Jeanne Grey, histoire d'une adolescente devenue Reine d'Angleterre (pendant neuf jours)

Une nouvelle génération découvre le destin brisé de Jeanne Grey, ou Lady Jane en anglais, qui fut reine d'Angleterre un peu plus d'une semaine avant son exécution à l'âge de dix-sept ans.

De Erin Blakemore
Publication 17 oct. 2024, 16:39 CEST

Portrait de Jeanne Grey, qui régna sur l'Angleterre pendant 9 jours en 1554. Il s'agit de l'un des plus anciens tableaux connus de la jeune reine, alors qu'il n'a été peint qu'une quarantaine d'années après sa mort.

PHOTOGRAPHIE DE CBW, Alamy Photos

Pastiche historique ou sulfureux feuilleton royal ? La série My Lady Jane joue sur les deux tableaux et même si elle prend ses distances avec l'Histoire, elle n'en est pas moins parvenue à introduire une nouvelle génération au destin brisé de Jeanne Grey, ou Lady Jane en anglais, qui fut reine d'Angleterre un peu plus d'une semaine avant son exécution à l'âge de 17 ans.

Qui était Lady Jane et pourquoi son règne désastreux trouve-t-il encore écho de nos jours ? Voici l'histoire d'une adolescente devenue reine et destituée en l'espace de quelques jours funestes de l'an 1553.

 

UN TRÔNE CONVOITÉ

À la mort du roi Henri VIII en 1547, son fils Édouard VI lui succéda à tout juste 9 ans. Dans l'attente de sa majorité, le pouvoir fut confié à un conseil de régence. Jeanne Grey, la nièce du roi Henri VII, est alors du même âge qu'Édouard, son cousin. À sa naissance, Jeanne était quatrième dans l'ordre de succession et devint donc troisième prétendante au trône au couronnement d'Édouard, après ses cousines Marie et Élisabeth, filles de Henri et demi-sœurs d'Édouard.

Au sein du conseil, chaque membre tentait d'asseoir son influence sur Édouard, considéré comme un souverain chétif et malléable. Lorsque Jeanne et Édouard entrèrent dans l'adolescence, le pouvoir était entre les mains de John Dudley, duc de Northumberland.

En tant que premier conseiller du roi, Dudley était incontestablement l'homme le plus puissant d'Angleterre. Il était également prévu qu'il devienne le beau-père de Jeanne.

 

QUI ÉTAIT JEANNE GREY ?

L'adolescente était exceptionnellement instruite pour une jeune femme de son époque. Polyglotte et douée tant pour les œuvres académiques que domestiques, son image était celle d'une femme pieuse, studieuse et charismatique. Pourtant, son avenir ne lui laissait aucun choix : comme toutes les autres filles de la noblesse, elle allait devoir se soumettre à un mariage arrangé pour consolider un pouvoir et offrir du prestige à sa famille.

Lady Jane Grey peinte par Frederick Richard Pickersgill dans les années 1800, plusieurs siècles après sa mort.

PHOTOGRAPHIE DE The Fine Art Society, London, Bridgeman Images

Jeanne fut ainsi promise par ses parents à Guilford Dudley, fils du duc de Northumberland, et leur mariage eut lieu en 1553, alors qu'elle n'avait que 16 ans. Bien que les récits historiques diffèrent, Jeanne se serait farouchement opposée à cette union et une source indique même que son père l'aurait battue jusqu'à résignation.

Entretemps, le roi Édouard était tombé gravement malade et c'est au seuil de sa mort que le duc de Northumberland décida de jouer avec ses peurs : si Marie, une catholique, accédait au pouvoir, elle détruirait l'Église d'Angleterre, sans oublier que Marie et Élisabeth risquaient toutes deux d'épouser des étrangers, ce qui entraînerait la dilution du pouvoir de la couronne britannique. Il n'en fallait pas plus pour convaincre Édouard de les évincer de la ligne de succession, faisant ainsi de la belle-fille du duc, Jeanne, la première prétendante au trône.

En dépit des querelles visant la légalité de cet arrangement, Jeanne fut donc nommée héritière du roi Édouard et à la mort de ce dernier, le 6 juillet 1553, elle devint reine d'Angleterre.

 

REINE SOUS LA CONTRAINTE

L'annonce fut une surprise pour Jeanne, qui avait apparemment été exclue des arrangements préalables. Alors que les hommes s'agenouillaient autour d'elle en signe d'allégeance, elle raconta plus tard « leur avoir déclaré son incompétence » et « s'être longuement lamentée. »

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    Cette gravure symbolise la réticence de Lady Jane Grey à accepter la couronne qui lui est remise dans la résidence du duc de Northumberland, Syon House, dans l'ouest de Londres.

    PHOTOGRAPHIE DE Photography by Walker Art Gallery, Alamy Photo

    Prise de panique et en état de choc, Jeanne se prépara à rejoindre la Tour de Londres, où résidaient les souverains avant leur couronnement officiel. Le 10 juillet, une barge royale l'emmena donc vers sa nouvelle résidence.

    Tel un mauvais présage, l'ambassadeur de l'Empire romain à la cour britannique, Jehan Scheyfve, fit le récit suivant de l'événement : « Personne ne montrait signe de réjouissance et on n’entendit aucun spectacteur s’écrier : "Longue vie à la Reine !" ».

    La nouvelle reine semblait terriblement bouleversée par son accession au trône et il fallut la convaincre de coiffer la couronne. Dans un geste qui semblait refléter son horreur à l'idée de voir le duc s'emparer du pouvoir à travers son mariage, Jeanne refusa d'autoriser le couronnement de son fils Guilford en tant que roi consort sans l'approbation du Parlement, une initiative qui ne manqua pas de rendre furieux le duc de Northumberland.

     

    DU TRÔNE À LA PRISON

    En quelques jours, Marie fit dépêcher une armée à Londres afin de détrôner Jeanne. Bien que le duc tenta dans un premier de temps de lever une armée en son nom, le conseil royal de Jeanne préféra battre en retraite, laissant l'adolescente et les derniers de ses partisans comme prisonniers de la Tour de Londres. Pendant ce temps, le maire de Londres déclara Marie reine.

    Finalement, le père de Jeanne alla la trouver dans la tour et lui demanda d'abdiquer, en déclarant qu'elle « devait se défaire de sa tenue royale. » Ce à quoi Jeanne aurait répondu : « Je m'en défais plus volontairement que je m'en suis vêtue. »

    À peine neuf jours s'étaient écoulés entre l'avènement de Jeanne à la Tour de Londres et son renoncement à la couronne le 19 juillet 1553. Malgré son entière coopération, Jeanne était déjà marquée du sceau de la mort.

    Marie entra dans Londres, triomphante, pour s'emparer du trône alors que le duc de Northumberland s'enfuyait pour essayer de sauver sa tête. Il fut arrêté et ramené à la Tour, où il alla rejoindre Guilford et ses autres fils en prison. Il fut décapité pour trahison peu de temps après, malgré une ultime tentative de s'attirer les faveurs de Marie en se convertissant au catholicisme.

    En prison, Jeanne écrivit à Marie pour lui expliquer les événements qui avaient mené à son accession au trône, s'excuser d'avoir accepté la couronne et implorer la reine légitime de lui laisser la vie. Dans cette lettre, Jeanne se présentait comme un pion sur l'échiquier de la convoitise, manipulé par ses parents et ses beaux-parents, en se disant « stupéfaite et choquée » de la façon dont elle avait été précipitée sur le trône.

     

    L'EXÉCUTION DE JEANNE GREY

    Jeanne semblait avoir convaincu Marie de l'épargner, même après qu'elle et Guilford eurent été reconnus coupables de trahison. Malheureusement, la bonté de la nouvelle reine vola en éclat lorsque le père de Jeanne participa à une révolte de courte durée en opposition à l'union de Marie et d'un roi espagnol. Jeanne et Guilford furent tous deux condamnés à mort.

    L'exécution de Lady Jeanne Grey, peinte par Paul Delaroche en 1833.

    PHOTOGRAPHIE DE Bridgeman Images

    Jeanne aurait pu échapper à la mort en se convertissant au catholicisme, mais elle s'y refusa. Elle refusa également une dernière rencontre à son époux, qu'elle avait finalement appris à aimer, en évoquant « la souffrance et la douleur » qu'aurait provoquées une telle rencontre et lui assura qu'ils seraient bientôt liés à jamais dans la mort.

    Le 12 février 1554, Jeanne fut exécutée peu après son mari. « Je viens ici pour mourir », aurait-elle déclaré à l'assemblée dans ses derniers instants, non sans avoir confessé sa culpabilité, lu une prière et imploré le bourreau d'aller vite en besogne. Ainsi perdit la tête Jeanne Grey, victime de l'ambition, de la cupidité et de l'éternelle lutte pour la couronne.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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