Sciences : décryptage de la structure en hélice des spermatozoïdes
À l'aide de techniques d'imagerie 3D, des chercheurs ont découvert une structure en hélice. Cette innovation pourrait permettre le développement de médicaments contre l'infertilité masculine ou de méthodes contraceptives.
Ah, les spermatozoïdes humains ! Cellule reproductrice chez l'homme adulte, ce vaisseau microscopique est essentiel à la reproduction sexuée. D'une ressemblance troublante avec un minuscule têtard translucide, il se compose d'une tête, d'une partie centrale et d'une queue en forme de fouet lui permettant de se propulser vers un ovule afin de le féconder. Si un homme peut produire 1 500 spermatozoïdes par seconde, une seule éjaculation peut en contenir plus de 250 millions.
Malgré tout ce que nous savons déjà sur la reproduction, toutes les structures cellulaires individuelles qui y participent n'ont pas été étudiées de manière approfondie.
« La plupart de nos connaissances reposent sur des études réalisées sur des protozoaires », explique Davide Zabeo, doctorant à l'université de Göteborg, en Suède. « Nous en savons en réalité peu sur les cellules humaines. »
Grâce à une nouvelle technique d'imagerie appelée tomographie cryo-électronique, nous pourrions en apprendre davantage. Cette technologie innovante peut zoomer sur des cellules et les photographier en 3D. Premiers auteurs d'un article à avoir employé cette technique, Davide Zabeo et ses collègues ont pu étudier les spermatozoïdes humains.
Leur étude, publiée dans Scientific Reports, a permis la découverte d'une microscopique structure hélicoïdale gauche à l'extrémité de la queue du spermatozoïde. Cette révélation pourrait expliquer pourquoi certaines gamètes séminales réussissent mieux que d'autres et aider au développement de nouveaux médicaments contre l'infertilité ainsi que de contraceptifs.
LA TOMOGRAPHIE CRYO-ÉLECTRONIQUE
La tomographie cryo-électronique associe la microscopie électronique à la tomodensitométrie. Au cours d'une analyse de ce type, un échantillon biologique, tel qu'une cellule individuelle, un tissu ou un organisme, est congelé instantanément. L'échantillon est alors affiné et capturé au microscope électronique. La congélation de l'échantillon lui permet de rester hydraté et aussi proche de son état naturel que possible au moment de son analyse par les scientifiques.
« En résumé, il suffit de déterminer les protéines qui peuvent être isolées. Nous pouvons apercevoir très clairement un élément qui n'a pas été altéré par d'autres techniques que nous employons habituellement », affirme le co-auteur de l'étude Garry Morgan, de l'université du Colorado à Boulder. « Il s'agit de la meilleure méthode pour observer un élément dans un état proche de son état vivant. »
En résultent des photographies extrêmement détaillées d'objets dignes d'un nanomètre, qui peuvent être reconstituées en 3D.
S'ils ne sont pas affinés, les corps cellulaires sont trop épais pour être analysés via cette technique. La queue effilée d'un spermatozoïde est toutefois assez fine pour pouvoir être étudiée au moyen de cette méthode. En 2012, la première analyse 3D de spermatozoïdes avait révélé que, si la majorité des cellules se déplacent en ligne droite, certaines suivent des trajectoires en « tire-bouchons » et sont des nageuses « hyperactives ».
Le flagelle, ou la queue, qui guide le spermatozoïde, est composé de trois parties distinctes : un corps médian contenant de nombreuses mitochondries qui transforment l'énergie, une partie en « hélice » ainsi qu'une extrémité. Les chercheurs ont découvert que cette terminaison, d'une longueur équivalente à un dixième de celle du flagelle, est composée d'une structure cellulaire en forme d'hélice qui s'enroule sur elle-même vers la gauche dans une spirale.
Si l'on ignore pour l'heure les raisons de cette forme hélicoïdale, les scientifiques ont plusieurs hypothèses. Cette structure pourrait faire office de bouchon afin d'empêcher aux microtubules se trouvant au sein de la cellule de se développer ou de rétrécir. Elle pourrait également favoriser l'acheminement du spermatozoïde vers l'ovule.
APPLICATION DE LA TECHNOLOGIE
Si les chercheurs réussissent à en apprendre davantage sur la fonction de cette structure hélicoïdale, ils pourraient étudier davantage les mécanismes alimentant les flagelles, dont on sait peu de choses d'un point de vue moléculaire.
Ces résultats pourraient, à terme, déboucher sur une solution potentielle aux problèmes de fertilité masculine, qui apparaissent lors d'un dérèglement des niveaux de testostérone, des gènes et des conditions environnementales. Dans plus d'un tiers des cas d'infertilité, le problème vient de l'homme.
Les scientifiques pourraient analyser les structures hélicoïdales des spermatozoïdes chez les patients atteints de problèmes de fertilité afin d'évaluer le lien possible entre la forme de l'hélice et leur infécondité.
Ces résultats pourraient, à terme, aider au développement d'un médicament luttant contre l'infertilité masculine ou d'une nouvelle méthode contraceptive. La tomographie cryo-électronique est pleine de promesses.
« Peu d'applications pratiques de cette technologie ont pour l'heure été exploitées », affirme Davide Zabeo. « Tout ceci nous montre l'étendue de ce que nous pouvons apprendre et observer à l'aide de cette technique. »