L'aviron, sport idéal pour devenir athlète après 40 ans

Julia Flynn Siler fait partie de ces nombreuses femmes de plus de 40 ans à avoir commencé l’aviron ces dernières années. Voici comment sa pratique sportive lui a apporté joie et bonne santé.

De Julia Flynn Siler
Publication 28 août 2024, 14:31 CEST
Des membres de la Marin Rowing Association s’entraînent dans la baie de San Francisco. Ces dernières années, ...

Des membres de la Marin Rowing Association s’entraînent dans la baie de San Francisco. Ces dernières années, de nombreuses femmes âgées de 40 à 69 ans se sont mises à l’aviron pour ses bienfaits sur la santé. 

PHOTOGRAPHIE DE Christie Hemm Klok

Le soleil n’est pas encore levé que huit lames fendent les eaux de la baie de San Francisco dans une cadence rythmée. J’entends le souffle des femmes derrière mois pendant que j'imite les mouvements de la rameuse qui me précède. Nous nous balançons d’avant en arrière en poussant sur la barre de pieds pour guider les rames dans et hors de l’eau. Notre bateau glisse à toute vitesse tandis que les rubans roses dans le ciel teintent l'eau d'une couleur magique.

Je n’aurais jamais imaginé me retrouver à l’âge de 64 ans (qui plus est après avoir survécu à une maladie mortelle) dans un club d’aviron avant l’aube pour ramer trois ou quatre jours par semaine. Mes coéquipières sont des femmes âgées de 20 à 70 ans. Nombre d’entre elles ont ainsi grandi à une époque où la plupart des sports d’équipe étaient réservés aux hommes.

Selon la U.S. Rowing, la Fédération sportive américaine d’aviron, de nombreuses femmes âgées de 40 à 69 ans ont débuté ce sport ces sept dernières années. Certaines pratiquent même l’aviron en compétition jusqu’à un âge encore plus avancé. Preuve en est, j'embarque certains jours aux côtés d’octogénaires, et même de nonagénaires. 

Lydia Arellano, 71 ans, après l’entraînement dans le hangar à bateaux de la Marin Rowing Association. Lydia insiste pour ...
L’écrivaine Julia Flynn Siler a rejoint la Marin Rowing Association quand elle avait une soixantaine d’années pour ...
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Lydia Arellano, 71 ans, après l’entraînement dans le hangar à bateaux de la Marin Rowing Association. Lydia insiste pour transporter elle-même son skiff de 14 kg du quai au hangar à bateaux, arguant que rester forte « est une question d’état d’esprit ».

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L’écrivaine Julia Flynn Siler a rejoint la Marin Rowing Association quand elle avait une soixantaine d’années pour se remettre en forme et lutter contre son isolement social après la pandémie de COVID-19. À 64 ans, et après avoir survécu à une maladie mortelle, elle participe aujourd’hui à des compétitions d’aviron.

Photographies de Christie Hemm Klok
Marta Osterloh, 75 ans, près de la crique de Corte Madera, point de départ des entrainements de ...
Beverlee Bentley, 86 ans, est l’une des rameuses seniors les plus accomplies de l’association. Elle a notamment ...
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Marta Osterloh, 75 ans, près de la crique de Corte Madera, point de départ des entrainements de la Marin Rowing Association. Marta est l’une des huit femmes à avoir remporté la toute première médaille d’or dans la catégorie des 70 ans et plus de la régate Head of the Charles.

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Beverlee Bentley, 86 ans, est l’une des rameuses seniors les plus accomplies de l’association. Elle a notamment remporté des médailles d’or à la célèbre Head of the Charles ainsi qu’à d’autres régates. Ses exploits ont d'ailleurs inspiré l’auteure de l’article à persévérer dans sa pratique de l’aviron.

Photographies de Christie Hemm Klok

Personne ne nous ressemble de près ou de loin dans la récente adaptation cinématographique de The Boys in the Boat (Ils étaient un seul homme, de son titre français), un livre de Daniel James Brown sur un groupe de jeunes rameurs olympiques masculins. Certaines d’entre nous ont commencé à plaisanter en nous appelant les « Old Girls in the Boat ».

Alors pourquoi tant de femmes comme moi cherchent-elles aujourd’hui à invoquer leur Diana Nyad intérieure ?

De nombreuses recherches scientifiques ont récemment mis en évidence les bienfaits d’un exercice cardiovasculaire intense pour les femmes de plus de 40 ans. Une étude de 2024 a par exemple démontré que l’exercice physique contribuait au développement du cerveau, tandis que selon plusieurs autres études, l’exercice pourrait réduire le risque de cancer du sein et atténuer les effets sur la santé de la solitude et de l’isolement social.

Mais ce qui me surprend le plus, ce ne sont pas les effets de l’aviron sur la santé, mais les joies inattendues que j'ai éprouvées grâce aux amitiés intergénérationnelles nouées au hangar à bateaux.  

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    Des rameuses chargent un huit sur leurs épaules pour le ramener au hangar à bateaux après leur entraînement matinal. Des études montrent que l’aviron peut aider les femmes à gagner en force physique et à améliorer leur capacité aérobique.

    PHOTOGRAPHIE DE Christie Hemm Klok

     

    UNE RECONSTRUCTION PHYSIQUE ET PSYCHOLOGIQUE

    Mon propre parcours de rameuse a débuté il y a neuf ans, lorsque l’on m’a diagnostiqué un anévrisme non rompu derrière l'œil gauche. J’ai dû subir une opération à cerveau ouvert pour réparer le vaisseau sanguin affaibli, et comme la réparation était très proche du nerf optique, j’ai souffert de vision double et d’instabilité oculaire.

    Environ six mois plus tard, je me suis réveillée pour la première fois sans voir double. Mais j’avais perdu en forme physique et je passais trop de temps seule. J’étais fragilisée, accablée par la perception de propre mortalité.

    Un ami qui m’avait conduit à mes rendez-vous pendant ma convalescence m’a suggéré d’intégrer l’équipe novice de la Marin Rowing Association. J’ai finalement décidé d’essayer pendant la pandémie, ravie d’avoir une raison valable pour sortir de chez moi. Devenir rameuse de compétition n’a jamais été mon objectif. J’ai rejoint l’équipe en avril 2021 pour me remettre en forme et apaiser mon isolement social.

    Mes débuts n'ont pas été très prometteurs. J'ai souffert de déchirures musculaires dans le dos, d'ampoules suintantes et de baignades inopinées dans une eau à 12 degrés. À mon arrivée, j’étais incapable de faire une seule pompe. J’ai également découvert à mes dépens que boire du vin la veille d’un entrainement n’était pas une bonne idée.         

    Mais chaque fois que perdais courage face à la lenteur de mes progrès, je me tournais vers mes coéquipières plus âgées, lesquelles m’inspiraient à imaginer un avenir différent pour moi-même.

    Marcia Felton, 91 ans, continue de pratiquer l'aviron avec son équipe trois jours par semaine. Elle n’aide ...

    Marcia Felton, 91 ans, continue de pratiquer l'aviron avec son équipe trois jours par semaine. Elle n’aide plus à transporter des bateaux, mais s'occupe toujours de porter les rames entre le hangar et le quai. 

    PHOTOGRAPHIE DE Christie Hemm Klok

    L’une d’entre elles, Beverlee Bentley, 86 ans, vient de définitivement quitter une équipe à plein temps, mais continue de naviguer avec le club lorsqu’il manque une rameuse. Elle est l’une des seniors les plus accomplies du hangar à bateaux, et possède de nombreuses médailles à son nom, y compris des médailles d’or de la célèbre régate Head of the Charles, qui se tient chaque automne à Boston, et dont les catégories sont établies selon l’âge moyen des membres de l’équipage.

    Beverlee, qui s’occupe à plein temps de son mari tétraplégique, a trouvé une communauté grâce à l’aviron. « Si un médecin m’avait prescrit de faire de l’exercice et de voir du monde pour des raisons de santé mentale, je n’aurais pas pu trouver une meilleure activité », soutient-elle.

    Lorsque j’étais découragée à l’idée de concourir dans un sport qui favorise les personnes de grande taille, je me tournais vers ma coéquipière de 71 ans, Lydia Arellano, qui mesure 1,60 m et pèse seulement un peu plus de 50 kg. Née et élevée à Cuba, Lydia arbore des mèches violettes sur ses cheveux gris. Il y a peu, je lui ai proposé de l’aider à porter son skiff de 14 kg du quai au hangar à bateaux ; une proposition qu’elle a refusée.

    Rester forte « est un état d’esprit », m’a-t-elle expliqué, vêtue d’un haut à manches longues vert fluorescent qui la rend plus visible sur l’eau pour les gros bateaux. « Il faut être indépendante, dit-elle, porter son bateau toute seule » aussi longtemps que possible. 

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    Un huit féminin glisse sur l’eau après être passé sous les ponts entre la baie de San Francisco et la crique de Corte Madera. Selon les scientifiques, vivre des moments d’émerveillement, comme assister au lever de soleil sur l’eau, peut être source d’apaisement et de bien-être.

    PHOTOGRAPHIE DE Christie Hemm Klok

     

    LES BIENFAITS DE L'AVIRON

    Je peux désormais parcourir 10 900 mètres à la rame lors d’un entraînement matinal et faire une vingtaine de pompes. Je fais du VTT et de longues randonnées au moins une fois par semaine.

    En travaillant dur pour maîtriser ce sport complexe qu’est l’aviron, j’ai contraint mon cerveau à continuer d’apprendre. Des études montrent que le fait d’acquérir de nouvelles compétences en vieillissant peut stimuler la croissance des cellules cérébrales et ralentir le déclin cognitif. Ces avantages se voient multipliés lorsque la nouvelle compétence implique un exercice cardiovasculaire intense, qui envoie plus de sang dans le cerveau et stimule les substances chimiques qui peuvent aider à réparer les cellules cérébrales

    Chose plus difficile à quantifier, mais tout aussi importante, le fait d’assister au lever du soleil et d’observer les escadrons de pélicans blancs arriver en été m’ont fait voir la vie d’un œil nouveau ; un émerveillement que j’avais perdu dans les jours sombres qui ont suivi mon opération et la pandémie. Une étude de 2023 a montré que plus l’on vit des moments d’émerveillement au quotidien, moins l’on est stressés et plus on se sent bien. Certains matins, je dois me raisonner pour arrêter de regarder les oiseaux et me concentrer sur mon bateau.

    Si j’ai personnellement perdu une quinzaine de kilos et amélioré ma capacité aérobique, j’ai découvert que, ces dernières années, des survivantes du cancer du sein avaient commencé à rejoindre des équipages de bateaux-dragons dans le monde entier, et que cela les avait grandement aidées à gagner en force physique, à avoir une meilleure image d’elles-mêmes et à être de meilleure humeur. Beaucoup de ces survivantes n’avaient jamais fait partie d’une équipe sportive auparavant.

    Personnellement, l'atout majeur que j'ai tiré de ce sport d'équipe est de m'être fait de nouvelles amies. Au hangar à bateaux, nous rions entre nous et nous nous offrons un soutien mutuel face aux muscles froissés, à l’eau agitée et aux défis psychologiques associés à l’apprentissage de nouvelles compétences. Nous avons aussi participé à des régates, et, hélas, heurté des bouées de course et terminé bonnes dernières. Mais faire de l’exercice intense tôt le matin me permet de mieux appréhender les défis de ma journée, me donne confiance en moi et m’aide à mieux dormir la nuit venue.

    Et je ne suis pas la seule dans ce cas. La « fille » la plus âgée du club, Marcia Felton, est une merveille de force, de bonne humeur et d’agilité de 91 ans. Elle pratique l’aviron depuis un quart de siècle, avec de brèves interruptions à cause de deux remplacements du genou. Si elle ne porte plus le bateau jusqu’au quai, elle affirme que l’aviron l’a aidée à se sentir bien dans sa tête grâce à son sens de la camaraderie. « C’est tellement beau, cette synchronicité », m’a-t-elle déjà confié.

    Récemment, j’ai demandé à mon mentor Marta Osterloh, 75 ans, combien de temps elle comptait continuer l’aviron. Elle faisait partie des huit femmes à avoir remporté la toute première médaille d’or dans la catégorie des 70 ans et plus en 2015 lors de la Head of the Charles.

    Sa réponse : « Aussi longtemps que possible ! »

    Et je compte bien en faire autant.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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