Porto Rico, la plus vieille colonie du monde
De crises en luttes, Porto Rico traîne une histoire complexe et sa population n'a jamais existé hors du contrôle d’un pouvoir étranger.
Des touristes grimpent sur un tank américain rouillé sur la plage de Flamenco de l’île de Culebra, au large de la côte est de Porto Rico. Culebra et sa voisine, Vieques, ont servi de terrain pour tester des armes et pour des exercices militaires, respectivement jusqu’en 1975 et 2003.
Cette plage avec un tank, Flamenco, figure parmi les dix plus belles du monde. En la photographiant sous cet angle, j’essaye, en tant que Portoricain, de défendre un point de vue. Certes, l’endroit est splendide, mais il a aussi une histoire complexe que les habitants comme les visiteurs doivent comprendre.
Quand j’étais à l’école, à San Juan, une bonne partie de notre histoire était passée sous silence : Christophe Colomb a « découvert » ces îles, les Taïnos ont été décimés ; les États-Unis « en sont venus » à prendre possession de Porto Rico, puis les Portoricains sont devenus citoyens américains en 1917 ; en 1951, il y a eu un référendum, notre Constitution a été écrite, et nous vivons heureux depuis. Vous voyez ce que je veux dire. Ce n’est qu’après m’être penché plus avant sur ces épisodes que beaucoup d’injustices dont j’étais le témoin ont commencé à prendre sens.
Porto Rico est tenu pour être la plus vieille colonie du monde. Le terme légal désignant notre statut est celui de « territoire », mais cette terre a été entièrement façonnée par le colonialisme et les conflits. Il faudra ainsi des années pour finir d’éliminer les munitions des îles de Vieques et de Culebra, stigmates de décennies d’essais militaires américains.
Les Taïnos exceptés, nous n’avons jamais existé hors du contrôle d’un pouvoir étranger – nous sommes citoyens, oui, mais sans droits politiques pleins et entiers – et, aujourd’hui, nous devons nous débattre avec ce passé. Il y a beaucoup de discussions au sujet de l’avenir politique de Porto Rico, des mesures d’austérité sur lesquelles les Portoricains n’ont aucun droit de vote, de la gentrification et des déplacements de populations, en particulier depuis la pandémie. Une grande part de mon travail consiste à éduquer les gens et à leur permettre de mieux comprendre qui nous sommes – et vers quoi nous pourrions éventuellement tendre.
En s’emparant de Guánica, dans le sud-ouest de Porto Rico, en 1898, le général américain Nelson Miles a ouvert le second chapitre de l’histoire coloniale de l’île. Le drapeau ci-dessus aurait été remis à des badauds après l’arrivée du premier navire américain.
Díaz Maisonet, artiste pluridisciplinaire, participe à une manifestation culturelle à Loíza, sur la côte nord-est de Porto Rico. La ville date du XVIe siècle et de l’arrivée des premiers Africains sur l’île. Depuis quelques années, les habitants de la région, comme de nombreux autres Portoricains, acceptent plus ouvertement leurs héritages africain et indigène.
Cacimar Cruz Crespo replie un drapeau du militant indépendantiste José Rafael « Fefel » Varona après une cérémonie du souvenir, à San Juan. Varona organisa des manifestations contre la campagne de recrutement pour la guerre du Viêt Nam. Il est toutefois mort au Nord Viêt Nam en 1968, lors d’un raid aérien américain.
Ian Pagán Roig gère une ferme familiale dans les montagnes entourant Toa Alta, dans le nord de l’île, et le projet El Josco Bravo. Ce programme d’enseignement des pratiques agricoles durables ambitionne d’aider une nouvelle génération de fermiers à réhabiliter des terres pour produire un complément aux importations.
Martín Díaz Veguilla, un fondateur du groupe culturel indigène Concilio Taíno, est mort en février dernier. Les Taïnos, décimés par les colons espagnols, ont laissé leurs traces sur des sites archéologiques et dans l’ADN de nombreux Portoricains.