Depuis quand paye-t-on des impôts ?

Les impôts existent depuis des millénaires. Et les divers gouvernements ont toujours trouvé de nouvelles façons de collecter leur dû, que ce soit en taxant les céréales, les hommes portant la barbe ou les balles en caoutchouc.

De Rédaction National Geographic
Publication 16 avr. 2024, 10:04 CEST

Grâce aux entrées détaillées de la Matricula de Tributos, les historiens savent exactement comment les Aztèques payaient leurs impôts au début du 16e siècle.

PHOTOGRAPHIE DE History and Art Collection, Alamy Stock Photo

Chaque année en avril, l’arrivée du printemps est signalée par le chant des oiseaux, les boutons de fleur et… les déclarations d’impôts. Et celles-ci existent depuis des millénaires.

Au fil des siècles, les gouvernements du monde entier ont prélevé des impôts sur toutes sortes de choses, comme l’urine ou le fait de porter la barbe par exemple. Les fonctionnaires acceptaient leur paiement en bières, en lits ou même en balais. L’argent ainsi collecté servait ensuite à financer des projets et des services publics, comme les pyramides de Gizeh ou les légions romaines.

 

LES PREMIERS IMPÔTS

Les impôts existaient déjà avant l’apparition des pièces de monnaie. Ils pouvaient s’appliquer à presque tout et être payés avec quasiment n’importe quoi. Une adaptabilité qui a donné lieu à des moyens de paiement très étranges en Mésopotamie. Ainsi, le montant d’une taxe sur l’inhumation s’élevait à « 7 fûts de bières, 420 miches de pain, 2 boisseaux d’orge, une cape en laine, une chèvre et un lit, vraisemblablement pour le corps », rapporte Tonia Sharlach, historienne à l’université d’État de l’Oklahoma. « Vers 2000-1800 av. J.-C., un homme a payé son impôt avec 18 880 balais et 6 bûches », ajoute-t-elle.

Comprendre : l'Ancienne Égypte

La comptabilité créative de ces paiements en nature a aussi permis à certains de tromper le percepteur. « Il y a cet homme qui affirmait ne rien posséder d’autre que des meules extrêmement lourdes et qui a payé son impôt avec. »

 

DÉCLARATIONS FISCALES À L’ÉPOQUE DES PHARAONS

L’Égypte antique a été l’une des premières civilisations à créer un système fiscal organisé. Celui-ci a été établi vers 3000 av. J.-C., peu de temps après l’unification de la Basse-Égypte et de la Haute-Égypte par Narmer, premier pharaon d’Égypte.

Les premiers chefs égyptiens étaient très impliqués dans la collecte des impôts. Ils se rendaient aux quatre coins du pays avec leur cour pour évaluer la valeur des biens de leurs sujets (huile, bière, céramique, bétail et récolte) afin de prélever les impôts. Cet évènement annuel a par la suite été baptisé Shemsu Hor (Les Suivants d’Horus). Les impôts collectés sous l’Ancien Empire égyptien ont financé la construction d’importants projets civiques, tels la construction des pyramides de Gizeh.

Au cours de ses 3 000 ans d’existence, le système d’imposition de l’Égypte antique a évolué, se complexifiant avec le temps. Sous le Nouvel Empire (1539-1075 av. J.-C.), les fonctionnaires trouvèrent le moyen de taxer les citoyens sur ce qu’ils avaient gagné avant même qu’ils ne perçoivent cet argent, grâce à une invention appelée nilomètre, qui permettait de calculer le niveau du Nil lors de sa crue annuelle. Le montant des impôts diminuait si le niveau de l’eau était trop faible, puisque cela était annonciateur de sècheresse et de mauvaises récoltes. Au contraire, si le niveau du Nil était élevé, la récolte s’annonçait bonne et les impôts étaient augmentés.

 

AMNISTIE FISCALE EN INDE

Dans l’Inde de l’Empire maurya (vers 312-185 av. J.-C.), un concours d’idées était organisé chaque année avec, à la clé, une amnistie fiscale pour le vainqueur. « Le gouvernement demandait aux citoyens des idées pour résoudre ses problèmes », explique Tonia Sharlach. « Si votre solution était retenue et mise en œuvre, vous bénéficiez d’une exemption fiscale à vie », ajoute-t-elle. Le voyageur et écrivain grec Mégasthène décrit cette étonnante pratique dans son livre intitulé Indica.

Mais comme la plupart des efforts de réforme fiscale, le système était loin d’être parfait, souligne l’historienne. « Le hic, c’est que les citoyens n’avaient aucun intérêt à résoudre plus d’un problème ».

 

UN IMPÔT SUR L’URINE À ROME

Si l’empereur romain Vespasien, qui a régné de 69 à 79 apr. J.-C., n’est pas aussi connu qu’Auguste ou encore Marc Aurèle, il a eu le mérite d’apporter une certaine stabilité à l’empire pendant une période troublée, en partie grâce à un impôt novateur sur l’urine des citoyens.

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    Une statue de l’empereur Vespasien, connu pour avoir créé un impôt sur le commerce romain d’urine, domine les thermes romains de Bath, en Angleterre.

    PHOTOGRAPHIE DE travelbild, Alamy

    L’ammoniaque était un produit de valeur dans la Rome antique. Elle permettait notamment d’enlever la saleté et la graisse des vêtements. Les tanneurs l’utilisaient pour fabriquer du cuir ; les paysans comme fertilisant. Certaines personnes l’employaient même pour blanchir leurs dents. Cette ammoniaque était issue de l’urine humaine, en grande partie récupérée dans les toilettes publiques de Rome. Comme tout produit de valeur, le gouvernement s’est dit qu’il fallait le taxer.

    De riches Romains, y compris le propre fils de Vespasien, Titus, se sont opposés à cet impôt sur l’urine. Selon l’historien Suétone, Titus aurait déclaré à son père qu’il trouvait l’impôt révoltant, ce à quoi Vespasien aurait répondu « Pecunia non olet » (L’argent n’a pas d’odeur).

     

    DES LISTES DÉTAILLÉES CHEZ LES AZTÈQUES

    À son apogée aux 15e et 16e siècles, l’Empire aztèque était riche et puissant grâce aux impôts. L’historien Michael E. Smith, qui a étudié son système de perception des impôts, l’a trouvé remarquablement complexe. Il repose sur différents types d’objets prélevés à différents niveaux administratifs.

    Toutes les taxes prélevées parvenaient à l'organe central du gouvernement aztèque, la Triple Alliance, qui inscrivait les sommes perçues dans des registres très bien tenus. Un grand nombre de ces registres existent encore aujourd'hui, le plus célèbre étant le coloré Matrícula de Tributos, rempli de pictogrammes indiquant le nombre exact de peaux de jaguar, de pierres précieuses, de balles de caoutchouc, de lingots d'or, de textiles, et la quantité exacte de maïs, de cacao, de miel et de sel que le gouvernement collectait chaque année.

     

    Le tsar Pierre 1er a essayé de rendre la Russie plus « moderne » en forçant les hommes à se raser la barbe ou à payer à un impôt. S’ils ne le payaient pas, la police pouvait les raser de force, comme on peut le voir sur ce dessin datant du 18e siècle.

    PHOTOGRAPHIE DE Ann Ronan Pictures, Print collector, Getty Images

     

    LA TAXE RUSSE SUR LES BARBES

    Bien que l'utilisation généralisée des pièces et de la monnaie ait permis un nivellement des systèmes fiscaux, les dirigeants n'hésitaient pas à recourir à une fiscalité musclée pour parvenir à leurs fins. En 1698, le tsar réformateur russe Pierre le Grand, cherchant à faire ressembler la Russie aux nations « modernes » d'Europe occidentale (où les hommes ne portaient pas la barbe, contrairement aux Russes) décida de créer un impôt sur la barbe.

    Tout homme russe qui souhaitait se laisser pousser la barbe devait payer un impôt : les paysans payaient une somme modique, tandis que les nobles et les marchands pouvaient payer jusqu'à cent roubles. Pour prouver qu’ils avaient payé cet impôt, les hommes recevaient un jeton en guise de quittance, qu’ils devaient avoir sur eux partout où ils allaient. L'impôt sur la barbe de Pierre le Grand ne dura pas longtemps. Catherine la Grande finit par l’abroger en 1772.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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