Contrairement à la croyance populaire, Marie Madeleine n’était pas une prostituée
Les Évangiles offrent des indices intrigants quant à l’identité de cette célèbre disciple de Jésus, une femme célibataire et libre de ses mouvements qui subvenait aux besoins des apôtres grâce à ses propres ressources.

Huile sur panneau de la Renaissance (vers 1524) représentant Marie Madeleine en train de transvaser un onguent d’un pot de pharmacie en majolique dans un récipient plus petit. Ce tableau désormais exposé au Walters Art Museum de Baltimore a tour à tour été attribué à Bernardino Luini et à Andrea Solari.
Il est possible que Jésus ait voyagé jusqu’à la ville que Matthieu appelle Magadan, nom qui pourrait en fait désigner Magdala et que l’on retrouve d’ailleurs dans certains manuscrits grecs. Magdala était un centre de traitement névralgique de l’industrie halieutique galiléenne. La ville jouissait d’une renommée régionale grâce, entre autres choses, à sa sauce de poisson, un condiment très apprécié durant l’Antiquité.
L’une des disciples de Jésus venait justement de Magdala : Marie, dite « la Magdaléenne ». Mais les Évangiles ne donnent que très peu d’informations sur son passé. À l’inverse d’autres femmes nommées Marie dans les Évangiles, Marie Madeleine semble avoir été célibataire, chose inhabituelle. Ainsi que les théologiens K.C. Hanson et Douglas Oakman l’ont souligné, au temps de Jésus, la Palestine était une société éminemment patriarcale. Une femme était aimée et respectée, mais ses faits et gestes étaient conditionnés à l’assentiment de l’homme le plus âgé de la famille. Les femmes célibataires n’étaient pas censées quitter leur domicile sans être chaperonnée par un proche. Mais il semblerait que Marie ait fait fi de ces restrictions et qu’elle allait librement là où le Maître allait.
QUI ÉTAIT MARIE MADELEINE ?
La réponse à cette énigme réside peut-être dans le fait que Marie Madeleine venait d’une famille aisée et qu’elle jouissait ainsi d’un plus grand degré d’indépendance.
Luc le suggère d’ailleurs lorsqu’il affirme qu’elle faisait partie d’une groupe de femmes qui « assistaient [Jésus] de leurs biens » (Luc 8:2-3). Il ne fait aucun doute en revanche qu’à la fin du ministère de Jésus, Marie était devenue l’une de ses plus éminentes disciples. C’est elle qui, accompagnée d’un petit groupe de femmes, resta courageusement au pied de la croix après que tous les apôtres se furent enfuis de peur d’être arrêtés et condamnés eux aussi (Marc 15:40-41)
« COMPAGNE » DE JÉSUS
La relation entre Marie Madeleine et Jésus a été exagérée dans des thrillers comme Da Vinci Code. La vérité, plus sobre, est que les spécialistes sont au courant de ces prétendues révélations depuis bien longtemps, en particulier depuis la découverte des codex de Nag Hammadi, en Égypte, en 1945. Ce corpus inclut un certain nombre de documents de type « Évangiles » écrits par des communautés chrétiennes gnostiques. L’Évangile selon Philippe affirme par exemple que « la compagne (koinōnos) du [Sauveur] est Marie Madeleine ».
Cela n’implique pas nécessairement une relation romantique. L’Évangile selon Marie, composé au début du deuxième siècle, explique son statut élevé par son comportement exemplaire et par sa compréhension claire de la vision de Jésus. Selon cet Évangile gnostique, c’est Pierre qui demande à Marie : « Rapporte-nous les paroles du Sauveur que tu as en mémoire, celles que tu connais mais nous pas et que nous n’avons pas entendues. »
Marie alla peut-être à la rencontre de Jésus en raison de ses pouvoir de guérison. Selon l’Évangile de Luc (8:2), sept démons étaient sortis d’elle. Certains intellectuels croient que Marie Madeleine et Marie, la sœur de Marthe et de Lazare, pourrait en fait n’être qu’une seule et même personne, mais rien ne vient étayer cette affirmation. Marie, ou Myriam, était un prénom tout à fait répandu dans la Palestine du premier siècle. Étant donné le rôle essentiel que Marie Madeleine était destinée à jouer après l’épisode de la Passion, il n’y a pas de raison de ne pas la reconnaître comme une importante fidèle et disciple à part entière.
MYTHE DE LA FEMME DÉCHUE
Elaine Pagels, l’une des plus grandes spécialistes universitaires du corpus gnostique, croit que Marie Madeleine a fini par devenir l’illustration des tensions entre l’Église primitive et les chrétiens d’obédience gnostique. Dans de nombreux groupes gnostiques, les femmes étaient enseignantes, guérisseuses, voire prêtresses ; des fonctions qu’elles ne pouvaient pas forcément exercer au sein de l’Église primitive.
Avec le temps, certaines traditions ecclésiastiques commencèrent à présenter la Magdalène sous un jour peu flatteur et à l’appeler « la femme pénitente ». Il n’existe nulle indication dans les Évangiles que Marie Madeleine ait mené vie dissolue ou de péché, mais au troisième siècle déjà on l’avait entièrement assimilée à la femme anonyme de l’Évangile de Luc, la « femme pécheresse » qui mouille les pieds de Jésus de ses larmes et les sèche avec ses cheveux (Luc 7:38).
Au sixième siècle, le pape Grégoire Ier déclara Marie Madeleine « femme déchue », coupable d’« actes interdits » ; des attributs associés à la prostitution qui allaient peser sur elle pendant des siècles jusqu’au film La Passion du Christ. Ce n’est qu’en 1969 que le pape Paul VI sépara explicitement la figure de Marie-Madeleine du personnage de la « pécheresse » évoqué dans la Bible.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.
