Zoroastrisme : cette ancienne religion a encore de fervents adeptes

Religion ancestrale née en Asie centrale, le zoroastrisme s’efforce d’entretenir la flamme de la foi.

De Kristin Romey
Photographies de Matthieu Paley, Balazs Gardi
Publication 9 mai 2024, 09:36 CEST
En Ouzbékistan, des citadelles antiques renferment les ruines d’un temple du feu bâti par les zoroastriens, pour qui ...

En Ouzbékistan, des citadelles antiques renferment les ruines d’un temple du feu bâti par les zoroastriens, pour qui cet élément est sacré.

PHOTOGRAPHIE DE Matthieu Paley

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Un matin de décembre 2023, Aaria Boomla quitte son lit dans une maison d'hôte de la petite ville côtière d'Udvada, en Inde. 

La fillette s’habille, se brosse les dents et récite tout bas les versets qu’elle apprend depuis des mois. Aînée de deux enfants, elle est, à 7 ans, sur le point de devenir adepte, comme le reste de sa famille, de l’une des plus anciennes religions du monde. 

Le soleil se lève dans une atmosphère chaude et brumeuse quand Aaria, ses proches et des amis gagnent à pied le temple de l’Atash Bahram d’Udvada, un grand bâtiment en pierre blanche et en bois, ceint de hauts murs. Devant l’entrée principale, flanquée de deux immenses taureaux ailés à tête d’homme, un gardien veille à ce que seules les personnes répondant aux exigences de pureté rituelle puissent entrer dans l’enceinte de ce « temple du feu» –l’un des lieux les plus sacrés d’Inde.

La tradition veut que les ancêtres zoroastriens d’Aaria soient arrivés sur le littoral du Gujarat il y a 1 300 ans pour échapper aux persécutions religieuses de musulmans arabes qui envahissaient la Perse. Ici, au bord de la mer d’Arabie, ils ont fait renaître les principes et les rites de leur religion, dont un feu provenant de seize flammes aux origines aussi variées qu’une forge et un éclair. Ce feu brûle sans discontinuer depuis, consciencieusement entretenu par des prêtres voilés de blanc appelés mobeds. Aujourd’hui, il ne brûle plus que pour un nombre sans cesse déclinant de croyants.

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    Le mobed (prêtre) Farzin Yezishne procède à une bénédiction à Karachi, au Pakistan. Son voile préserve la pureté du feu.

    PHOTOGRAPHIE DE Mathieu Paley

    À l’intérieur du temple, Aaria se baigne dans de l’eau sacrée, boit trois gorgées d’urine de taureau purifiée, enfile des vêtements blancs, puis rejoint les mobeds. Ils sont rassemblés autour du feu, qui brûle dans un vase d’argent. 

    Des prières s’élèvent dans une langue qui n’est plus parlée au quotidien depuis 3500 ans, mais dans laquelle Aaria récite: «Je confesse vénérer le créateur Ahura Mazda, être une disciple de la religion révélée par le prophète Zarathoustra. » 

    La fillette et sa famille font partie d’une petite communauté de plus en plus réduite, celle des zoroastriens orthodoxes, qui vivent là où la religion est apparue et s’est développée. Il reste moins de 100000 disciples dans l’ancien Empire perse et ses alentours, aujourd’hui l’Iran, l’Inde et le Pakistan. Mais, depuis un siècle, le zoroastrisme a voyagé loin de son berceau, jusque dans des villes comme Los Angeles, Mexico et Stockholm: de nouvelles communautés progressistes s’y sont formées, pour qui toute personne suivant les préceptes de l’ancien prophète Zarathoustra peut être considérée comme zoroastrienne. 

    Le Zoroastrisme repose sur quelques grands principes – le bien et le mal, la résurrection et l’au-delà. Il s’articule autour de trois piliers : Humata, Hukhta, Hvarshta –«bonnes pensées, bonnes paroles, bonnes actions ». 

    Selon la légende, Zarathoustra (Zoroastre, en grec) était un prêtre désenchanté d’une religion polythéiste qui, après s’être immergé dans un cours d’eau, aurait reçu une révélation d’Ahura Mazda, l’Être suprême. Nul ne sait réellement où ni quand Zarathoustra aurait vécu. En s’appuyant sur l’Avesta, texte sacré zoroastrien, de nombreux chercheurs évoquent l’Asie centrale, peut-être les territoires actuels de l’Afghanistan ou du Tadjikistan, entre 1700 et 1000 av. J.-C. Il n’aurait d’abord eu qu’un seul disciple, son cousin. Mais, au vie siècle av. J.-C., le zoroastrisme était devenu indissociable de l’Empire perse des Achéménides, l’une des plus anciennes et plus grandes puissances mondiales. À terme, les préceptes de Zarathoustra allaient atteindre les fastueuses plaques tournantes de la route de la Soie en Chine occidentale, comme de minuscules temples des Balkans. 

    La croyance zoroastrienne en un être suprême, ainsi qu’en l’opposition du bien et du mal, a profondément influencé les religions abrahamiques –le judaïsme, le christianisme et l’islam. Cyrus le Grand, fondateur de l’Empire perse des Achéménides, a libéré les juifs en captivité à Babylone en 539 av. J.-C. et les a ramenés à Jérusalem, où ils ont reconstruit leur temple. Leur contact avec le zoroastrisme en Babylonie et en Perse a contribué, selon de nombreux universitaires, à consolider certains fondements de la foi juive, notamment l’existence d’un au-delà et du Jugement dernier. Les Grecs anciens, eux, ont remarqué la sagesse des mages zoroastriens, ce qui a inspiré l’épisode des Rois mages dans le Nouveau Testament. Et les chercheurs soulignent les similitudes, chez les zoroastriens et les musulmans, des cinq prières quotidiennes et des ablutions rituelles qui accompagnent chacune d’elles.

    À Mumbai, en Inde, des mobeds parsis discutent après le navjote (cérémonie d’initiation) de Shayaan Gazdar, 7 ans. Chez les parsis les plus orthodoxes, seuls les enfants de parents zoroastriens peuvent participer aux rituels religieux.

    PHOTOGRAPHIE DE Mathieu Paley

    Le dieu zoroastrien n’est pas une divinité qui sanctionne ou avec laquelle on négocie. Il n’existe pas de péché originel nécessitant un repentir. Il s’agit plutôt d’un dieu indifférent au bien-être des hommes au quotidien. Mais il revient à ces derniers de défendre l’asha (vérité, droiture, ordre) et de combattre la druj (corruption, mensonge, chaos). Après la mort, l’âme –l’urvan – retrouve sa divinité protectrice – la fravashi– et gagne la «Maison des chants» (paradis) ou un purgatoire. Vient enfin l’ultime bataille, qui voit le bien triompher du mal, et les morts ressusciter dans un monde idéal sans guerres, ni famines, ni désirs matériels. 

    Les enseignements de Zarathoustra ont, en un sens, fourni un cadre aux religions abrahamiques, explique Jamsheed Choksy, professeur au département d’études sur l’Eurasie centrale à l’université d’Indiana, à Bloomington, aux États-Unis. «Cela commence par la discussion sur le bien et le mal, et sur le rôle des êtres humains, c’est-à-dire le fait qu’on ne se contente pas de traverser la vie. Puis, à l’autre bout, il y a la récompense, selon laquelle justice sera faite; le mal sera vaincu. » 

    Pour qui ne pratique pas le zoroastrisme, cette communauté n’est que très peu accessible. Des règles strictes de pureté interdisent aux non-initiés d’entrer dans le temple de l’Atash Bahram d’Udvada, ou dans tout autre temple du feu de la ville.

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