La première reine noire d'Angleterre ? La véritable histoire de la Reine Charlotte

Tandis que les historiens débattent du fait que Charlotte de Mecklembourg-Strelitz ait pu être la première reine noire de Grande-Bretagne, un spin-off de la série Bridgerton, diffusé sur Netflix, montre que l’intérêt pour sa vie est plus fort que jamais.

De Erin Blakemore
Publication 15 juil. 2024, 09:15 CEST
Ce portrait du peintre écossais Allan Ramsay représentant la reine Charlotte en habits de couronnement a ...

Ce portrait du peintre écossais Allan Ramsay représentant la reine Charlotte en habits de couronnement a suscité une question : était-elle la première reine noire de Grande-Bretagne ? Aujourd’hui encore, plusieurs siècles après son règne, le débat fait rage.

PHOTOGRAPHIE DE Image via ART Collection, Alamy Stock Photo

En 1761, à la vue du palais londonien où elle allait désormais vivre, Sophie-Charlotte de Mecklembourg-Strelitz, qui n’avait alors que 17 ans, pâlit. Dans quelques heures à peine, elle serait faite reine de Grande-Bretagne et d’Irlande. Et pourtant, elle n’avait jamais mis les pieds en Angleterre, ni rencontré son futur époux.

Ce qui se passa ensuite est digne de l’histoire royale, et a fait l’objet d’une série : La Reine Charlotte : Un Chapitre Bridgerton. Cette mini-série diffusée sur Netflix romance la vie de la jeune allemande timide destinée à régner sur la Grande-Bretagne, et qui aurait été la première reine noire du pays. Mais qui était vraiment la reine Charlotte ?

 

COMMENT CHARLOTTE EST DEVENUE REINE DE GRANDE-BRETAGNE

Née en 1744 à Mecklembourg-Strelitz, ancien duché situé dans le nord de l’Allemagne, la princesse eut une enfance banale au sein de ce que d’autres membres de l’aristocratie européenne considéraient comme une principauté médiocre et provinciale. Fatalité qui finit toutefois par jouer en sa faveur lorsqu’un lointain prince devint roi.

Juste au-dessous de ce portrait roval de Charlotte de Mecklembourg-Strelitz, on peut apercevoir les initiales du ...

Juste au-dessous de ce portrait roval de Charlotte de Mecklembourg-Strelitz, on peut apercevoir les initiales du couple royal : « G » pour Georges et « C » pour Charlotte. D’après les historiens, malgré la timidité initiale de la reine, le couple eut un mariage heureux.

PHOTOGRAPHIE DE Image By Johann Esaias Nilson via BTEU, RKMLGE, Alamy Stock Photo

En 1760, à la mort de son grand-père, Georges III devint roi d’Angleterre, et son statut de célibataire devint un sujet de préoccupation nationale. Georges avait besoin d’une épouse, et vite, ainsi que l’avaient décidé ses conseillers qui se mirent désespérément en quête d’une princesse protestante pour partager sa vie et lui donner un héritier.

Charlotte était une inconnue et on la pensait dépourvue d’accointances politiques comme d’ambitions. Les conseillers de Georges y virent un avantage, eux qui voulaient que les intérêts britanniques prévalent après le mariage du roi. Ainsi, en 1761, bien que Georges n’eût jamais rencontré Charlotte, un émissaire alla la demander en mariage au nom du roi. Le mariage arrangé eut lieu six heures à peine après l’arrivée de la princesse en Angleterre.

Ne parlant pas l’anglais et n’ayant jamais rencontré son mari avant le jour de son mariage, Charlotte n’en était pas moins désormais reine de Grande-Bretagne et d’Irlande. Tout le monde voulait saluer le nouveau couple royal : durant leur couronnement, une telle foule de partisans se massa qu’il fallut deux heures pour que leur procession effectue le trajet les séparant de l’abbaye de Westminster. Bientôt, Charlotte eut son premier enfant, une fille. Elle donna naissance à quinze enfants en tout.

 

LA REINE CHARLOTTE ET LE ROI GEORGES S’AIMAIENT-ILS VRAIMENT ?

Aux dires de tous, le roi et la reine eurent un mariage exceptionnellement heureux, et Georges III fut un père et un mari dévoué. Mais la vie à la cour s’avéra difficile pour Charlotte, qui se querellait avec sa belle-mère au sujet des règles formelles de l’aristocratie britannique et qui trouvait épuisant le fait qu’on attende d’elle qu’elle donne une telle abondance d’héritiers. « Je ne crois pas qu’un prisonnier puisse désirer plus ardemment sa liberté que je ne souhaite me débarrasser de mon fardeau », écrivit-elle après avoir donné naissance à son quatorzième ou son quinzième enfant.

Bien qu’en proie à l’ennui et au confinement de la vie de cour, Charlotte eut des manières bien à elle de faire face aux attentes écrasantes inhérentes à sa nouvelle position. L’année qui suivit son mariage, Georges lui acheta une vaste propriété de campagne appartenant aux ducs de Buckingham. Buckingham House, désormais Buckingham Palace, fut surnommée la « maison de la reine » et elle y vécut dans un cadre domestique confortable, lisant, brodant et jouant du clavecin.

Elle avait en commun avec son mari l’amour de la botanique et des plantes. L’intérêt de ce dernier pour l’agriculture lui valut d’ailleurs le surnom « Farmer George » (Georges le Paysan).

 

LA « FOLIE » DU ROI GEORGES

Mais le bonheur du couple fut de courte durée. En 1765, George fut frappé par une crise psychique si grave que ses ministres proposèrent que Charlotte monte sur le trône tant que le roi ne serait pas en état de gouverner.

Ce dernier eut beau guérir rapidement, il connut rechutes après rechutes. On dut se rendre à l’évidence, ses troubles n’allaient pas se dissiper. Le roi souffrait de manie, de dépression, d’hallucinations et de convulsions et, selon les historiens, il s’en serait pris à des membres de sa famille et en aurait même agressé sexuellement certains.

Ces accès dévastèrent la reine. « Une sorte de terreur secrète a presque terrassé la reine », écrivit Francis Burney, un des domestiques de Charlotte, en 1788. « Je n’ai pas les mots pour exprimer à quel point je suis ému en sa présence, à la vue des efforts qu’elle fait pour continuer de paraître sereine ». Avec le temps, ces accès se transformèrent en épisodes prolongés et le roi fut isolé et vécut même en réclusion.

À cause de la stigmatisation sociale et du manque de connaissances sur les maladies mentales, il fut presque impossible de venir en aide au roi « fou » ou, pour ses aidants et ses proches, de lui apporter un soutien aujourd’hui considéré comme si essentiel.

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    PHOTOGRAPHIE DE Image By Richard Earlom, via National Museums in Berlin, Art Library, Anna Russ

    Ce fut finalement le fils de Charlotte, George (futur George IV), qui monta sur le trône en tant que régent. Son époux fut quant à lui malade jusqu’à la fin de ses jours. En 1789, les cheveux de la reine étaient « devenus blancs à cause du stress provoqué par la maladie du roi ». Quand Charlotte mourut en 1818, son mari était si malade qu’il ne parvint pas à comprendre que sa femme n’était plus.

     

    CHARLOTTE FUT-ELLE VRAIMENT LA PREMIÈRE REINE NOIRE DE GRANDE-BRETAGNE ?

    De nos jours, on se souvient de Charlotte pour sa loyauté et pour sa figure d’épouse tragique que l’on associe à la maladie mentale du roi. Mais certains considèrent qu’elle est remarquable pour une autre raison. En effet, selon eux, elle aurait été la première reine noire ou métis de Grande-Bretagne. Depuis des décennies, les historiens s’écharpent pour savoir si les liens ancestraux de Charlotte avec l’aristocratie portugaise signifient qu’elle avait la peau hâlée.

    Ceux qui croient qu’elle avait une ascendance noire le font sur la foi de portraits qui montrent ce qu’ils décrivent comme des traits « africains » et ils affirment que si d’autres portraits de l’époque montrent une reine à la peau claire, c’est pour cacher son ascendance afin de se conformer aux idéaux de beauté eurocentriques de l’époque. Mais selon d’autres, l’ascendance dont il est question est si lointaine qu’elle n’a probablement eu aucun effet sur son apparence. Ce serait plutôt, affirment-ils, les conceptions ethno-raciales actuelles qui conduiraient à la croyance selon laquelle Charlotte était noire.

    Puisqu’il est impossible de savoir à quoi Charlotte ressemblait vraiment, le débat ne cessera probablement jamais. De même que l’intérêt du public pour la vie de Charlotte, ainsi que le prouve la nouvelle mini-série de Netflix ; qui a gagné des fans, charmé la critique et attiré une attention nouvelle sur la vie tragique de la reine. « C’est de la fiction inspirée de faits réels », comme le dit la narratrice Julie Andrews dans la série.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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