Qui était vraiment Macrin, empereur nord-africain de l’Empire romain ?
Dans le film Gladiator II, Denzel Washington incarne Macrin, empereur romain à l’histoire captivante.
Macrin (Marcus Opellus Macrinus), empereur romain qui régna de 217 à 218, vit le jour à Césarée de Maurétanie (actuelle Cherchell, en Algérie).
Né dans ce qui est aujourd’hui l’Algérie, Marcus Opellius Macrinus fut l’un des rares empereurs romains originaires d’Afrique.
Désormais, son nom est aussi celui d’un personnage du film Gladiator II. Incarné par Denzel Washington, ce personnage se fraye son propre chemin jusqu’au pouvoir dans les tribunaux et arènes traîtres de la Rome du troisième siècle.
L’empereur du même nom vécut lui aussi au troisième siècle, mais avait un profil différent. En effet, il connut une ascension soudaine qui le vit quitter l’anonymat pour devenir l’homme le plus puissant de l’Empire. Son ascension météoritique montre la diversité du monde romain antique et prouve que l’ethnicité ou le lieu de naissance n’étaient pas des obstacles à l’accès au pouvoir.
L’HISTOIRE DE MACRIN COMMENCE DANS L’AFRIQUE DU NORD ROMAINE
Macrin vit le jour en l’an 165 de notre ère, à Césarée de Maurétanie, ville côtière de la province romaine de Maurétanie. Riche capitale provinciale, celle-ci était semblable à d’autres villes prospères d’Afrique romaine, comme Alexandrie et Leptis Magna.
Du fait de la conquête par Rome de villes et de régions telles que Carthage ou l’Égypte, l’Afrique du Nord faisait partie intégrante de l’Empire. Les Romano-Africains voyageaient parfois jusqu’aux confins de l’Empire. En étudiant les restes d’une femme de l’élite romaine qui avait été enterrée à York, en Angleterre, des archéologues ont par exemple découvert qu’elle venait (ou que ses ancêtres venaient) d’Afrique du Nord. Cette découverte illustre toute l’interconnexion, toute la diversité et tout le cosmopolitisme du monde romain.
En effet, les Romano-Africains faisaient partie de quasiment toutes les classes sociales, ils étaient aussi bien esclaves que soldats stationnés en Bretagne romaine, savants ou commerçants. En 193, Septime Sévère, né en actuelle Lybie, devint d’ailleurs le premier empereur romain né en Afrique.
Le racisme contemporain ne faisait pas partie de la vie romaine, mais les Romains n’en soulignaient quand même pas moins leurs différences, ils promouvaient certains stéréotypes et nourrissaient des préjugés. Ils considéraient que les différents groupes culturels et ethniques étaient bien distincts les uns des autres et qu’ils avaient leurs propres caractéristiques innées.
Macrin ne cachait pas son africanité. Selon l’historien antique Dion Cassius, il avait même l’oreille percée, fait que l’érudit attribuait à une coutume des habitants de sa région.
La famille de Macrin semble avoir fait partie de l’ordre équestre, la classe des chevaliers romains. Sa famille était selon les mots de l’historien « obscure », ce qui souligne son statut banal au sein de la hiérarchie impériale.
C’étaient les familles sénatoriales, comme les Julii et les Claudii, qui détenaient les clés de l’Empire, et non les familles telles que celle de Macrin. Chacun des empereurs que Rome connut avant Macrin venait de cette classe, soit parce qu’il y était né, soit parce qu’il l’avait intégrée.
DES PROVINCES À LA GARDE PRÉTORIENNE
De nombreux détails de la jeunesse de Macrin nous sont inaccessibles, mais nous savons qu’il reçut une formation juridique avant d’officier à divers postes administratifs des bas échelons de la garde prétorienne.
En 212, sous l’empereur Caracalla, Macrin fut promu commandant de la garde prétorienne, poste qui en fit l’un des hommes les plus puissants de Rome. À la fois agents secrets et gardes du corps impériaux, les prétoriens avaient assez littéralement le pouvoir de faire ou de défaire un empereur.
De par ses ingérences politiques constantes, cette force changea le destin de l’Empire. En l’an 41 de notre ère, la garde prétorienne ourdit un complot et assassina Caligula. Un siècle plus tard, en 193, elle apporta son soutien au plus offrant des divers prétendants au trône et finit par aider Dide Julien à diriger l’Empire quoique son règne fût de courte durée.
L’EMPEREUR CARACALLA CIBLE MACRIN
En 217, Macrin se joignit à la campagne de Caracalla contre l’Empire parthe en Asie centrale.
Ayant eu vent d’une prophétie selon laquelle Macrin lui succèderait en tant qu’empereur, Caracalla ne lui accordait pas une confiance entière. Impopulaire et brutal, il savait comment se débarrasser de ses rivaux. En effet, en l’an 211, il avait déjà fait assassiner son propre frère, Geta. Et désormais, il ne se préoccupait plus que de Macrin.
Macrin savait qu’il devait frapper le premier et organisa vraisemblablement l’assassinat de Caracalla. Alors qu’il voyageait pour se rendre dans un temple de l’actuelle Turquie, l’empereur fut poignardé à mort par un garde lors d’une halte en bord de route pour se soulager. Le garde fut rapidement tué et personne ne fut donc en mesure de l’interroger, ni d’établir s’il avait agi sur ordre de quelqu’un.
Selon Hérodien, historien du troisième siècle, Macrin ne voulait pas avoir l’air d’un usurpateur. Il fit donc respectueusement incinérer l’empereur damné et fit parvenir ses cendres à sa mère.
MACRIN EMPEREUR
Caracalla hors-jeu, Macrin n’attendit pas qu’on le couronne empereur. Il s’empara bien plutôt de ce titre lui-même. Peu semblèrent y avoir quoi que ce soit à redire ; on était soulagé d’être débarrassé de l’impitoyable et irascible Caracalla.
Macrin tenta de faire figure de souverain clément. En ce temps, la discipline militaire pouvait se manifester par la décimation, pratique qui consistait à tuer un soldat sur dix. Selon Hérodien, Macrin défendit la centimation, soit l’exécution d’un soldat sur cent.
Selon Hérodien, cette posture n’était qu’une façade. Il accusa Macrin d’essayer d’imiter Marc Aurèle, empereur stoïcien largement aimé et admiré. L’étalage stoïcien de Macrin était superficiel, peste Hérodien, car Macrin « se vautrait dans d’infinis luxes […] tout en négligeant la conduite de l’Empire ».
Certains accusèrent même le souverain d’être incompétent. Dion Cassius affirma que l’empereur était « moins habile dans la connaissance des lois que fidèle dans leur application ».
Les habitants de Rome lui reprochèrent également son statut équestre. Dans le même temps, ils s’opposèrent à son absence de Rome, car en effet il n’y revint jamais après l’assassinat de Caracalla.
Mais surtout, Macrin perdit petit à petit le soutien de l’armée. Ses membres avaient honte qu’il ait accepté la paix avec la Parthie. Le ressentiment à son égard s’amplifia lorsqu’il décida de réduire le salaire des nouvelles recrues afin d’économiser de l’argent.
MACRIN, EMPEREUR RATTRAPÉ PAR SES PÉCHÉS
Personne n’exécrait plus Macrin que la famille de Caracalla qui cherchait désespérément à récupérer le pouvoir. À cette fin, Julia Maesa, tante de l’empereur assassiné, entreprit de propager une rumeur : son petit-fils de 14 ans, Héliogabale, était le fils illégitime de Caracalla ; le pouvoir lui revenait donc de droit.
Cela ne déplut pas à certains soldats, à qui ne déplaisait pas non plus l’argent de Julia Maesa. Bientôt, ils se rallièrent à l’adolescent et, en mai 218, ils le proclamèrent empereur.
Avec un soutien en berne, les jours de Macrin étaient comptés. Julia Maesa et Héliogabale se révoltèrent contre lui et le vainquirent lors de la bataille d’Antioche. Il fut traqué et mis à mort, après à peine plus d’un an de règne.
L’histoire de Macrin, fils d’une famille provinciale devenu homme le plus puissant de l’Empire, ne commença pas au même endroit que la vaste majorité des empereurs romains. Cependant, il connut une mort tout aussi violente que nombre d’entre eux avant lui et après lui.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.