Découverte : des animaux vivent sous le plancher océanique

C'est la première fois que des créatures sont observées dans les minuscules grottes situées sous le plancher océanique.

De Olivia Ferrari
Publication 18 oct. 2024, 16:41 CEST
Une loquette passe devant une tour de vers tubicoles près de la cheminée de Tica, située ...

Une loquette passe devant une tour de vers tubicoles près de la cheminée de Tica, située sur la dorsale est-Pacifique à 2 500 mètres de profondeur.

PHOTOGRAPHIE DE ROV SuBastian, Schmidt Ocean Institute

La vie animale s’épanouit aussi sous le plancher océanique, selon une nouvelle étude sur les cheminées hydrothermales des grands fonds qui suggère que ces énigmatiques formations sous-marines abritent des écosystèmes complexes.

Si de précédentes recherches avaient mis en évidence la présence de microbes sous le plancher océanique près de cheminées hydrothermales, c’est la première fois que l’on découvre des animaux plus grands, comme des vers et des escargots, au sein de cet habitat souterrain.

Les cheminées hydrothermales sont des fissures du fond marin où les plaques tectoniques se rencontrent et où de l’eau de mer se mélange à du magma formé sous la croûte terrestre. On considère généralement que le plancher océanique est quasi-inhabitable, mais près des cheminées hydrothermales la vie fourmille.

Des communautés de crevettes, de crabes, de vers tubicoles, de moules et des centaines d’espèces animales uniques ont déjà été découvertes près de ces cheminées, mais jamais en dessous. On appelle « extrêmophiles » ces formes de vie, car elles peuvent survivre à des conditions de température et de pression extrêmes. Ces organismes ne survivent pas grâce à l’énergie du soleil, carburant du réseau trophique partout ailleurs sur Terre, mais en absorbant des nutriments produits lorsque l’eau de mer se mélange au magma.

Les fonds marins demeurent pour la majeure partie un mystère pour les scientifiques. En effet, nous n’en avons cartographié que 26 %, et la présente étude suggère qu’ils pourraient être plus peuplés que ce que les scientifiques pensaient.

Sous cet échantillon de croûte rocheuse se cachaient des spécimens de vers tubicoles des espèces Oasisia et Riftia, entre autres organismes.

PHOTOGRAPHIE DE Mónika Naranjo-Shepherd, Schmidt Ocean Institute

« Chaque [nouvelle] étude ne fait que confirmer tout ce que nous ignorons encore sur le plancher océanique », souligne Rachel Lauer, géologue à l’Université de Calgary n’ayant pas pris part aux présentes recherches.

 

UNE DÉCOUVERTE INATTENDUE 

Cherchant à comprendre comment les vers tubicoles se logent dans les cheminées hydrothermales, la biologiste marine Sabine Gollner et son équipe de recherche de l’Institut royal néerlandais de recherche marine (NIOZ) se sont rendus en bateau sur la dorsale est-Pacifique, crête volcanique active située sur le plancher de l’océan Pacifique, au mois de juillet 2023. Sur place, au cours de plusieurs missions, ils ont fait descendre un robot piloté à distance jusqu’à une cheminée hydrothermale située à 2 515 mètres sous la surface.

Leur objectif était de recueillir des échantillons rocheux afin d’y chercher la présence de larves de vers tubicoles, mais la roche ne se laissait pas facilement briser en petits morceaux transportables. Le robot, équipé de bras et d’une caméra, a donc dû soulever des sections de plancher océanique pour révéler ce qui se trouvait en dessous : des larves de vers tubicoles et bien plus encore.

En retournant des sections rocheuses de plancher océanique, il a mis au jour des cavités de dix centimètres de profondeur environ remplies de fluide chaud (de l’eau mélangée à du magma) et d’espèces qu’on n’avait jusqu’à alors découvertes que sur le plancher océanique : vers tubicoles, polychètes et escargots de mer.

La découverte de larves de vers tubicoles et de vers tubicoles adultes vivant dans de minuscules grottes pourrait faire grandement progresser nos connaissances concernant leur cycle de vie. Selon les chercheurs, les larves de vers tubicoles pourraient se disperser dans les cavités, certaines se logeant et se développant dans des fissures du plancher océanique et d’autres restant dans les cavités et s’y développant jusqu’à l’âge adulte ; cela signifierait que le plancher océanique et les petites grottes qui se situent au-dessous forment un écosystème interconnecté où des flux d’eau froide et d’eau chaude se rencontrent et facilitent la croissance des vers tubicoles.

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    Large amas de vers tubicoles sur la dorsale est-Pacifique, à 2 500 mètres de profondeur. À l’aide d’un robot adapté aux grands fonds, des chercheurs ont fouillé sous les cheminées hydrothermales et ont mis au jour une série de chambre souterraines servant de pépinières à vers tubicoles ainsi qu’un conduit permettant à leurs larves de se déplacer entre les cheminées.

    PHOTOGRAPHIE DE ROV SuBastian, Schmidt Ocean Institute

    « L’écosystème des cheminées [hydrothermales] dans cette zone ne se limite pas à ce que nous voyons au-dessus, il inclut également la vie du sous-sol », explique Sabine Gollner. 

    Selon les scientifiques, pour préserver ces extrêmophiles uniques, une plus grande partie du plancher océanique doit être légalement protégée. Mais cela pourrait s’avérer difficile, car bon nombre de ces écosystèmes recèlent en outre des minéraux rares dont peuvent dépendre les nouvelles technologies.

     

    PROTÉGER LA VIE DES FONDS MARINS

    L’une des principales menaces pour les écosystèmes des grands fonds est leur exploitation minière, processus d’extraction de dépôts minéraux sur le fond marin, de cobalt ou de nickel par exemple, auquel s’opposent scientifiques et organismes de défense de l’environnement.

    « Nous ignorons l’étendue de ces petites grottes connectées, nous n’avons aucune idée de toute la biodiversité ou biomasse effectivement présente sous le sol, met en garde Rachel Lauer. Il y a une tout autre strate ici, littéralement ! »

    Selon elle, puisque les écosystèmes du plancher océanique sont probablement interconnectés, il faut en protéger de larges pans.

    « Nous devons au moins comprendre ce qui se trouve là avant de potentiellement détruire ces habitats », prévient Heather Olins, biologiste au Boston College n’ayant pas pris part à l’étude.

    Selon Sabine Gollner, on ne sait pas exactement jusqu’à quelle profondeur cet habitat souterrain s’étend, ni sur quelle distance il s’étire horizontalement, informations cruciales pour protéger le système de cheminées hydrothermales dans son entièreté au-delà de la seule partie visible de la cheminée.

    L’étude des cheminées hydrothermales et leur préservation en vue de recherches futures peuvent également aider les scientifiques à comprendre les conditions de la vie ailleurs que sur Terre.

    « S’il existe de la vie en dehors de la Terre au sein de notre système solaire, elle ne sera pas sustentée par l’énergie solaire », affirme Heather Olins, car nul autre endroit de notre système solaire ne possède des conditions de surface propices à la vie telle que nous la connaissons.

    Mais il existe des endroits qui pourraient abriter des extrêmophiles, comme Europe, l’une des lunes de Jupiter, qui abrite un océan sous sa croûte de glace.

    « Nous savons qu’il y a une activité volcanique, et un océan, détaille Heather Olins. Il n’y a pas de raison qu’il n’existe pas ailleurs dans notre système solaire de vie semblable à celle qui se développe dans les cheminées hydrothermales. »

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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