Ce photographe a passé 3 000 heures sous les mers pour s'approcher au plus près des requins
Pendant quatre ans, Laurent Ballesta a investi l'atoll de Fakarava où des groupes de requins et de mérous s'affrontent pour survivre.
Laurent Ballesta, photographe sous-marin, s'était donné une mission : photographier d'énormes bancs de mérous dans l'atoll de Fakarava, en Polynésie française, où ils se rassemblent pour mettre bas.
Un véritable défi, précise Laurent Ballesta, car les mérous ne donnent naissance qu'une fois par an, en juin ou en juillet et à la pleine lune. Pour compliquer encore plus la tâche, la ponte ne dure qu'une trentaine de minutes.
Lorsque des naturalistes partent en expédition pour un certain temps, ils emportent un équipement assez conséquent. Mais l'oxygène ne figure généralement pas sur la liste.
Comment les photographes sous-marin parviennent-ils à trouver le temps dont ils ont besoin pour comprendre l'environnement qu'ils explorent ? La réponse à cette question, Laurent Ballesta l'a trouvé en 2014, après des années de réflexion.
Avec son ami Jean-Marc Belin, il est parvenu à mettre au point un protocole de plongée lui permettant de passer 24 heures à 20 mètres de profondeur, tout en réduisant le temps nécessaire à la décompression de 20 à seulement 6 heures, la première plongée de ce genre.
Pour parvenir à cet exploit, il a fallu parvenir à un calibrage minutieux pour déterminer quel serait le mélange idéal et exact de gaz dans sa bouteille d'oxygène, constituer une équipe de plongée et faire preuve d'une grande force mentale.
Pour résumer, ce défi était une façon pour Laurent de réaliser un vieux rêve, celui d'observer la vie marine sans interruption.
RESTER CALME
C'est en 2014 que Laurent Ballesta lance enfin son projet. Des membres de son équipe descendaient régulièrement pour changer sa bouteille d'oxygène et pour éclairer l'océan une fois le soleil couché.
Cette méthode préparée avec soin a porté ses fruits. Le photographe n'a pas seulement vu des milliers de mérous, il a également observé des centaines de requins gris de récifs, venus se nourrir à la nuit tombée.
« La première année, nous nagions au-dessus [des requins], avec les genoux repliés jusqu'aux épaules », indique le photographe.
Sans la protection d'une cage ou d'une combinaison anti-requin en côte de maille, Laurent Ballesta indique que lui et son équipe ont mis du temps à comprendre qu'ils ne se feraient pas mordre.
« Nous devions être suffisamment en confiance pour rester calme, même lorsque les scales nous heurtaient, parfois si forts que nous avions des bleus. Nous étions des obstacles à leurs yeux, pas des proies ».
L'affrontement entre les mérous, parfois grièvement blessés par les requins mais survivant pour se reproduire, et les squales était si fascinant que Laurent Ballesta est retourné sur les lieux les quatre années suivantes.
LA HAINE N'A PAS SA PLACE DANS LA NATURE
Mais le photographe devait aussi parvenir à saisir le drame de ces actions rapides dans des courants changeants et en dépit de l'obscurité. Un tout autre défi.
Avec son équipe, Laurent Ballesta a donc conçu un appareil semi-circulaire sur lequel il a fixé un ensemble de stroboscopes et un faisceau lumineux continu. C'est Cédric Gentil, le camarade de plongée de Laurent Ballesta qui était en charge d'orienter la barre vers ce que le photographe voulait prendre en photo.
« J'ai fait de mon mieux pour montrer la beauté et la chorégraphie de ces comportements de prédations. La violence et le sang nous attirent, mais c'est au tour de l'harmonie de la nature d'attirer les gens désormais », a conclut Laurent Ballesta, qui a compilé ses clichés dans un coffret de deux livres intitulé 700 Requins dans la Nuit.
« La pitié n'existe pas dans le monde animal. La haine non plus ».
Rendez-vous sur le site Internet de Laurent Ballesta pour consulter son travail.