité des droits ne faiblit jamais. Elle participa ainsi à la Marche sur Washington, à l'Été de la liberté de 1964, apporta son soutien au mouvement naissant du Black Power, protesta contre l'Apartheid en Afrique du Sud et travailla pour John Conyers, membre du Congrès du Michigan, de 1965 à 1988.

    À sa mort en 2005, Rosa Parks était considérée comme « la mère du mouvement des droits civiques » et comme une défenseuse discrète de la résistance non violente alors que tout semblait perdu. Sa dépouille fut exposée dans la rotonde du Capitole. Honorée par de multiples récompenses tout au long de sa vie, Rosa Parks est aujourd'hui considérée comme une fervente, mais invraisemblable, défenseuse des droits civiques.

    « Rosa Parks était parfaite pour le rôle que lui a donné l'histoire », a écrit plus tard Martin Luther King. « Les indignités accumulées des jours passés et les aspirations illimitées des générations à naître l’ont vissée à ce siège ».

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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