Les conséquences de l'affection post-COVID-19 dit "COVID long" chez l'enfant

Moins commun que chez les adultes, le COVID long reste difficile à diagnostiquer chez les enfants. De plus en plus d'études tentent ainsi de comprendre quels sont les symptômes et les risques de cette mystérieuse pathologie pour les plus jeunes.

De Priyanka Runwal
Publication 18 nov. 2022, 10:30 CET
Lexie Stroiney, 6 ans (à gauche), Charlie Stroiney, 8 ans, (à droite), et leur mère Kate Forte patientent dans une ...

Lexie Stroiney, 6 ans (à gauche), Charlie Stroiney, 8 ans, (à droite), et leur mère Kate Forte patientent dans une salle d’examen lors d’une longue journée d’analyses au Children's National Hospital, à Washington, le 26 janvier 2022. Lexie a contracté le COVID-19, mais pas Charlie. Elles participent toutes deux à une étude pluriannuelle financée par le National Institute of Health (NIH) visant à déterminer les conséquences du COVID-19 sur la santé physique et la qualité de vie des enfants.

PHOTOGRAPHIE DE Carolyn Kaster, AP Photo

Owen, 11 ans, est le dernier de la famille à avoir contracté le COVID-19. Alors que ses proches se sont tous rétablis en l’espace de deux semaines, ses symptômes à lui ont persisté. Au cours des semaines suivantes, sa vision s’est troublée, son teint est devenu pâle, sa mémoire lui a fait défaut. Et chaque nuit, sa poitrine et son abdomen le faisaient terriblement souffrir. Sa mère, Susie, se confie : « On ne savait pas s’il allait se réveiller à nos côtés le lendemain. »

Son examen ophtalmologique, sa radiographie pulmonaire et son échographie du cœur n’ont rien révélé d’anormal. Les médecins ont écarté la piste d’un syndrome inflammatoire multisystémique pédiatrique, une pathologie rare mais grave liée au COVID-19. Puis un jour, une amie de la mère d’Owen a émis l'hypothèse que ce dernier pouvait souffrir d’un « COVID long », appelé « affection post-COVID-19 » par les scientifiques. « Ni moi ni mon mari ne savions vraiment de quoi il s’agissait à cause du manque d’informations sur le sujet », explique Susie, qui a demandé à ce qu’on ne mentionne pas son nom de famille afin de protéger l’intimité de son fils. Elle souligne que le pédiatre d’Owen n’avait pas évoqué la possibilité d’une affection post-COVID-19 et n’avait pas non plus évoqué de mesures spécifiques pour combattre ses symptômes persistants.

Les enfants ont moins de risques de contracter une forme prolongée de COVID-19 que les adultes. Sachant que la pandémie se poursuit, de plus en plus de chercheurs essaient donc de comprendre les effets de la pathologie chez l’enfant et de déterminer quels groupes d’individus sont les plus à risques. « Plus tôt dans la pandémie, on pensait que les enfants étaient en quelques sortes immunisés contre le COVID », se souvient Laura Malone, pédiatre neurologue à la clinique de réhabilitation pédiatrique post-COVID-19 de l’Institut Kennedy Krieger à Baltimore, dans le Maryland. Mais cette hypothèse a changé, en particulier depuis l’arrivée du variant Omicron. « Nous savons maintenant que beaucoup d’enfants se portent bien et se rétablissent d’une infection au COVID-19, mais il faut rester vigilant et être conscient du fait qu’un sous-ensemble d’enfants reste vulnérable. »

Fin février, Owen, qui débordait d’énergie avant sa maladie, éprouvait des difficultés à parcourir de courtes distances. « Il avait du mal à marcher jusqu’au bout de la rue. » Au lieu de passer des journées complètes à l’école, il n’y allait qu’une demi-journée. Cependant, lorsqu’il était trop faible ou qu’il avait trop mal, la seule solution était qu’il se repose à la maison. C’était déchirant de le voir couché sur le canapé, à ne pas vouloir se lever, se confie Susie.

Dans la plupart des cas, les symptômes disparaissent en l’espace d’un à cinq mois, mais chez certains enfants, la maladie peut durer plus longtemps. Voici ce que nous savons de l’affection post-COVID-19 chez l’enfant.

 

LES SYMPTÔMES DE L'AFFECTION POST-COVID-19 CHEZ L'ENFANT

D’après plusieurs études, les symptômes les plus fréquents d’une affection post-COVID-19 chez l’enfant sont des maux de tête, de la fatigue, des sautes d’humeur, des difficultés à se concentrer, des troubles du sommeil et des douleurs abdominales.

« Il s’agit probablement d’un paquet de choses », souligne Betsy Herold, pédiatre infectiologue au Albert Einstein College of Medicine de la ville de New York, « et nous ne savons pas si tout ce que nous appelons "COVID long" correspond à la même chose. »

Les symptômes peuvent être difficiles à détecter chez les enfants, en particulier chez les très jeunes, incapables de décrire ce qu’ils ressentent. Poser un diagnostic peut être une tâche ardue puisqu’il faut bien différencier les symptômes liés à une infection au COVID-19 de ceux en lien avec les conséquences néfastes de la pandémie, tels que les bouleversements en matière d’éducation, les confinements et l’isolation sociale. 

Pour identifier les symptômes propres au virus, des scientifiques des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies des États-Unis (CDC) ont comparé 780 000 enfants positifs au COVID-19 à plus de 2,3 millions d’enfants négatifs. Dans un récent rapport, ils ont démontré que les enfants testés positifs avaient plus de chances de développer une perte de l’odorat et du goût, des problèmes circulatoires, de la fatigue et des douleurs 31 à 365 jours après l’infection, ainsi que des inflammations des muscles du cœur, des diabètes de type I, des caillots de sang et des insuffisances rénales, bien que cela reste rare.

 

QUELLE EST LA PROPORTION D'AFFECTIONS POST-COVID-19 CHEZ LES ENFANTS ?

Dans une méta-analyse publiée en juin 2022, des scientifiques ont examiné 21 études portant sur l’affection post-COVID-19 et ont estimé que près de 25 % des presque 80 000 enfants et adolescents qui avaient contracté le COVID-19 avaient souffert d’un ou plusieurs symptômes pendant plus de 28 jours après l’infection. Parmi ceux qui étaient hospitalisés, cette proportion s’élevait à 29 %.

Pourtant, d’autres études avancent des chiffres plus bas. D’après une étude publiée en juillet 2022 menée dans plusieurs pays sur 1 900 enfants positifs au COVID-19, 5,8 % des enfants non hospitalisés présentaient des symptômes 90 jours après l’infection, contre 9,8 % des enfants hospitalisés.

D’après un autre rapport établi à partir des dossiers de santé de neuf hôpitaux pour enfants aux États-Unis, 3,7 % des patients souffraient de symptômes prolongés suite à un COVID-19. « C’est rassurant, dans un sens », affirme Suchitra Rao, pédiatre infectiologue à l’Hôpital pour enfants du Colorado et responsable de l’étude. « Ce n’est pas aussi fréquent que ce qu’on pensait, et c’est ce que d’autres études démontrent aussi. »

En revanche, l’affection post-COVID-19 semble beaucoup moins fréquente chez les enfants et les adolescents que chez les adultes. Le pédiatre infectiologue Roland Elling de l’Université de Freiburg en Allemagne explique que cela est peut-être lié au fait que les enfants, par rapport aux adultes, produisent des anticorps qui persistent plus longtemps et en plus grande quantité, ce qui leur permet d’éliminer le virus plus rapidement. Par ailleurs, dans une étude publiée en juin 2022, des chercheurs de l’Inserm ont découvert qu’un médiateur de l’immunité innée antivirale aiderait les enfants à éviter les formes graves.

Cependant, comme les périodes de suivi après une infection au COVID-19 varient, il est difficile de comparer les études portant sur les effets de la maladie. De plus, les causes, l’apparition et le développement des symptômes du COVID long n’ont pas été aussi bien étudiés chez les enfants que chez les adultes. Joshua Milner, pédiatre allergologue et infectiologue à la Columbia University Irving Medical Center de la ville de New York, explique qu’il est beaucoup plus difficile de prélever du sang et de suivre ces enfants comme nous avons pu le faire dans les études concernant les adultes.

Dans ses recherches, Rao a démontré que les enfants de moins de 5 ans (hormis les enfants souffrant de formes graves de COVID-19 ou de maladies chroniques, et ceux qui n’étaient pas vaccinés) avaient plus de chance de contracter une forme prolongée de la maladie. Reste à savoir si cela est lié au fait que les parents emmènent plus souvent les jeunes enfants chez le médecin ou s’il s’agit d’un véritable fait physiologique dans ce groupe d’âge. La plupart des études menées jusqu’à présent indiquent toutefois que les individus qui présentent le plus de symptômes sont les adolescents, et notamment les adolescentes.

 

ESSAIS CLINIQUES EN COURS

Au Royaume-Uni, des scientifiques suivent 30 000 adolescents à l’aide de sondages en ligne depuis mars 2021. La moitié d’entre eux sont restés positifs au COVID-19 trois, six, douze ou vingt-quatre mois après leur premier diagnostic établi en laboratoire. L’étude, appelée « CLoCk study », a révélé que nombre de participants qui présentaient des symptômes prolongés, tels que de la fatigue et des essoufflements, se rétablissaient dans les six mois, explique Terence Stephenson, pédiatre à la University College de Londres et directeur de l’étude.

Cependant, une autre cohorte a développé ces symptômes à partir de six mois de suivi ; ces adolescents ne se sont rétablis qu’au bout de douze mois. D’après Stephenson, il est difficile d’expliquer pour quelles raisons et à quel moment ces symptômes apparaissent, d’autant plus qu’il ne faut pas écarter la possibilité que certains adolescents aient été réinfectés et que d’autres aient développé des symptômes liés au style de vie imposé par la pandémie.

L'équipe de Stephenson continue de suivre les participants de l’essai clinique, qui reportent eux-mêmes leur état de santé. Les scientifiques prévoient également de faire passer des scanners du cerveau et du cœur ainsi que des tests physiques aux patients dont les symptômes persistent anormalement, et ce afin de détecter toute forme d’anomalies.

En France, des groupes de soutien se sont mis en place pour venir en aide aux personnes et aux parents d’enfants souffrant d’une affection post-COVID-19, à l’instar de l’association #AprèsJ20, épaulée d’un conseil scientifique.

En avril, la mère d’Owen a sollicité l’aide de l’Institut Kennedy Krieger. Les médecins l’ont aidée à élaborer un régime alimentaire qui diminue les inflammations, et ont fait suivre des séances de kinésithérapie à Owen. « Gérer son temps d’activité et ne pas le laisser s’épuiser ont énormément aidé à lui faire remonter la pente », explique Susie. Elle reconnaît cependant qu’il est possible que certains symptômes aient disparu naturellement avec le temps.

Bien qu’Owen souffre toujours de fatigue et d’essoufflements, ses douleurs abdominales, ses troubles visuels et ses pertes de mémoire se sont beaucoup atténués. Il est retourné à l’école à temps plein, mais a temporairement arrêté le football pour suivre des cours de natation à la place.

Malone et d’autres pédiatres continuent à s’occuper de patients dans le même cas qu’Owen, et espèrent que de nouvelles études permettront de découvrir des traitements plus efficaces pour soigner le COVID long. Selon elle, nous avons beaucoup appris ces deux dernières années, mais nous ignorons encore, tout comme chez les adultes, les causes de l’affection post-COVID-19 chez certains enfants, et la meilleure façon de les soigner.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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