Le plus grand casse de l’histoire de la piraterie a eu lieu dans l'océan Indien

Les noms de ces pirates ne sont peut-être pas très connus de nos jours, mais les richesses qu’ils ont dérobées à l’Empire moghol et à la Compagnie britanniques des Indes orientales sont entrées dans la légende.

De Jamie L. H. Goodall
Publication 18 déc. 2024, 10:32 CET
"Avery Chasing the Great Mogul's Ship", gravure en couleurs, vers 1890.

"Avery Chasing the Great Mogul's Ship", gravure en couleurs, vers 1890.

PHOTOGRAPHIE DE Illustration via Peter Newark Historical Pictures, Bridgeman Images

Des pirates européens parcoururent les littoraux d’Amérique du Nord, d’Afrique de l’Ouest et d’Amérique du Sud durant l’âge d’or de la piraterie, ainsi que l’on appelle la période de forte activité pirate dans l’océan Atlantique entre 1650 et 1730. Nombreux sont les boucaniers comme Barbe Noire ou le capitaine Kidd qui se firent alors connaître pour leurs exploits dans les Caraïbes, entre autres choses. 

Mais à la fin du 17e siècle et au début du 18e, certains pirates délaissèrent la région pour lui préférer les latitudes de l’océan Indien, attirés qu’ils étaient par les navires chargés de trésors, d’or, d’argent et de pierres précieuses qui longeaient le littoral est-africain. Leurs actes malveillants donnèrent naissance à un autre âge d’or de la piraterie plus méconnu qui, d’une certaine manière, se poursuit aujourd’hui encore. Qui étaient ces pirates et comment cet aspect moins célèbre de la piraterie se manifesta-t-il ?

 

L’APPÂT DU GAIN

Dès les années 1690, l’océan Indien fourmillait de navires marchands transportant régulièrement des cargaisons de grande valeur. Ces convois acheminaient souvent des musulmans en pèlerinage et des produits de luxe tels que des soies et des épices entre l’Empire moghol (qui englobait l’Inde actuelle) et la Mecque. Là, transitaient également les trésors des Compagnies des Indes britannique, française et néerlandaise ; les vaisseaux voyageant vers l’orient transportaient de l’argent pour financer des activités dans la région, tandis que ceux qui faisaient le chemin inverse étaient chargés de soies, de bijoux et d’épices. Cependant, les navires les plus convoités appartenaient à l’empereur moghol Aurangzeb, qui régna sur son empire d’Asie du Sud de 1658 à sa mort en 1707.

Les pirates y virent la promesse de richesses faramineuses – l’or, l’argent et les pierre précieuses étaient bien plus profitables que le bois, le rhum et les étoffes des Caraïbes – et affluèrent en masse vers l’est.

Les ruines d'un cimetière de pirates situé sur l'île Sainte-Marie, au large de Madagascar.

Les ruines d'un cimetière de pirates situé sur l'île Sainte-Marie, au large de Madagascar.

PHOTOGRAPHIE DE jalvarezg, iStock, Getty Images

ARRIVÉE À SAINTE-MARIE

À leur arrivée, les pirates eurent besoin d’un port sûr où ils pourraient radouber leurs navires et échapper aux tempêtes mais aussi profiter de leurs butins. Cet endroit devint Madagascar, à 400 kilomètres des côtes africaines, et l’île Sainte-Marie, située au nord-est de son littoral reculé, son bastion le plus célèbre. Les Malgaches avaient jusqu’alors réussi à repousser les Européens qui avaient jeté leur dévolu sur cette île stratégiquement située sur des routes commerciales navales reliant l’Europe à l’Asie.

Puis ce fut au tour du « négociant » anglais Adam Baldridge d’arriver. Recherché pour meurtre en Jamaïque anglaise, il fuit à Sainte-Marie, assujettit ses habitants (à n’en pas douter en employant des méthodes cruelles) et y installa un havre de pirates en 1691. Il commença à faire affaire illégalement avec un marchand de New York auquel il donnait des butins en échange de marchandises européennes comme du tabac et de la nourriture, créant ainsi un réseau économique prospère permettant de soutenir le mode de vie des pirates.

Adam Baldridge fit ériger un bastion à la fortification remarquable sur l’île Sainte-Marie, ce qui permit à plus d’un millier de pirates d’y trouver refuge dans les années 1690 et de vivre une confortable vie sous le signe du rhum, des femmes et de la sécurité… entre deux rafles.

 

PIRATES : SUCCESS STORIES

Le pirate anglais John Taylor et son homologue français Olivier Levasseur dit « La Buse » furent deux des pirates européens de l’océan Indien qui firent le plus florès. En 1721, les deux écumeurs attaquèrent ensemble le Nossa Senhora de Cabo. Ce navire, qui transportait des passagers de marque comme l’archevêque de Goa ou le comte d’Ericeira, vice-roi de l’Inde portugaise, ainsi que des diamants d’une valeur de 500 000 livres sterling, des soies asiatiques rares et de la porcelaine valant 375 000 livres sterling, avait subi des dégâts en mer et était à quai sur l’île de la Réunion pour être réparé. Les deux hommes capturèrent sans mal le vaisseau et repartirent avec un butin de plus de 900 000 livres sterling. Le récit de tels exploits encouragea les pirates à rôder dans l’océan Indien en quête de navires à piller.

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    PHOTOGRAPHIE DE Illustration via Peter Newark Historical Pictures, Bridgeman Images

    Henry Avery fut un autre pirate au succès retentissant. L’Anglais fit ses débuts en tant que membre d’équipage d’un navire marchand avant de devenir second sur le Charles II, navire de corsaires au service du roi d’Espagne. À bord du Charles II, Avery convainquit les autres hommes de se mutiner et de filer avec le navire. La mutinerie connut une réussit phénoménale et vit Henry Avery faire vœu de piraterie : « Je vais à Madagascar, avec le Dessein de bâtir ma propre Fortune ». Il renomma le navire Fancy, le modifia pour qu’il vogue plus rapidement et mis les voiles en direction de l’est. Avery, le roi des pirates, ne fut actif que durant deux années, mais il mena ce qui fut peut-être le raid le plus lucratif de l’histoire de la piraterie.

     

    LE PLUS GRAND CASSE DE L’HISTOIRE DE LA PIRATERIE

    En juillet 1695, une rumeur annonça que la flotte du Grand Moghol d’Inde était en train de revenir de son pèlerinage annuel à la Mecque. Henry Avery s’associa à d’autres pirates, parmi lesquels Thomas Tew, corsaire de Rhode Island reconverti. Ils attendirent plusieurs semaines avant que leur gros lot n’approche : le Fateh Muhammed et le Ganj-i-Sawai. Les pirates commencèrent par s’en prendre au Fateh Muhammed, l’escorte du vaisseau amiral. Ils ne rencontrèrent que peu de résistance et firent main basse sur 50 000 à 60 000 livres sterling, mais ils n’allaient pas se contenter de si peu. Henry Avery se mit à la poursuite du vaisseau amiral, le redoutable Ganj-i-Sawai, protégé par soixante-deux canons et des centaines de mousquetaires. Une bataille sanglante eut lieu, qui vit le capitaine apeuré se réfugier sous un pont et les Indiens rescapés se rendre. Le butin du Ganj-i-Sawai était constitué de centaines de milliers de kilos d’or, d’argent et de bijoux qui vaudraient de nos jours des dizaines de millions de dollars ; peut-être la prise la plus faramineuse de l’Histoire.

    Hélas, les choses prirent une tournure défavorable pour Thomas Tew et son équipage. Ce dernier trouva la mort lors de l’assaut des navires et Henry Avery ne daigna pas laisser plus d’une modeste fraction du butin aux autres pirates. Telle était la vie de forban.

     

    LA FIN D'UNE ÉPOQUE 

    À la fin du 18e siècle, avec la colonisation de l’océan Indien par les Européens, les pirates eurent davantage de difficultés à agir dans la région mais ils ne disparurent jamais complètement. Le 21e siècle n’est pas avare en exemples de piraterie dans l’océan indien, en particulier au large des côtes somaliennes.

    Cet article est en partie extrait de l’ouvrage Pirates de Jamie L.H. Goodall. Copyright ©2021 National Geographic Partners, LLC. Pour en savoir plus, procurez-vous un exemplaire de Pirates, disponible dans les points de vente habituels.

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