Ces rites funéraires médiévaux forçaient les morts à rester dans leurs tombes

Visez la tête ! Si cette maxime est connue de tous les fans de zombies de notre époque, la méthode était pourtant loin d'être la même au Moyen Âge. National Geographic revient sur les origines du mythe du mort-vivant.

De Lou Chabani
Publication 16 nov. 2022, 15:26 CET
Danse macabre, La Mort, le Pape / la Mort, l'Empereur, gravure sur bois imprimée à Paris ...

Danse macabre, La Mort, le Pape / la Mort, l'Empereur, gravure sur bois imprimée à Paris en 1490 par Guyot Marchand pour l'éditeur Geoffroy de Marnef.

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L’image d'un mort-vivant est toujours familière : au milieu du décor coloré de l’enluminure, une silhouette famélique se dresse, menaçante, comme un mauvais présage, au milieu de vivants terrifiés. Si les morts-vivants ont retrouvé un nouveau souffle avec l’arrivée des zombies sur nos écrans, le mythe est en réalité extrêmement ancien. De nos jours, l’idée de morts revenant à la vie ne convainc plus grand monde, mais lorsque l’on se penche sur les traces écrites et archéologiques du Moyen Âge, la réalité semble bien différente.

Probablement issus de rites païens, les morts-vivants font l’objet d’apparitions régulières aussi bien dans les mythes des communautés chrétiennes du haut Moyen Âge (de 476 à env. 1000) que de celles du Moyen Âge central (d’env. 1000 à env. 1250). « La plupart des universitaires admettent que ces mythes découlent très certainement de croyances plus anciennes », explique Nancy Caciola, spécialiste de l’Histoire médiévale et professeure à l’Université de Californie à San Diego, avant de préciser : « [ce sont davantage] des restes de pratiques païennes, ici et là, que des croyances. »

 

1 0(28) ANS PLUS TARD, LES MORTS SONT TOUJOURS DANS LES ÉGLISES

Au Moyen Âge, pas de « virus de la fureur » ou d’épidémies résurrectionnistes : les morts-vivants ont des origines bien moins « terre à terre ». Si plusieurs mythes se recoupent, un mort médiéval sort souvent de sa tombe parce qu’il est encore « trop » vivant. « [On considérait] que les personnes qui risquaient le plus de revenir d’entre les morts étaient les personnes décédées soudainement, souvent violemment, sans avoir eu le temps d’accepter leur mort », raconte la spécialiste. « Ils pouvaient alors devenir des revenants, errant dans la nuit et attaquant les vivants. On trouve de nombreuses histoires de ce type en Grande-Bretagne, en France, en Scandinavie et en Allemagne. »

Cependant, au-delà des histoires racontées pour terroriser son prochain, le mythe du mort-vivant put également servir à symboliser l’une des croyances fondamentales de la chrétienté : l’inévitabilité de la mort. « Dans ces régions [du nord de l’Europe], on trouve régulièrement des représentations de morts-vivants et de corps ambulants. Dans certains cas, ces motifs illustrent l’idée du memento mori […] comme les fresques de la Danse macabre, retrouvées sur les murs de nombreuses églises médiévales. » Néanmoins, si ces représentations restaient souvent utilisées comme des paraboles, on trouve également d’autres images au milieu de décors et d’enluminures. « [Ce type d’illustration] représente habituellement des morts errants isolés, et n’est pas relié à ce type de messages moralisateurs. »

Est aussi en cause la méconnaissance des processus de décomposition des corps. Le mythe des morts mâcheurs est un exemple significatif de cette transposition d’événements réels dans les mythes : bien loin des zombies errants à la recherche de cerveaux à dévorer, il s’agissait en réalité de morts bien réels, dont le linceul semblait usé autour de la bouche, comme s’il avait été rongé. Selon les dires de leurs fossoyeurs, certains étaient même capables de grogner, voire de bouger : une « compétence » terrifiante dont nos morts modernes sont encore dotés. Ce phénomène est dû au rejet de fluides par les orifices, dont la bouche et les yeux, venant tacher le linceul, mais aussi aux gaz s’accumulant dans le corps, pouvant ressortir en faisant « grogner » ou bouger le cadavre. Ainsi, si ces réactions tout à fait naturelles sont à présent très bien expliquées par la science, il est facile d’imaginer la terreur et les mythes qu’elles purent engendrer à l’époque.

 

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    Pour faire face aux morts-vivants, les héros de films d’horreur modernes se reposent bien souvent sur toute une panoplie de tactiques de survie en milieu hostile. Les récits médiévaux, quant à eux, étaient beaucoup plus pragmatiques. Si les morts avaient une chance de revenir, le mieux était d’intervenir à l’avance. « Certaines histoires de morts-vivants contiennent des détails sur la façon dont les vivants répondaient à la menace », explique Nancy Caciola. « Des archéologues ont trouvé des traces de pratiques funéraires destinées à garder les morts dans leurs tombes. »

    On recense ainsi plusieurs sépultures présentant des rites « déviants », tels que le fait d’enterrer le corps sur le ventre pour qu’il continue de creuser, s’il venait à se réveiller. On retrouve également des corps cloués dans leur tombe avec un pieu, ou ayant une pierre dans la bouche. Ces derniers sont habituellement associés au mythe du vampire et de son fameux pieu dans le cœur. Néanmoins, il est bon de rappeler que du triumvirat de l’horreur qu’il forme avec les revenants et les loups-garous, le vampire est également la superstition la plus récente, n’existant pas encore à l’époque du Moyen Âge. Une autre méthode consistait à brûler ou à décapiter le cadavre. « Les histoires mentionnent que le corps du revenant pouvait être déterré pendant les heures du jour, puis être soit brûlé, pour accélérer la décomposition […], soit décapité et enterré à nouveau, avec sa tête entre les jambes », explique l’historienne.

    Néanmoins, si les tactiques médiévales de lutte contre les revenants semblent particulièrement radicales, elles reposaient également sur l’idée que le mort-vivant pouvait un jour trouver le repos. « Une fois que le corps s’est décomposé, il n’est plus considéré comme dangereux ou à risque de sortir errer. Les squelettes ne se relèvent pas, seuls les corps avec de la chair, pendant la période qui précède leur décomposition totale, le peuvent », conclut Nancy Caciola.

    Il s’agissait donc, avant tout, d’attendre que les morts veuillent bien mourir.

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