L’ADN des Papous de Nouvelle-Guinée, leur meilleure arme face à la jungle hostile
La diversité génétique des peuples papous est sans commune mesure dans le monde. Elle leur aurait permis de résister aux maladies des plaines marécageuses ou de moins souffrir du mal aigu des montagnes.
Avec plus de 900 langues, la Papouasie-Nouvelle-Guinée est le pays où l'on dénombre le plus de langages parlés au monde. Une richesse culturelle héritée en grande partie du patrimoine des populations indigènes locales : les Papous.
Les 600 îles du pays avec leurs nombreuses montagnes dépassant de la canopée maintiennent les ethnies isolées, préservant de la même manière leurs langages. Mère nature a par ailleurs joué un rôle directement au sein du génome des Papous.
UN PATRIMOINE GÉNÉTIQUE AU FIL DES PAYSAGES
À l’image de cette grande pluralité linguistique, les Papous possèdent une immense diversité génétique. Les missions sur le terrain lancées début 2019 par le PapuanPastProject, soutenu par le Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères français dans le cadre de la relation diplomatique avec la Papouasie-Nouvelle-Guinée, ont montré que ces distinctions génétiques tiendraient de leurs dispersions dans cette région, suivies de périodes d’isolation leur ayant ainsi permis de s'adapter à des écosystèmes variés.
« En analysant le profil génomique de centaines de participants venant des quatre coins de l’île, un modèle démographique s’est dégagé illustrant une colonisation par étapes depuis le sud de l’île jusqu’aux plus hauts plateaux de cette région », explique François-Xavier Ricaut et Nicolas Brucato, chercheurs à la Mission Préhistorique Française en Papouasie-Nouvelle-Guinée.
« Mais surtout, les résultats montrent que les peuples ayant colonisé les hautes terres ont probablement hérité d’une biologie adaptée à la vie en haute altitude. D’autres se sont immunisés à la pression pathogénique des marécages », reprend François-Xavier Ricaut.
Cette nouvelle vision d'un monde papou en mouvement contredit l'imaginaire collectif de peuples de Nouvelle-Guinée restés isolés du reste du monde. Alors quel héritage génomique est à l’origine de ces particularités biologiques ?
UN MÉTISSAGE PRÉHISTORIQUE
À la loupe, leur patrimoine génétique est composé entre 2 et 4 % de l’ADN de l’Homme de Néandertal et entre 4 et 6 % de l’ADN de l’Homme de Denisova, nos deux plus récents ancêtres ayant cohabité à la même époque il y a plus de 40 000 ans.
« De la même manière que l’héritage Denisova joue un rôle adaptatif dans les populations du Tibet, nos résultats préliminaires montrent que Denisova a légué aux peuples papous un patrimoine leur permettant d’avoir une biologie adaptée aux environnements », précisent les chercheurs.
Le génome Denisova se retrouve le plus largement au sein des peuples de Nouvelle-Guinée et d’Australie. Au contraire, les populations asiatiques et américaines possèdent moins de 1 % d’héritage Denisova et il est complètement absent de la diversité génétique actuelle en Afrique et en Europe.
« Cependant, il apparaît que l’héritage Denisova dans le reste de l’Asie n’est pas exactement identique à celui présent chez les Papous, ce qui suggère qu’un métissage s’est produit à plusieurs reprises dans des régions du monde distinctes, et a impliqué au moins 3 groupes de Denisova », analysent les deux collègues.
Ces résultats sont en grande partie dévoilés grâce aux progrès de la synergie entre l’archéologie et la génétique. Aujourd’hui, la mise en place de protocoles de fouilles spécifiquement adaptés à l’analyse ADN permet d’étudier des restes toujours plus anciens.
Il reste encore beaucoup à dépister concernant le génome des Papous. Dans la jungle de Nouvelle-Guinée, l’avancée des chercheurs se fait à tâtons, là où les ethnies, elles, sont établies depuis des millénaires. Leur héritage génétique participe à leur immunité face à cet environnement hostile. Les prochains résultats des analyses pourraient montrer d’autres spécificités biologiques des habitants de Papouasie.