Pourquoi avons-nous si peur du vendredi 13 ?
Découvrez comment le vendredi 13 est devenu synonyme de malchance et comment les personnes non superstitieuses ont été influencées par notre triskaïdékaphobie collective.
Le jour le plus effrayant du mois est de retour. Le vendredi 13.
En 2017, il y a eu deux vendredis 13 : le 13 janvier, plutôt banal, et le 13 octobre, assez effrayant. Cette année, deux vendredis 13 sont également au programme, un en avril et l'autre en juillet. Malgré le temps qui passe et les nombreux vendredis 13 que nous avons vécu, cette date fatidique ne cesse de nous inspirer malaise et craintes de malheurs.
Il n'est tout simplement pas logique d'appréhender une date et un jour en particulier. Mais le vendredi 13 peut toujours avoir des conséquences visibles, conséquences que nous créons parfois nous-même, pour le meilleur ou pour le pire.
UNE QUESTION DE SUPERSTITION ?
Jane Risen, spécialiste du comportement à l'Université de Chigago Booth School of Business, révèle que même les personnes qui ne sont pas superstitieuses peuvent être influencées par les superstitions. Dans une étude, Jane a découvert que les personnes superstitieuses comme celles qui ne l'étaient pas pensaient que quelque chose de négatif avait plus de chances de leur arriver si elles se jouaient de la chance, comme par exemple affirmer que quelqu'un n'aura jamais d'accident de voiture.
« En général, cela se produit parce que l'issue négative nous vient à l'esprit et que nous l'imaginons avec plus de précision à la suite d'un malheur », explique-t-elle. « Il nous est facile d'imaginer quelque chose, et donc nous considérons que cela est un indicateur de sa probabilité ».
Le vendredi 13, ce raisonnement est encore plus répandu. « Même si je n'y crois pas pas, parce que le vendredi 13 existe, je pense qu'il est possible que quelque chose arrive », a déclaré Jane Risen. D'ailleurs, lorsque des évènements banaux se produisent ce jour-là, nous avons tendance à les remarquer.
« Cela nourrit notre intuition, et rend les supertitions plus réelles, même lorsque nous reconnaissons qu'elles sont infondées. »
Heureusement, l'étude de Jane Risen révèle également qu'il est possible de conjurer le sort en touchant du bois ou en jetant du sel par-dessus son épaule pour se débarrasser de sa mauvaise étoile. La scientifique a ainsi découvert que certaines personnes ont recours à ces méthodes même si elles n'y croient pas vraiment, et que les personnes superstitieuses comme les autres en ont ressenti les bénéfices.
« Les personnes superstitieuses pensent qu'il ne leur arrivera rien si elles touchent du bois », a précisé Jane Risen. « Il semblerait que ce rituel les aide à gérer leurs craintes ».
D'après Rebecca Borah, professeure d'anglais à l'Université de Cincinnati, être conscient de ces superstitions pourrait aider à faire comprendre l'existence d'un certain ordre dans ce monde de hasard et d'inquiétudes incontrôlables.
« Lorsqu'il y a des règles et que vous les connaissez, tout semble plus simple », a-t-elle déclaré à National Geographic en 2014. Le vendredi 13, « nous ne faisons rien d'effrayant, ou nous vérifions à plusieurs reprises s'il y a assez de carburant dans le réservoir de la voiture par exemple ».
« Ce jour-là, certaines personnes ne quittent même pas leur domicile, mais si ce n'est pas la meilleure option car la plupart des accidents ont lieu chez nous ».
UNE ORIGINE RELIGIEUSE
D'où vient cette peur du vendredi 13 ?
Il est difficile de déterminer avec précision les origines et l'évolution d'une superstition. Mais pour Stuart Vyse, professeur de psychologie au Connecticut College à New London, notre peur du vendredi 13 pourrait avoir un lien avec la religion, et plus précisément avec le 13e invité de la Cène, Judas, qui aurait trahit Jésus, et la crucifixion de ce dernier le vendredi, connu sous le nom du Vendredi Saint.
Ensemble, ces deux éléments ont produit une « sorte de malchance à la puissance deux lorsque le 13e jour du mois tombe sur un jour déjà maudit », a expliqué Stuart Vyse en 2014. Certains spécialistes de la Bible pensent même qu'Êve a tenté Adam avec le fruit interdit un vendredi et que Caïn a tué son frère Abel un vendredi 13.
Bizarrement, en Espagne, cette association du vendredi et du numéro 13 n'est pas synonyme de peur. C'est plutôt le mardi 13 qui est considéré comme une date des plus dangereuses.
L'origine de cette triskaïdékaphobie serait encore plus ancienne selon certains experts. Pour Thomas Fernsler, scientifique associé en politique au Mathematics and Science Education Resource Center de l'Université de Delaware à Newark, le chiffre 13 pâtit de sa position, puisqu'il est situé juste après le 12.
Le 12 est considéré comme un nombre « complet » par les numérologues. Il y a 12 mois dans l'année, 12 signes du zodiaque, 12 dieux de l'Olympe, 12 travaux d'Hercule, 12 tribus d'Israel et 12 apôtres.
Par conséquent, c'est parce qu'il « est incomplet que le numéro 13 est associé à la malchance. Le 13 devient donc inquiétant ou insaisissable », a-t-il remarqué en 2013.
Les Italiens quant à eux ne craignent pas le vendredi 13 mais le vendredi 17. Voici l'explication des numérologues : les chiffres romains XVII peuvent être replacés pour écrire « VIXI », qui signifie en latin « ma vie est finie ».
UN HASARD AUX CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES
Même si les superstitions comme la peur de passer sous une échelle, des chats noirs ou des nombres « malchanceux » sont arbitraires, elles sont terriblement tenaces.
« Une fois qu'elles font partie de notre culture, nous avons tendance à les honorer », a expliqué en 2013 Thomas Giloich, professeur de psychologie à l'Université Cornell d'Ithaca, New York. « En les ignorant, vous avez l'impression de provoquer le destin ».
Alors que certaines personnes serrent les dents ou sont nerveuses toute la journée, par détermination ou par nécessité, d'autres agissent vraiment d'une façon différente le vendredi 13.
Interrogé en 2013 par National Geographic, Donald Dossey, historien du folklore et fondateur du Stress Management Center and Phobia Institute aujourd'hui décédé, avait souligné que certains individus pouvaient refuser de voyager ou d'agir selon une recommandation, voire d'acheter une maison. Et cela a des conséquences négatives sur l'activité économique.
« À chaque vendredi 13, c'est une perte de 650 à 730 millions d'euros pour l'économie parce que les gens ne prennent pas l'avion ou ne travaillent pas de la même manière qu'un jour normal », a déclaré Donald Dossey.
Ce qui est ironique, c'est que les personnes qui cèdent à leurs peurs superstitieuses risquent de passer à côté d'une journée dans un monde un peu moins dangereux. En 2008, une étude menée par le Dutch Centre for Insurance Statistics a révélé qu'il y avait moins d'accidents un vendredi 13 comparé aux autres vendredis. Les incendies et les vols sont aussi moins nombreux.
Cette journée du vendredi 13 avril sera bientôt finie. Les plus superstitieux d'entre nous vont pouvoir se détendre. Jusqu'en juillet...