Non, le marathon n'a pas été inventé en Grèce
La plupart d’entre nous pensent que cette course a été inspirée par un messager grec de l'Antiquité qui aurait couru 42 kilomètres pour annoncer la victoire de son peuple contre les Perses. Détrompez-vous !
Selon la légende, le messager grec Phidippidès serait arrivé à Athènes en 490 avant J.-C. en apportant la nouvelle d'une incroyable victoire sur les Perses, inspirant ainsi l'idée du marathon que l'on connaît aujourd'hui. Cette histoire est ici illustrée. Le problème avec cette dernière, c’est qu’elle ne s’est jamais produite.
Interrogez la plupart des gens sur les origines du marathon, une course de 42,195 kilomètres, et vous entendrez probablement parler de Phidippidès. Ce messager grec de l’Antiquité aurait couru cette distance depuis la ville de Marathon jusqu’à Athènes afin d’annoncer la victoire des Grecs dans une bataille décisive contre les Perses, avant de mourir sur place. La légende raconte que les Grecs auraient ajouté un « marathon » aux Jeux olympiques antiques en l’honneur du héraut.
La véritable histoire est toutefois beaucoup plus complexe. D’où le marathon tire-t-il son nom et pourquoi tout ce que vous avez pu entendre sur cette course est probablement faux ?
DES ORIGINES ANTIQUES ?
Tout d'abord, présentons les faits : durant l’Antiquité existait bel et bien un homme grec qui s'appelait Phidippidès et qui travaillait comme messager pendant la guerre contre les Perses en 490 avant J.-C. Selon l'historien antique Hérodote, la course du messager fut épique. Phidippidès ne venait toutefois pas annoncer la victoire lors de la bataille de Marathon mais tentait de rassembler des troupes dans le but de repousser les Perses. Hérodote écrivit que le messager parcourut la distance incroyable de 246 kilomètres entre Athènes et Sparte en trente-six heures.
Est-il vrai qu’un messager grec s'effondra et mourut d'épuisement immédiatement après avoir couru jusqu'à Athènes pour annoncer la déroute des envahisseurs perses lors de la bataille de Marathon ? C’est la scène que représente cette statue. Les récits historiques, en revanche, sont beaucoup moins catégoriques.
Cette quête fut fructueuse : les Athéniens gagnèrent, repoussant les Perses. Outre cet incroyable exploit athlétique, il n’est pas mentionné que Phidippidès ait annoncé la nouvelle de la victoire ou qu’il ait succombé après cela. Les sources ne s'accordent d’ailleurs pas sur le nom du messager qui la transmit : il s’agirait de Thersippe ou bien Euclès. En l'an 347, Plutarque rapporta ceci : « la plupart disent que c'était Euclès, qui, courant avec son armure encore chaude de la bataille, ne put seulement dire "Réjouissez-vous ! Nous sommes victorieux !", puis expira immédiatement. »
La légende de Phidippidès annonçant la victoire de Marathon semble être née près de mille ans plus tard, au 19e siècle, dans un célèbre poème de Robert Browning. Il écrivit que le messager courut vers Athènes, déclarant « Réjouissez-vous, nous vainquons ! », et mourut.
Aucune course des Jeux olympiques antiques ne fut cependant inspirée par l’un de ces hommes. Bien que certaines épreuves furent des courses à pied, il s’agissait de distances plus courtes, dont l’unité de mesure était le stade, déterminée par la longueur du stade d'Athènes. La course la plus longue n'était que de 24 stades, soit environ 4,6 kilomètres. Cela ne signifie pas pour autant que celle-ci était facile : les historiens indiquent qu'au cours d'une compétition au moins, les coureurs étaient revêtus d'une armure d’un peu moins de 30 kilogrammes.
LES VÉRITABLES ORIGINES DU MARATHON
D’où le marathon tire-t-il donc son nom et à quoi correspond la distance qui le caractérise ? Les coureurs peuvent remercier le linguiste français Michel Bréal et sa connaissance des lettres classiques.
Dans les années 1890, ce dernier participa au premier congrès olympique lors duquel fut créé le Comité International Olympique (CIO). Celui-ci proposa une série de compétitions internationales inspirées des Jeux antiques ayant lieu tous les quatre ans et étant accueillies par les pays participants tour à tour. La Grèce organisait depuis des années ses propres Jeux olympiques mais le CIO souhaitait les officialiser en tant que compétition entre nations.
Les courses à pied, illustrées sur ce vase par le peintre d’Euphiletos, figurent parmi les premières épreuves connues des Jeux olympiques de la Grèce antique. Cependant, celles-ci n'étaient probablement pas aussi longues que le marathon moderne.
Michel Bréal suggéra que l'une des épreuves soit une course à pied entre Marathon et Pnyx, où les Athéniens de l'Antiquité tenaient leurs plus célèbres assemblées, représentant une distance d’un peu moins de 40 kilomètres. « Voyez si nous pouvons organiser une course de Marathon au Pnyx », écrivit-il. « Cela rappellera l’Antiquité. »
Cette idée enthousiasma les organisateurs. Lors des Jeux d'été de 1896 à Athènes, c’est Spyrídon Loúis qui remporta la course, offrant ainsi la victoire à la Grèce. L’athlète grec s'abreuva d’alcool pour se donner le courage de surmonter cette course éreintante au cours de laquelle il s'effondra au moins une fois.
Ce n'est qu'en 1908 que la course fut rallongée à 42,195 kilomètres par déférence à l’égard de la famille royale britannique. Les Jeux olympiques eurent lieu à Londres cette année-là et le kilométrage fut allongé de manière arbitraire afin que le roi Édouard VII et la reine Alexandra puissent facilement voir la ligne d'arrivée depuis la loge royale.
Le coureur américain John Hayes, futur médaillé d'or, traverse Londres lors des Jeux olympiques de 1908. C'était la première année que la distance à parcourir pendant les marathons était étendue à 42,195 kilomètres.
Le vainqueur présumé de ce marathon plus long, le pâtissier italien Dorando Pietri, serait tombé cinq fois d'épuisement pendant la course. Sa victoire fut contestée en raison de l'assistance qu'il reçut des responsables présents sur place, craignant qu'il ne meure en présence des membres de la famille royale. Ce fut donc le coureur américain John Hayes, arrivé en deuxième position, qui fut déclaré vainqueur. La rudesse de cette arrivée rendit les deux hommes extrêmement célèbres. Depuis lors, la course se déroule toujours sur 42,195 kilomètres.
LE MARATHON DE NOS JOURS
Depuis, les marathons n'ont cessé de gagner en popularité. Le premier événement américain de ce type se tint à Boston en 1897. Celui de New York, bien qu'il n’ait eu lieu que près d'un siècle plus tard, en 1970, est aujourd'hui le plus important du pays.
Les femmes, exclues de la plupart des marathons jusque dans les années 1970, excellent désormais dans leurs propres épreuves, tout comme les personnes en situation de handicap. Entre-temps, les ultra-marathons et autres courses sont devenues de plus en plus prisées, la course à pied n’ayant de cesse de se développer. Si le mot « marathon » ne trouve pas son origine dans la mort d'un messager, l’attrait pour cette discipline n'est pas près de s’essouffler.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.