États-Unis : le coronavirus affecte majoritairement les Afro-Américains
Semant la mort sur son passage, la pandémie fait des ravages au sein des communautés noires à travers les États-Unis, révélant les conséquences mortelles des inégalités.
Une femme et son enfant attendent le métro à la station Rockaway Avenue dans le quartier de Brownsville, à Brooklyn, New York. Dans le cadre d'un plan baptisé Essential Service Plan, l'organisme chargé de la gestion des transports publics de la ville de New York a réduit de 25 % le service des métros. La plupart des lignes circulent désormais avec un intervalle de 20 à 30 minutes.
Le coronavirus a bouleversé tous les aspects de la vie de Warren Bell en Nouvelle-Orléans. Son cousin âgé de 81 ans a été hospitalisé après avoir contracté le COVID-19. Sa plus jeune fille a perdu son travail dans les cuisines d'un grand hôtel à cause de la pandémie. Son aînée, infirmière, enchaîne les gardes de douze heures au New Orleans East Hospital « où les malades du COVID-19 ont commencé à mourir il y a plusieurs semaines. »
« Un membre du personnel soignant est mort la semaine dernière et sa supérieure était en quarantaine. Donc, naturellement, je m'inquiète pour elle tous les jours, » raconte Bell, ancien animateur radio et présentateur de journal télévisé. À l'école où travaille sa femme, l'entraîneur de football américain, ami de longue date et grand nom du jazz, Ellis Marsalis, a récemment trouvé la mort des suites de la maladie à coronavirus. « Ce virus est effrayant, » confie-t-il.
À travers les États-Unis, les communautés afro-américaines des centres urbains de toute taille ont été dévastées par le coronavirus. Les milieux dans lesquels ils vivent, les emplois qu'ils occupent, la prévalence de pathologies comme l'hypertension artérielle et le diabète et la façon dont ils sont traités par l'establishment médical ont donné lieu à un dangereux déferlement de cas sévères et de décès.
Une employée d'Amazon livre des commandes dans le quartier Clinton Hill de Brooklyn à New York. La livraison de ces denrées est essentielle mais les livreurs encourent un risque important d'infection en raison du grand nombre de personnes qu'ils croisent chaque jour.
Dans les villes, comtés et états où elles sont recueillies, les données ethniques laissent apparaître un impact considérable et disproportionné du coronavirus sur les communautés afro-américaines. D'après les données communiquées par les Centers for Disease Control (CDC) des États-Unis, près d'un tiers des infections du pays concernent des Afro-Américains alors qu'ils ne représentent que 13 % de la population nationale. De même, d'après une analyse publiée par l'agence Associated Press, près d'un tiers des personnes décédées des suites du coronavirus à travers les États-Unis seraient Noires.
Cet employée d'un McDonald's de Brooklyn, à New York, prend les commandes derrière une vitre.
Dans certaines régions, le constat est encore plus marqué : 36 % des décès dus au coronavirus dans le Wisconsin concernent des Afro-Américains alors qu'ils ne représentent que 6,7 % de la population de l'état. Dans le comté de Shelby au Tennessee, où se situe la ville de Memphis, cette proportion atteint les 71 % alors que les Afro-Américains comptent pour la moitié de la population.
Le Lawyers’ Committee for Civil Rights Under Law, un organisme qui cible les inégalités dont sont victimes les Afro-Américains et d'autres minorités ethniques, s'est associé avec des centaines de professionnels de la santé le 6 avril pour demander au département de la Santé et des Services sociaux des États-Unis et aux CDC de publier des données ethniques sur les tests COVID-19 et leurs résultats. Sans réponse de la part des CDC, la coalition a renouvelé sa demande dans une seconde lettre alors que les chiffres divulgués depuis leur première lettre font état d'une aggravation de la situation.
« La population est soit en état de choc, soit impassible » déclare Demetrius Young, commissaire de la ville d'Albany, en Géorgie, où 90 % des décès concernent la communauté afro-américaine. « Ils vivent dans la crainte et l'attente du nom de la prochaine personne décédée. Au moindre frisson, ils sont effrayés. Une personne m'a appelé en larmes parce que l'un de ses amis était venu chez elle et avait été testé positif par la suite. Elle faisait une crise de panique. »
Une soignante discute avec une patiente devant les locaux de l'organisme Physicians Immediate Care à Chicago.
POURQUOI LES AFRO-AMÉRICAINS SONT-ILS SI DÉMESURÉMENT TOUCHÉS ?
« Si l'on regarde notre communauté, on remarque : des déserts alimentaires, de transport et d'éducation » déclare le Dr Celia J. Maxwell, médecin spécialiste des maladies infectieuses et vice-doyenne du College of Medicine de l'université Howard à Washington. « Tous les déterminants sociaux de santé nécessaires pour assurer la bonne santé d'une communauté sont absents de nos communautés de couleur. »
« Les personnes de couleur et notamment les Afro-Américains sont confrontés à de nombreux problèmes d'ordre sanitaire ou socio-économique comme la pauvreté, l'éducation et le racisme systémique » ajoute Maxwell. « En combinant tous ces facteurs, je ne suis pas surprise de voir que ces patients sont plus vulnérables à un événement comme la pandémie de coronavirus. Ce sont les inégalités du système de santé qui alimentent l'épidémie. »
Les spécialistes de ces disparités sanitaires évoquent d'autres facteurs comme les liens très étroits qui unissent la famille, les amis ou les groupes religieux au sein de la communauté noire. Vient également s'ajouter à cela le problème de la surpopulation en milieu urbain et dans les foyers où plusieurs générations peuvent être amenées à partager un même espace.
La vie semble reprendre son cours à Austin, dans l'ouest de Chicago, un dimanche soir il y a peu. Les résidents ont construit cette communauté face à l'incapacité des pouvoirs municipaux à leur fournir un accès aux ressources élémentaires. Aujourd'hui, 35 résidents de ce quartier sont morts du COVID-19, le second plus lourd bilan de la ville.
Le coronavirus s'est immiscé dans la communauté afro-américaine à l'occasion de certains rassemblements, notamment une fête organisée en l'honneur des adjoints au shérif et les réunions des clubs de danse à Détroit ; un anniversaire et un enterrement à Chicago ; un séjour au ski en Idaho qui a réuni 600 skieurs afro-américains en provenance des États-Unis et de Londres ; les festivités du Mardi gras en Nouvelle-Orléans.
Bien que de nombreux problèmes de santé particulièrement répandus chez les Afro-Américains puissent expliquer leur vulnérabilité, certains, comme les skieurs, étaient en bonne santé, athlétiques et à haut niveau de revenus.
Une file se forme devant le Break Through Fresh Market, une banque alimentaire qui distribue près de 300 tonnes de produits frais aux plus de 4 000 résidents d'East Garfield Park, un quartier défavorisé de Chicago. « Tout ce qu'il reste à faire, c'est prier, juste prier, » lâche Jimmy Love qui fait la queue équipé d'un masque.
D'après le Dr Ebony Hilton, professeure d'anesthésiologie et de médecine des soins intensifs à l'université de Virginie, les Afro-Américains affichent un taux de mortalité supérieur pour huit des treize causes principales de décès aux États-Unis à savoir les maladies cardiaques, les AVC, le cancer, la grippe et la pneumonie, le diabète, le SIDA, l'insuffisance rénale et les homicides.
« Je savais que le coronavirus laisserait un taux de mortalité supérieur au sein de la communauté afro-américaine, » affirme-t-elle. « Je savais que le combat allait être difficile. Je pouvais voir la tempête arriver. »
Professeur de médecine au sein de la School of Medicine de l'université Tulane en Nouvelle-Orléans, le Dr Keith Ferdinand énumère de nombreuses variables pouvant expliquer la vulnérabilité des Afro-Américains au COVID-19. Il évoque notamment les emplois dans l'industrie des services ou les « métiers essentiels » qui impliquent une exposition aux personnes potentiellement infectées, l'utilisation des transports publics pour se rendre au travail, le manque d'accès précoce aux tests et une certaine méfiance envers le système de santé héritée d'un passé tumultueux. Cela mène à un « mélange des nombreuses difficultés rencontrées par les Afro-Américains qui pourrait aggraver ou même étendre le fardeau des facteurs de risque liés au coronavirus, » explique Ferdinand.
Des affiches promouvant la distanciation sociale sont placardées dans les métros et les stations de Chicago, mais bon nombre d'habitants et de travailleurs essentiels doivent continuer à prendre les transports publics pour se rendre au travail ou satisfaire leurs besoins élémentaires.
Qui plus est, il y a une forte concentration des Afro-Américains dans les emplois payés à l'heure qui ne donnent pas droit à une couverture médicale, indique Maya Rockeymoore Cummings, ex-présidente du Parti démocrate de l'état du Maryland et candidate à la Chambre des représentants de Baltimore. Ils font soit partie de la première vague d'employés licenciés aujourd'hui sans emploi ni assurance, soit des « travailleurs essentiels » actuellement exposés au virus, poursuit-elle.
« Allez au supermarché ou regardez par votre fenêtre lorsque vos déchets sont collectés, » lance Rockeymoore Cummings, dont le défunt mari Elijah Cummings représentait le 7e district du Maryland à la Chambre des représentants des États-Unis. « Parmi ces personnes exposées, un nombre disproportionné ne disposent pas de la couverture nécessaire pour assurer leur protection. »
Voici quelques conclusions relatives à la situation de la communauté afro-américaine dans les villes, comtés et états qui ont recueilli des données sur la maladie à coronavirus.
ALBANY, GÉORGIE
Dans cette ville de 75 000 habitants située à 240 km au sud d'Atlanta, 90 % des décès imputés au coronavirus touchent la communauté afro-américaine qui représente 72,5 % de la population. D'après les autorités, le virus se serait propagé à travers deux enterrements et potentiellement le Snickers Marathon qui se déroule la première semaine de mars chaque année, auquel 1 000 coureurs ont participé en 2020.
« Nous sommes encore en pleine crise, » déclare Young. « Nous avons eu 50 décès. Deux de mes amis de longue date sont morts. Je connais beaucoup de personnes affectées dans ma communauté religieuse. »
Augusta distribue le courrier dans le quartier de West Garfield Park à Chicago depuis plus de neuf ans. Il n'a pas souhaité dévoiler son nom complet pour des raisons professionnelles. Le métier de facteur fait partie des activités essentielles.
La communauté afro-américaine d'Albany est très dense, poursuit-il, et le taux de pauvreté approchant les 30 % a exacerbé la situation. « De nombreuses personnes de la communauté souffrent déjà d'un accès réduit aux soins de santé. Et nous avons une part importante de personnes âgées, ce qui pose un problème sanitaire, » déclare-t-il.
L'un des jurés d'un procès pour meurtre très médiatisé aurait, semble-t-il, « transmis sans le savoir le virus à d'autres personnes présentes dans la salle d'audience, notamment notre juge en chef qui lutte actuellement contre la maladie. Depuis, un autre juge a trouvé la mort, » nous informe Young.
Prêtre au sein de la Real Church d'Albany, le Révérend Jarod Pierce indique ne quitter son foyer qu'en cas d'absolue nécessité. Si l'épidémie est aussi dévastatrice, c'est en partie parce qu'elle n'était pas prise au sérieux « avant son arrivée, » résume-t-il. « La semaine dernière, j'ai reçu un appel d'une personne dont la mère, la grand-mère et l'oncle luttaient pour leur vie. »
Malgré la réticence des différents maires de l'État et les recommandations des autorités de santé publique d'avancer avec prudence, le gouverneur de Géorgie, Brian Kemp, a choisi vendredi d'assouplir certaines mesures de distanciation sociale et d'ouvrir quelques commerces non essentiels, dont les salons de coiffure et de manucure, les barbiers et les bowlings.
Une infirmière des urgences enfile ses équipements de protection personnelle avant d'entrer dans la chambre d'un cas suspect de coronavirus au MedStar St. Mary's Hospital du Maryland. L'État du Maryland compte actuellement plus de 14 000 cas de COVID-19 et près de 600 décès.
WASHINGTON, D.C.
D'après le site Web de la municipalité, 81 % des décès liés au coronavirus au sein de la capitale des États-Unis concernent la communauté afro-américaine, qui représente 46 % de la population générale de la ville. De nombreux décès sont à déplorer dans les quartiers les plus pauvres de la ville, à majorité afro-américaine.
Organisatrice de conférences à la retraite, Sandy Henderson faisait partie des 600 skieurs afro-américains partis des États-Unis et même de Londres pour se rendre à Ketchum, en Idaho, dans le cadre du rassemblement annuel de la National Brotherhood of Skiers qui s'est tenu début mars. Présidente de Black Ski Inc., une association basée à Washington, Henderson et son mari étaient malades lorsqu'ils sont rentrés chez eux.
« J'avais tellement froid, je n'ai rien pu faire d'autre que monter et me couvrir, » se souvient Henderson, âgée de 69 ans. Le médecin leur a prescrit à tous deux l'antibiotique Zithromax utilisé pour les infections bactériennes courantes avant de les renvoyer à leur domicile. Plus tard dans la semaine, Henderson s'est évanouie dans sa salle de bain.
Deux hommes jouent aux échecs devant le George Washington University Hospital à Washington, fin mars. Le 30 mars, afin d'empêcher la propagation du coronavirus, la Virginie, le Maryland et le District de Columbia ont émis des ordres de confinement en décourageant fortement leur population de quitter leur foyer.
Plusieurs jours plus tard, se sentant toujours très mal, ils savaient que quelque chose se tramait. Ils se sont alors rendus aux urgences les plus proches et ont été testés pour la grippe, l'angine et le COVID-19. Trois jours plus tard, la nouvelle tombait : ils étaient positifs au COVID-19. Après avoir tous deux été jugés hors de danger, ils ont été renvoyés à leur domicile sur décision de l'hôpital.
Entre-temps, 100 participants à leur séjour au ski sont tombés malades et au moins quatre sont morts, indique Henderson. Avec son compagnon, ils ont eu la chance de ne pas souffrir des problèmes de santé sous-jacents qui rendent la maladie aussi mortelle pour les autres.
CHICAGO
Les Afro-Américains représentent 56 % des décès de la ville alors qu'ils ne comptent que pour 30 % de sa population. Pour la maire de la ville, Lori E. Lightfoot, ces chiffres sont « inquiétants » et agissent comme une « piqûre de rappel des problèmes profondément ancrés qui créent depuis longtemps une divergence des impacts sanitaires à travers les communautés de Chicago. »
Cet impact est personnel pour le Révérend Marshall Hatch, prêtre de la New Mount Pilgrim Missionary Baptist Church. « Ma sœur est décédée il y a sept jours de maladies liées au coronavirus. Mon meilleur ami est mort quelques jours plus tôt. »
La messe de Pâques est donnée devant un parterre vide au sein de la New Mount Pilgrim Missionary Baptist Church dans le quartier de West Garfield Park à Chicago. Elle a été diffusée en direct sur Facebook où plus de 4 900 fidèles ont pu la suivre virtuellement. Le Révérend Marshal Hatch pleure la perte de son meilleur ami emporté par le COVID-19.
L'église propose des messes virtuelles, retransmises en direct avec « un chanteur, un prêtre, un musicien, » et une équipe de production hors site, rapporte-t-il. « Naturellement, notre audience a été multipliée par dix. Avec l'anxiété, la peur et le sentiment d'isolation, ces services sont une ligne de vie spirituelle pour les citoyens. »
L'église de Hatch est l'une des plus grandes dans le West Side de Chicago, où vivent les communautés les plus défavorisées, gangrénées par la violence et le chômage, où l'espérance de vie est la seconde plus faible des 77 quartiers de Chicago, poursuit-il. « Cette épidémie n'a fait qu'amplifier les inégalités auxquelles les citoyens sont confrontés au quotidien. »
C'est « un conte de deux cités, » déclare Hatch. « La grande disparité d'espérance de vie entre notre communauté et les autres est frappante et immorale. Nous sommes affectés par des maladies dues au stress, aux déserts alimentaires et à la violence qui émane de quartiers désespérés. »
« Impossible de parler de Marshall sans évoquer Larry. Ces noms ne faisaient qu'un car nous avons été amis pendant la majeure partie de nos vies, » déclare le prêtre Marshall Hatch alors qu'il pleure la disparition de son meilleur ami Larry Harris, décédé le 1er avril. D'après l'autopsie, il serait mort de « causes naturelles » mais Harris a un lourd passé de crises cardiaques et de symptômes du COVID-19. Il laisse derrière lui deux enfants et 12 petits-enfants.
MILWAUKEE
Le coronavirus a également frappé de près Gwen Moore, représentant démocrate du Wisconsin à la Chambre des représentants des États-Unis. Son quatrième district électoral inclut la ville de Milwaukee, où 72 % des personnes décédées de maladies liées au COVID-19 étaient afro-américaines, dans une ville où ils ne représentent que 39 % de la population.
Moore a été placée en quarantaine à deux reprises le mois dernier après avoir été exposée à deux individus distincts plus tard testés positifs au COVID-19. Sa fille, infirmière auxiliaire en première ligne, et une cousine infirmière attendent toutes deux les résultats de tests COVID-19.
Elle s'inquiète également pour l'un de ses neveux qui vit dans un refuge pour sans-abri.
« Lorsque quatre hommes vivent dans la même pièce, la distanciation sociale n'est pas envisageable et les pratiques d'hygiène ne sont pas toujours les mêmes, » déclare Moore.
Plusieurs de ses amis et collègues luttent actuellement contre le virus, notamment un représentant de l'État âgé de 33 ans, un commissaire de comté et un candidat au barreau de la ville. Parmi ses connaissances, un lieutenant de police à la retraite a succombé à la maladie.
La pandémie n'a pas arrêté Rosie Redmon, 79 ans, et son fils, Dashawn Hudson, de se rendre aux urnes pour les primaires présidentielles du Wisconsin. Début avril, le binôme a rejoint la file à l'extérieur du lycée de Riverside à Milwaukee, tous deux équipés d'un masque, sans oublier de respecter la distanciation sociale.
« C'est partout où je vais, » déclare Moore. « Je fais partie des personnes vulnérables. Je suis un traitement pour le cancer. Pour mes courses, je fais des commandes. Chaque fois que je n'ai pas à faire la queue dans un supermarché est un risque d'exposition en moins. »
Pour Jeanette Kowalik, commissaire à la Santé de Milwaukee, les CDC ont mis l'accent relativement tôt sur le risque que représentaient les voyages. Bon nombre de personnes « n'avaient pas l'impression de devoir s'inquiéter à ce sujet, car elles ne voyageaient pas et ne connaissaient personne qui voyageait. »
Kowalik connaît trois personnes, trois hommes afro-américains, qui ont contracté la maladie à coronavirus sans avoir voyagé à l'étranger, ils sont désormais guéris. L'un de ses amis et mentors, un éducateur afro-américain, a succombé à la maladie.
« Au début, des rumeurs prétendaient que les Noirs ne pouvaient pas contracter le COVID-19, » rapporte Kowalik. « Ensuite il y a eu les théories du complot. Nous avons consacré beaucoup d'énergie à ces théories plutôt qu'à la prévention. »
Dans l'intervalle, Moore s'inquiète du comportement de certains jeunes afro-américains qui ne prennent toujours pas l'épidémie au sérieux. Un jeune homme noir lui a dit qu'il pouvait survivre au coronavirus, car son système immunitaire était robuste. « Il n'a pas envisagé un seul instant » qu'il pourrait infecter et tuer d'autres personnes comme elle-même.
Une femme se fait tresser les cheveux dans un salon du quartier de Bedford Stuyvesant à Brooklyn, un arrondissement de New York. Trois jours plus tard, le 20 mars, le gouverneur Andrew Cuomo ordonnait le confinement de l'ensemble de l'état de New York. Les gouverneurs du Connecticut, de l'Illinois et du New Jersey lui ont ensuite emboîté le pas.
NOUVELLE-ORLÉANS
Près de 57 % des décès liés au COVID-19 sont à déplorer au sein de la communauté afro-américaine alors que celle-ci ne représente qu'un tiers de la population de l'état.
Le révérend Fred Luter, prêtre de la Franklin Avenue Baptist Church de Nouvelle-Orléans et ses 5 000 membres, a conduit six funérailles en deux semaines. Ces obsèques ne pouvant accueillir que la famille proche, les messes sont diffusées en direct et écourtées.
Des membres de sa congrégation d'un âge compris entre 40 et 80 ans sont morts du COVID-19 ces dernières semaines, d'autres ont été placés en quarantaine après avoir été infectés. « Le port du masque et le confinement sont de plus en plus respectés. C'est comme une prise de conscience que cette situation est plus sérieuse que nous le pensions. »
L'histoire la plus poignante, poursuit Luter, est celle du révérend Dr Gilbert L. Barnes qui officiait depuis 25 ans en tant que prêtre de la Rock of Ages Church de Marrero, en Louisiane, à l'extérieur de La Nouvelle-Orléans. Avec sa femme, ils avaient célébré en septembre leur 60e anniversaire de mariage. Âgé de 77 ans, Barnes est mort des suites de la maladie à coronavirus le 5 avril. Sa femme, Janie Barnes, également testée positive, est morte quelques heures avant lui à l'âge de 76 ans.
« Les gens perdent un mari, une femme, ou des enfants, » déclare Luter. « On aimerait pouvoir les prendre dans nos bras pour les réconforter, mais c'est impossible. Tout le monde comprend, mais ça n'atténue en rien la douleur de ne pas pouvoir partager ce contact physique. »
Pendant ce temps, en Nouvelle-Orléans, Warren Bell a enfin pu profiter d'une bonne nouvelle. Après plus de deux semaines passées à l'hôpital, son cousin est en train de guérir et sera bientôt transféré dans un centre de rééducation ou dans la maison de son fils, un prêtre local respecté. Il a toujours besoin d'oxygène, mais une chose est sûre, « il est sur le point d'envoyer valser le corona. »
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.