Qui a tué Ramsès III ? Grâce à la science, nous avons enfin la réponse

La conspiration du harem royal pourrait ressembler à un épisode de Game of Thrones, opposant deux des fils du pharaon Ramsès III dans une lutte acharnée pour le pouvoir.

De Erin Blakemore
Publication 6 août 2024, 14:42 CEST

Ramsès III était l'un des plus grands pharaons de l'Égypte ancienne. Mais pendant des siècles, le mystère planait sur son supposé assassinat lors d'un complot fomenté par l'une de ses propres épouses. La découverte de la momie n'a fait qu'alimenter le mystère, jusqu'à ce que la technologie moderne n'intervienne pour résoudre cette ancienne affaire.

PHOTOGRAPHIE DE Brugsch Pasha, The Royal Mummies, University of Chicago

Des épouses conspiratrices. Des momies hurlantes. Et des siècles de spéculations. Depuis plus de 3 000 ans, des questions persistent sur ce qui a été nommé "conspiration du harem royal", un complot visant à tuer le pharaon égyptien Ramsès III vers 1155 avant J.-C.

Si l'intrigue liée à la succession du souverain ressemble à un épisode tout droit sorti de « Game of Thrones », la façon dont les archéologues ont élucidé cette affaire trois millénaires plus tard aurait tout à fait à sa place dans n'importe quelle série policière.

Les historiens savaient que cette conspiration avait opposé deux des enfants du pharaon, les enfants de Tyti et Tiyi. Mais les détails du complot, et surtout sa réussite éventuelle, sont restés l'une des affaires non résolues les plus intrigantes de l'histoire. Jusqu'à ce que l'archéologie moderne n'aide à la résoudre.

Qu'est-il vraiment arrivé à Ramsès III, pharaon d'un ancien empire condamné ? Voici comment les archéologues ont découvert la vérité sur la conspiration du harem, mettant un terme au suspens séculaire et montrant à quel point la vie au sein de la royauté égyptienne pouvait être brutale.

Portrait gravé sur bois et coloré à la main représentant le pharaon égyptien Ramsès III. Sous son règne, de 1186 à 1155 avant J.-C., l'Ancien Empire égyptien a dû faire face à des invasions, des conflits économiques et bien d'autres défis, ce qui a finalement conduit à sa chute.

PHOTOGRAPHIE DE North Wind Picture Archives, Alamy

QUAND UNE ANCIENNE AFFAIRE DE MEURTRE REFAIT SURFACE

Les souvenirs d'une conspiration dans le harem du pharaon Ramsès III s'étaient perdus avec le temps lorsque, au 19ᵉ siècle, des antiquaires européens arrivèrent en Égypte à la recherche d'anciens artefacts. Grâce à la pierre de Rosette, alors récemment traduite, ces proto-archéologues étaient impatients de traduire les hiéroglyphes et inscriptions anciennes.

La découverte, dans les années 1820, d'un papyrus judiciaire de plus de cinq mètres de long datant du 12ᵉ siècle avant J.-C., un document décrivant un complot contre le pharaon d'Égypte au sein de son propre harem royal, fut des plus intrigantes.

Acheté sur un marché local, le papyrus décrit le procès pour trahison qui a suivi le coup d'État manqué, pointant du doigt l'une des épouses de Ramsès III, Tiyi, et son fils Pentaour.

 

L'INTRIGUE DU HAREM

Comme les autres pharaons, Ramsès III avait une femme principale, Tyti, et un certain nombre de femmes secondaires qui vivaient ensemble dans le harem royal avec leurs enfants et serviteurs. Le harem était un symbole luxueux de l'influence et du pouvoir du pharaon, ainsi qu'un foyer d'activité politique, dont une grande partie est centrée sur les questions de dynastie et de succession.

Les femmes de Ramsès III portèrent de nombreux héritiers, donnant naissance à approximativement 100 enfants. Mais désigner un successeur s'avérait compliqué, car douze des enfants en lice pour le trône moururent avant le pharaon. En 1164 avant J.-C., un nouveau prince héritier mourut, laissant le plus jeune des fils de Tyti en lice pour le trône.

D'après le rouleau, Tiyi, en tant que femme secondaire, voulait que Pentaour monte sur le trône. Elle a donc demandé l'aide de nombreux membres du harem et de la maison royale, y compris d'autres épouses et le médecin personnel du pharaon.

Si le document énumérait bon nombre d'hommes accusés d'avoir participé à ce complot, une seule femme était mentionée : Tiyi. Le papyrus ne nous apprend pas si les conspirateurs réussirent à tuer Ramsès III, et les noms des accusés y sont déformés. Ces omissions et approximations ont conduit les chercheurs modernes à parler d'un « exercice de prudence ».

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    L'archéologue Susan Redford découvrit des preuves de la conspiration qui visait à renverser Ramsès III sur une illustration qui ornait les murs de sa tombe à Medinet Habu à Louxor, en Égypte.

    PHOTOGRAPHIE DE Michael Melford, Nat Geo Image Collection

    LE DERNIER GRAND PHARAON

    Les chercheurs savaient que ce coup d'État n'avait en rien changé l'ordre de succession : le fils de la femme principale de Ramsès III, Tyti, a succédé à son père. Ils ont donc supposé qu'il s'agissait d'une tentative ratée d'une épouse mineure pour faire pencher la balance du pouvoir en faveur de son fils.

    Mais des questions subsistent quant à l'issue réelle du coup d'État et à la manière dont Tiyi avait réussi à convaincre autant de fonctionnaires royaux de s'engager dans une tentative aussi dangereuse d'accéder au pouvoir. Et, si cela ne l'avait pas tué, les historiens se sont demandés si ce coup d'État aurait contribué à déstabiliser le règne de Ramsès III.

    Ramsès fut le plus puissant des hommes d'Égypte pendant son règne de 1186 à 1155 avant J.-C. Mais l'histoire voulut qu'il soit le dernier grand pharaon et que le fils qui lui succède, Ramsès IV, fils de Tyti, hérite d'un royaume affaibli. Sous le règne de Ramsès III, l'Égypte fit face à des invasions, à des difficultés économiques et à des problèmes domestiques, comme la première grève générale connue, qui a eu lieu parmi les constructeurs de tombes mécontents chargés de construire le lieu de repos exorbitant du pharaon. La conspiration du harem est-elle à l'origine de sa chute ?

    En 2012, une analyse ADN a révélé que la mystérieuse momie qui crie découverte dans le tombeau de Ramsès III lui était apparentée, ce qui a amené les chercheurs à conclure qu'il s'agissait du corps du prince conspirateur Pentaour.

    PHOTOGRAPHIE DE Brugsch Pasha, The Royal Mummies, University of Chicago

    LE TOMBEAU DE RAMSÈS III

    En 1886, des décennies après la découverte et la traduction du papyrus, des chasseurs de trésors ont découvert des preuves matérielles extraordinaires : le tombeau de Ramsès III.

    Cependant, dans un geste qui allait frustrer les futurs archéologues, les fouilleurs ne réussirent pas à documenter avec précision l'emplacement du pharaon dans le tombeau, qui contenait une variété d'autres momies. Ils perdirent ainsi des éléments cruciaux qui auraient pu donner une idée de la manière dont Ramsès III avait trouvé la mort. La momie identifiée comme étant celle de Ramsès III n'a pas non plus apporté de précision. Entourés de spectateurs impatients, les antiquaires ont immédiatement déballé Ramsès III, pour constater que le corps ne présentait aucune trace de blessure.

    Ce qui fut encore plus déroutant, c'est qu'une autre momie fut retrouvée enterrée à côté du pharaon : une momie plus petite dont le visage était contorsionné et qui semblait hurler. Contrairement aux autres momies de la tombe, dont les corps avaient été enterrés dans des vêtements de cérémonie et soigneusement embaumés, la petite momie avait été enveloppée dans une simple peau de mouton et elle était apparemment placée au hasard dans le tombeau, sans inscription indiquant son identité. Supposant que la mystérieuse momie hurlante ne pourrait jamais être identifiée, les historiens pensaient avoir résolu l'affaire. Il semblait alors que Ramsès III n'ait pas été tué par les conspirateurs, et le complot a été considéré comme une vaine tentative d'une épouse mineure d'exercer son pouvoir au sein du harem royal.

    Les progrès de la technologie archéologique n'ont pas permis d'en savoir plus : lorsque les chercheurs ont utilisé une machine à rayons X pour prendre des images du pharaon dans les années 1960, ils n'ont trouvé aucun signe d'assassinat. Mais l'archéologue Susan Redford, intriguée par l'histoire, a proposé en 2002 une nouvelle version de la conspiration grâce à une nouvelle enquête sur les œuvres d'art du tombeau de Ramsès III.

    Redford s'est rendu compte que plusieurs reliefs sur les murs du tombeau montraient les héritiers de Ramsès III. Mais un relief montrait une constellation différente de princes, ce que Redford a interprété comme un signe du prestige de Pentaour et du statut royal de sa mère, Tiyi. Si Tiyi avait été une reine et non une épouse secondaire, son fils aurait été un prétendant plus crédible au trône, ce qui expliquerait le long mystère sur la manière dont un personnage mineur a pu rassembler un groupe de co-conspirateurs aussi important.

     

    REMISE EN LUMIÈRE D'UNE AFFAIRE NON RÉSOLUE

    Les reliefs ont peut-être clarifié les raisons de la tentative de coup d'État. Mais ce meurtre vieux de 3 000 ans est resté une affaire non résolue jusqu'à ce que les méthodes de l'archéologie médico-légale s'améliorent suffisamment pour justifier un nouvel examen des momies. L'occasion s'est finalement présentée en 2012, grâce à une tomodensitométrie et à une analyse ADN réalisées par une équipe internationale de chercheurs.

    Le nouveau scanner a révélé que les organes abdominaux de Ramsès III avaient été remplacés par des figurines d'Horus, le dieu égyptien associé à la guérison, et des amulettes d'Horus placées dans son cou et autour de ses pieds. Mais ce n'est pas tout : le cou de Ramsès III a été tailladé jusqu'à l'os, ce qui suggère qu'il ait été assassiné. De plus, Ramsès III avait un ADN similaire à celui de la momie non identifiée qui semblait crier, ce qui a amené les chercheurs à penser qu'il s'agissait du corps du prince conspirateur Pentaour.

    Alors, qu'est-il arrivé à Tiyi, la reine disgraciée à l'origine du coup d'État au harem qui eut des conséquences terribles ? Aucune momie de Tiyi n'ayant jamais été retrouvée, Redford pense qu'elle fut punie par l'ultime disgrâce pour une ancienne Égyptienne : l'exécution par le feu.

    « C'est à peu près le pire destin imaginable pour un ancien Égyptien », a expliqué Peter Gwin dans un épisode du podcast Overheard de National Geographic. « Une oblitération totale. Pas de corps, pas de vie après la mort ». Ce serait une fin brutale pour une femme dont on ne connaitra jamais les motivations, mais dont l'acte de trahison a contribué à mettre fin à la vie du dernier grand pharaon.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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