Pourquoi les punaises de lit sont partout et s’adaptent à tout (ou presque)

"Laissez la paranoïa de côté. Cela ne vous sera d’aucune aide et, au bout du compte, ce ne sont que des insectes. Et à ce stade, nous sommes capables d’y faire face et les traiter."

De Kiley Price
Publication 12 oct. 2023, 16:47 CEST
La punaise de lit (Cimex lectularius) est un parasite qui s’en prend aux humains et qui ...

La punaise de lit (Cimex lectularius) est un parasite qui s’en prend aux humains et qui connaît un certain essor dans les villes du monde entier. 

PHOTOGRAPHIE DE Rudolf KONIG, Getty Images

Sur les réseaux sociaux et sur les chaînes d’information, on a pu assister à une avalanche de vidéos de punaises de lit rampant dans les recoins rembourrés de la capitale, des sièges du métro aux fauteuils des cinémas.

Ces insectes ont suscité une grande inquiétude à Paris et dans le reste du monde à cause du nombre de touristes susceptibles de rentrer chez eux avec un resquilleur assoiffé de sang dans leur sillage. « Personne n’est à l’abri », a tweeté Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la maire de Paris, pendant la fashion week.

Bien que potentiellement casse-pieds, ces insectes ne transmettent pas de maladies et constituent en général davantage des démangeaisons sources de nuisance qu’une menace grave pour la santé. Des années 1940 aux années 1990, l’usage de pesticides les a rendues invisibles ou presque. Mais ces dernières années, elles ont fait leur retour et ont proliféré dans presque toutes les grandes villes, comme New York et Hong Kong, par exemple. À Paris, la situation présente moins les signes d’un débordement que ceux d’un problème de longue date ; et donne à voir un exemple de ce qui rend ces bestioles si efficaces.

« À mon avis, il y a un problème de punaises de lit latent, et ce depuis longtemps », déclare Zachary DeVries, entomologiste urbain à l’Université du Kentucky. « Celui-ci n’a pas surgi juste au moment de la fashion week. Il s’est trouvé quelqu’un pour s’en apercevoir et pour attirer l’attention dessus […]. Au bon endroit, au bon moment. Ou plutôt, dans le cas présent, au mauvais endroit, au mauvais moment. »

Quiconque a fait l’expérience d’une infestation de punaises de lit chez soi sait que les morsures de Cimex lectularius peuvent entraîner des marques rouges sources de démangeaisons et d’inconfort. Et ces personnes savent sans doute aussi combien difficile est l’éradication des punaises de lit lorsqu’elles se sont installées à l’intérieur, qu’elles se sont nichées dans les tissus et dans les matelas et les coussins.

Une seule punaise de lit a en général une durée de vie de quelques mois et, dans certains cas, d’une année. D’après Zachary DeVries, cela laisse beaucoup de temps à une population pour proliférer.

« Si vous lâchez une seule femelle qui été fécondée chez vous, très vite, elle peut donner naissance à une population qui peut devenir hors de contrôle en l’espace de quelques semaines à quelques mois », prévient-il.

 

QU'EST-CE QU'UNE PUNAISE DE LIT ? 

Les punaises de lit font partie de la famille d’insectes des Cimicidae, qui regroupe une petite centaine d’espèces de petits insectes parasitiques se nourrissant d’animaux au sang chaud. Seules trois de ces espèces sont connues pour mordre les humains, et la plus commune est Cimex lectularius.

Les punaises de lit adultes sont d’un brun rougeâtre, n’ont pas d’ailes, et mesurent 0,5 centimètres environ, soit la taille d’un pépin de pomme. On les confond souvent avec d’autres suceurs de sang comme les puces mais elles se distinguent par leur corps plat et ovale.

« Les punaises de lit sont un problème depuis au moins aussi longtemps qu’il y a une histoire écrite », indique Zachary DeVries. On a découvert leurs minuscules restes dans des tombeaux égyptiens vieux de plus de 3 500 ans. Mais quelle est leur origine ? Les scientifiques ne sont pas encore sûrs de l’identité de l’ancêtre commun des punaises de lit, mais l’une des théories principales concernant les punaises de lit actuelles est que leur apparition a un lien avec les chauves-souris.

« Il y a 200 000 ans environ, quand les humains cohabitaient avec des chauves-souris dans des grottes, une lignée de punaises de lit s’est associée aux humains », explique Coby Schal, entomologiste urbain à l’Université d’État de Caroline du Nord. « Mais quand les humains ont quitté la grotte, la lignée a suivi. »

Les punaises de lit se nourrissent de sang humain. Elles laissent parfois des traces de morsures ...

Les punaises de lit se nourrissent de sang humain. Elles laissent parfois des traces de morsures rouges, mais il arrive qu’elles ne laissent presque aucune marque.

PHOTOGRAPHIE DE Edwin Remsburg, VW Pics, Getty Images

Régulièrement et depuis trente-cinq ans, Lou Sorkin pratique le même rituel : il s’assoit au comptoir de sa cuisine, sirote une tasse de café et nourrit ses punaises de lit. Entomologiste du New Jersey, Lou Sorkin élève et étudie ces bestioles depuis le début de sa carrière et d’après son estimation, il aurait laissé plus de 200 000 punaises de lit se nourrir sur son bras au cours des décennies passées.

« Ce n’est pas vraiment un problème parce que je ne réagis pas mal lorsqu’elles me piquent pour se nourrir », explique Lou Sorkin, qui travaille désormais dans une entreprise de conseil qui aide ses clients à identifier et à traiter l’apparition de punaises de lit à leur domicile.

Avant chaque repas, Lou Sorkin commence par expirer de l’air dans les récipients en verre qui contiennent ses punaises de lit, en prenant soin de se placer derrière une fine moustiquaire. À l’inverse des cafards, les punaises de lit ne sont pas intéressées par les miettes de sandwich ou par les plats sales ; elles sont en revanche attirées par le dioxyde de carbone de notre souffle, par la chaleur de notre corps et par notre odeur, y compris par celle de notre linge sale, selon une étude de 2017.

Une fois qu’une punaise de lit a élu sa cible, elle enfonce un tube semblable à une aiguille, rattaché à sa tête, dans la peau de cette dernière pour en aspirer du sang chaud. Elle injecte également une multitude de protéines à l’endroit de la piqûre, dont un agent anesthésiant et un anticoagulant pour empêcher le sang de se figer.

Durant un repas, les punaises peuvent absorber six fois leur poids en sang et, selon Coby Schal, elles ressemblent souvent à « une décoration de Noël » lorsqu’elles arrivent à satiété. Bien que les punaises de lit ne soient pas connues pour être porteuses de maladies, leur salive peut induire chez certaines personnes une réaction allergique qui se traduit par l’apparition de grosses bosses qui démangent. Selon lui toujours, d’autres personnes peuvent très bien ne pas se rendre compte qu’elles vivent en compagnie de punaises de lit, car leur peau ne présente aucune réaction du tout.

 

DES PARASITES QUI PROLIFÈRENT

Grâce à la stratégie de l’insémination traumatique, le mâle adulte enfonce son pénis en forme de faucille dans l’abdomen de la femelle et y injecte directement son sperme afin de se reproduire. Le sperme voyage dans le système circulatoire ouvert de la femelle jusqu’à atteindre les ovaires, où un ovule est fertilisé.

« La femelle dispose d’un tractus génital tout à fait fonctionnel que le mâle choisit d’ignorer et il la poignarde dans le flanc à la place, explique William Henley, écologue à l’Université de Sheffield. La façon dont l’évolution a produit cela est un peu mystérieuse. »

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    Durant la Seconde Guerre mondiale, l’armée américaine aspergeait les matelas d’une solution à base de DDT, comme c’est le cas ici dans une caserne, afin de prévenir la prolifération d’insectes.

    PHOTOGRAPHIE DE Bettmann, Getty Images

    Au fil du temps, les femelles ont développé un organe spécialisé au niveau de l’abdomen : le spermalège, qui abonde en cellules immunitaires aidant à prévenir les infections bactériennes à l’endroit de la blessure. Après cette copulation violente, la femelle pond généralement un à sept œufs par jour qui éclosent ensuite en nymphes. Ces nymphes passent par cinq stades différents de mue et de croissance (des instars) avant d’atteindre l’âge adulte. Elles doivent toutefois consommer un repas de sang avant d’achever chaque mue.

     

    UN COMPAGNON NOCTURNE FRÉQUENT

    À travers l’Histoire, les humains ont tenté à d’innombrables reprises de maîtriser la prolifération des punaises de lit. Une des tentatives les plus fructueuses a eu lieu lors de la Seconde Guerre mondiale, période à laquelle on a largement diffusé un pesticide désormais interdit, le DDT, afin de tuer des insectes en tous genres. Ce composé chimique a fait figure de produit idéal pour entraver la prolifération des punaises de lit… du moins au départ. Dans les années 1990, une nouvelle population de punaises de lit immunisées contre les puissants effets du DDT a commencé à se diffuser.

    « C’est le problème avec les pesticides, car dès que vous commencez à tuer beaucoup [d’insectes], mais que vous en laissez quelques-uns, la résistance se développe rapidement au sein d’une population », explique Zachary DeVries. Selon lui, cela ressemble aux maladies qui deviennent résistantes aux antibiotiques dans le monde médical.

    Pour ne rien arranger au problème, les déplacements dans le monde ont augmenté ces dernières décennies, ce qui permet aux punaises de lit de se propager à travers le globe et de trouver de nouveaux hôtes tous les jours. Par la suite, les populations de punaises de lit ont largement garni leurs rangs durant ce temps-là, et beaucoup d’entre elles résistent désormais sans mal à une multitude de pesticides du marché. Les exterminateurs ont souvent recours à des traitements à la chaleur, car les punaises de lit meurent lorsqu’elles sont exposées à des températures dépassant 40°C environ pendant 90 minutes ou plus.

    « Le meilleur moyen de ne pas avoir de punaises de lit est d’acheter une cabane dans les bois, de s’y cacher et de ne jamais en sortir, mais alors vous passez à côté de tous les plaisirs de la vie, fait observer Zachary DeVries. Laissez la paranoïa de côté. Cela ne vous sera d’aucune aide et, au bout du compte, ce ne sont que des insectes et, à ce stade, nous sommes capables d’y faire face et les traiter. »

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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