Les survivants de la bombe atomique racontent leur histoire

La photographe Haruka Sakaguchi rend hommage aux survivants des bombes larguées sur Hiroshima et Nagasaki il y a près de 80 ans.

De Yuki Miyamoto
Publication 21 juil. 2023, 17:48 CEST
Left: Minoru Moriuchi (80*) Right: Kumiko Arakawa (92)

À gauche : Minoru Moriuchi (80 ans*)

NAGASAKI • À 4,8 KILOMÈTRES DE L'HYPOCENTRE DU BOMBARDEMENT

« Le matin du 9 août 1945, j'étais perché au sommet d'un kaki géant dans notre jardin, en train d'attraper des cigales », raconte Minoru Moriuchi. C’est alors que « le soleil a explosé ».

 

À droite : Kumiko Arakawa (92 ans)

NAGASAKI • 2,9 KILOMÈTRES 

Kumiko Arakawa, décédée en 2019, a perdu ses deux parents et ses quatre frères et sœurs dans le bombardement. « À 20 ans, j'ai subitement dû subvenir aux besoins des membres de ma famille qui avaient survécu », avait-elle alors déclaré.

 

*Âge des personnes en 2017, année où les portraits ont été pris.

PHOTOGRAPHIE DE Photographs by HARUKA SAKAGUCHI

Quand les États-Unis larguèrent des bombes atomiques sur le Japon en août 1945, la population fut déchiquetée, brûlée et pulvérisée. Des débris et des cendres retombèrent sous forme de chutes radioactives appelées « pluies noires ». La chaleur extrême des explosions déclencha de gigantesques incendies qui poussèrent les rescapés à se réfugier dans les rivières, où beaucoup finirent noyés. 

À la fin de l'année, le nombre de victimes d'Hiroshima et de Nagasaki s'élevait à plus de 200 000 morts. Et les choses n’allèrent pas en s’arrangeant : de nombreux survivants succombèrent des suites de l’exposition aux radiations et certains de leurs enfants souffrirent de pathologies liées aux radiations. En japonais, le terme hibakusha désigne les « survivants de la bombe atomique » ; considérant les préjudices durables de l'exposition aux radiations, mieux vaudrait peut-être parler de « victimes de la bombe atomique ».

Sachiko Matsuo (83)

Sachiko Matsuo (83 ans)

NAGASAKI • 1,2 KILOMÈTRE

« La paix est notre priorité numéro un », écrit ici en japonais Sachiko Matsuo. Dans le cadre de son projet, la photographe Haruka Sakaguchi a demandé à des survivants de la bombe atomique, ou hibakusha, d'écrire un message aux générations futures. Les traductions en anglais de tous ces messages, des témoignages complets et des récits d'autres hibakusha sont consultables sur le site 1945project.com.

PHOTOGRAPHIE DE Haruka Sakaguchi

Ma mère avait six ans lors du bombardement d’Hiroshima et se trouvait à la maison, à un kilomètre de l'hypocentre (la zone d’impact majeure de la bombe). C’est du moins ce qu’il me semble. Elle ne m'a jamais parlé de ce jour-là, et je ne me suis jamais risquée à la questionner car j’avais peur de me retrouver confrontée à sa vulnérabilité. J'ai été témoin des souffrances de ma mère tout au long de sa vie : maladie de Ménière quand elle avait trente ans, injections pour augmenter sa quantité de globules rouges quand elle en avait quarante, cancers multiples à la cinquantaine. Elle est décédée à l'âge de 62 ans. Ma tante m'a dit plus tard que ma mère aurait pu se trouver encore plus près de l'hypocentre, dans une école primaire où sont morts des centaines d'enfants.

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    Mon grand-père est mort de la forme grave d’une maladie due aux radiations. Ma grand-mère est morte d'un cancer du poumon. Ma cousine, dont la mère était à Hiroshima ce jour-là, a développé une maladie auto-immune qui l'a emportée quand elle avait une cinquantaine d’années. Je suis heureuse d’avoir atteint 50 ans. Je n’aurais jamais imaginé survivre si longtemps.

    Conscients des terribles conséquences des bombes atomiques, de nombreux hibakusha prêchent pour la paix. Leur souhait s'est partiellement réalisé le 22 janvier 2021 lorsque le traité des Nations unies sur l'interdiction des armes nucléaires est entré en vigueur, même si ni les États-Unis ni le Japon ne l'ont ratifié.

    Fujio Torikoshi (86)

    Fujio Torikoshi (86 ans)

    HIROSHIMA • 1.9 KILOMÈTRE

    Âgé de 14 ans lorsque la bombe a frappé, Torikoshi était devant sa maison et cherchait du regard les avions qu’il avait entendus passer. Il a alors aperçu un unique point noir qui a explosé en « une boule de lumière aveuglante qui a envahi tout l’espace », a-t-il déclaré dans son témoignage. Il a ressenti une vague de chaleur intense sur son visage, a été balayé d’un coup sec et s'est évanoui. Lorsqu'il a repris conscience, il a essayé d'arrêter la sensation de brûlure en s'immergeant dans l'eau, ce qui n'a fait qu'aggraver la situation. Ses blessures étaient si graves qu'il ne pensait pas survivre au-delà de 20 ans. Il a pourtant vécu plusieurs décennies de plus, avant de s'éteindre en 2018. « La vie est un curieux trésor », a-t-il écrit (ci-dessus). « Nous ne pouvons pas continuer de sacrifier des vies précieuses à la guerre », a-t-il ajouté. « Tout ce que je peux faire, c'est prier, avec ardeur et sans relâche, pour la paix dans le monde. »

    PHOTOGRAPHIE DE Haruka Sakaguchi

    Je raconte les souvenirs des hibakusha lors des cours universitaires que je dispense ainsi qu’à l’occasion de voyages pédagogiques au Japon. La photographe Haruka Sakaguchi s'est rendue au Japon en 2017 à la rencontre d’hibakusha prêts à partager leurs expériences pour les conserver dans son projet documentaire 1945

    Exploratrice National Geographic, Sakaguchi rend hommage à cette communauté qui disparait peu à peu, à travers des portraits, des témoignages et des messages aux générations futures. Je lui suis reconnaissante pour son travail, qui sert notre objectif commun : faire en sorte que cette atrocité et le sort de ces personnes ne tombent pas dans l'oubli.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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