Le navire retrouvé en 1995 au large de la Caroline du Nord était bien celui de Barbe Noire
L’épave découverte en 1995 a été officiellement identifiée quelques années plus tard : il s'agissait bien du navire de Barbe Noire, redoutable pirate du 18e siècle.
Après des années d’incertitudes, les autorités ont confirmé en 2017 que l’épave du navire retrouvée au large des côtes de Caroline du Nord était bien celle du redoutable pirate du 18e siècle, Barbe Noire.
Le Queen Anne’s Revenge (« la vengeance de la reine Anne ») s’échoua sur un banc de sable à proximité de Beaufort en 1718, neuf ans après la création de la ville. Barbe Noire et son équipage y auraient abandonné le navire et auraient survécu. Jusqu’à la fin des années 2010, le Département des ressources culturelles de la Caroline du Nord prenait soin de préciser que l’épave, découverte en 1995, « était probablement » le Queen Anne’s Revenge.
Après examen complet des éléments, il est désormais possible d'affirmer qu’il s’agit bien là du navire de l’un des pirates les plus féroces et les plus hauts en couleur de l’histoire.
« Il n’y a pas eu un moment de grande révélation », a expliqué Claire Aubel, coordinatrice des relations publiques des musées maritimes de Caroline du Nord. « Il y a eu une succession de découvertes et une déduction évidente, tirée des différents indices. »
Deux preuves essentielles comme l’envergure de l’épave ainsi que les nombreuses armes découvertes dans les décombres, ont permis d’ôter les doutes de l’équipe. Selon Claire Aubel, on ne connaît aucun autre navire de cette taille qui naviguait dans la région à cette époque et seul un bateau pirate pouvait être à ce point armé.
LE BUTIN DÉCOUVERT SUR L'ÉPAVE MÈNE TOUT DROIT À BARBE NOIRE
En l’espace de quelques années, Barbe Noire a joui d’une infâme réputation, sévissant dans la mer des Caraïbes et au large des côtes de l’Amérique coloniale. Il a trouvé la mort en 1718, lors d’une bataille contre des navires britanniques dans la baie de Pamlico en Caroline du Nord.
Le règne de Barbe Noire a duré deux longues années. Avec son équipage, il a terrorisé les marins traversant l'Océan Atlantique et la mer des Caraïbes de 1716 à 1718. Ils surprenaient les navires marchands et leurs passagers à l'aube du crépuscule, quand leur bateau pirate ne se détachait plus de l'horizon.
Les pirates commençaient le plus souvent par choisir le drapeau d'un pays, qu'ils hissaient au pavillon pour se faire passer pour un navire ami. S'approchant du navire visé, il ne changeaient leur drapeau pour celui de Barbe Noire qu'au dernier moment, comme pour annoncer l'attaque.
La plupart des navires marchands se rendaient sans combattre quand ils apercevaient le drapeau de Barbe Noire. Si le navire refusait de se rendre après plusieurs sommations, les pirates se lançaient à l'abordage. Leur première cible était le marin tenant le gouvernail. Puis le navire à la dérive était harponné et tiré vers le navire pirate. Ils sautaient alors à bord du navire ennemi. À la fin de l'envoi, les pirates prenaient les passagers en otage et pillaient les cabines à la recherche d'or, d'argent et de bijoux.
Ces scènes de pillage se sont répétées, répétées et répétées encore pendant deux ans. Certains historiens le soupçonnent d'avoir délibérément fait couler le navire afin de s’emparer du précieux butin.
Depuis le début des fouilles en 1997, le trésor a permis aux archéologues de relier l’épave à Barbe Noire. Parmi les principaux artefactsmis au jour se trouvent :
- des poids d’apothicaire estampillés de minuscules fleurs de lys, symbole de la royauté française du 18e siècle. Le Queen Anne’s Revenge était à l’origine en effet un navire français, Le Concorde, dont Barbe Noire s’est emparé en 1717. Ce dernier a forcé le chirurgien du Concorde à rejoindre l’équipage des pirates : à cette époque, il est fort probable qu’un chirurgien ait possédé des poids d’apothicaire ;
- une petite quantité d’or découverte au milieu de plombs. Selon les archéologues, un membre d’équipage français pourrait avoir dissimulé de l’or dans un canon afin que les pirates de Barbe Noire ne le découvrent pas ;
- une cloche gravée de l’année 1705.
L’IDENTITÉ DU NAVIRE DE BARBE NOIRE NE FAISAIT AUCUN DOUTE
D’après Erik Goldstein, conservateur des arts et de la numismatique (l’étude des pièces de monnaie et billets de banque) auprès de la Colonial Williamsburg Foundation de Virginie, cette limitation de responsabilité quant à l’identification de l’épave était plus due au strict respect de l’examen scientifique qu’à de sérieux doutes sur l’identité du navire. Les archéologues étudiant l’épave ont toujours été certains de son identité.
Les autorités « ont juste pris des mesures de sécurité », a affirmé Erik Goldstein. « Au début d’une excavation, à moins de découvrir quelque chose tel qu’une cloche de navire dont le nom est gravé dessus, il faut un certain temps pour reconstituer le puzzle et rassembler toutes les preuves. C’était tout à fait responsable de procéder ainsi. »
« Deux raisons ont permis d’ôter les doutes officiels qui planaient sur l’identité de l’épave », a ajouté David Moore, conservateur en charge de l’archéologie sous-marine au musée maritime de Caroline du Nord situé à Beaufort.
D’une part, le musée a quelques temps après lancé l’exposition intitulée « Le Queen Anne’s Revenge de Barbe Noire » qui regroupe de nombreux artefacts issus du navire. Si l’identité du navire n’avait pas été confirmée, les conservateurs auraient dû intituler l’exposition « Artefacts du supposé Queen Anne’s Revenge », a-t-il expliqué.
D’autre part, l’abandon des précautions officielles pourrait permettre au musée d’obtenir des financements privés et d’ainsi poursuivre les fouilles de l’épave, a ajouté le conservateur. L’État débloque certes des fonds mais les budgets amoindris pourraient bénéficier de l'apport financier de généreux mécènes.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise en 2017. Il a été mis à jour par l'équipe de rédaction française.