Retour dans la "grotte aux ossements" pour percer les mystères des origines de l'Homme

Dix ans après avoir découvert un nouvel hominine en Afrique du Sud, Lee Berger est retourné dans un dangereux réseau de grottes afin d'en apprendre davantage sur l'un de nos lointains parents.

De Lee Berger
Publication 7 juil. 2023, 11:48 CEST
Les autres fossiles trouvés dans la grotte de Rising Star entourent le squelette d’Homo naledi. Ses ...

Les autres fossiles trouvés dans la grotte de Rising Star entourent le squelette d’Homo naledi. Ses extrémités ressemblent à celles de l’homme, à l’inverse des os de l’axe du corps. « Comme si l’évolution nous avait façonnés de l’extérieur vers l’intérieur », note le paléoanthropologue John Hawks.

PHOTOGRAPHIE DE Robert Clark

« Je crois que nous devrions arrêter les fouilles », ai-je dit. Tout en faisant un geste vers l’écran de l’ordinateur, j’ai regardé Keneiloe Molopyane, archéologue et médecin légiste connue dans notre équipe sous le nom de « Bones » (« Os »). Nous fixions un flux d’images transmis en direct de deux collègues archéologues, Marina Elliott et Becca Peixotto, qui creusaient à plus de 35 m sous nos pieds. Bones s’est penchée pour regarder l’écran tandis que le rayon lumineux des lampes frontales des fouilleuses faisait le tour de la cavité. « Pourquoi arrêter ? », a-t-elle demandé.

C’était en novembre 2018. Nous étions au poste de commandement de l’équipe, dans le réseau de grottes de Rising Star (l’« Étoile montante »), en Afrique du Sud, qui comprend près de 4 km de passages entrelacés, descendant à certains endroits à plus de 40 m sous terre. Parfois, on peut trouver une salle où il est possible de s’asseoir ou même de se tenir debout. Mais la plupart des espaces ouverts sont relativement petits. Marina et Becca, nos deux fouilleuses les plus expérimentées, s’affairaient dans l’une de ces salles, appelée Dinaledi.

Dans ces grottes, les sédiments se sont formés à partir de la poussière et des débris qui se sont détachés lentement des parois et qui ont recouvert le sol en couches presques invisibles. Mais ceux que Marina et Becca étaient en train de ramasser ne présentaient pas le même niveau d’uniformité ; ils semblaient avoir été dérangés. « On dirait qu’il y a eu un trou dans le sol de la grotte, ai-je dit à Bones. Je ne pense pas qu’il s’agisse d’une dépression naturelle. Pour moi, cela ressemble beaucoup à un élément funéraire », ai-je conclu.

Bones a écarquillé les yeux : « C’est vrai. » Elle a examiné à nouveau l’image à l’écran. « Je crois que vous avez raison, dit-elle. Nous devrions nous arrêter. »

COMPRENDRE : Les origines de l'Homme

Je l'ignorais alors, mais cette décision allait mener à une révélation scientifique – mais également à quelques-uns des moments les plus terrifiants, et aussi les plus merveilleux, de ma vie. Nos précédentes fouilles à Dinaledi, en 2013 et 2014, avaient été incroyables. En moins de deux mois, l’équipe avait récupéré plus de 1 200 fossiles – surtout des os et des dents – dans une zone de Rising Star ne dépassant pas 1 m2.

Comme nous l’avons décrit dans plus d’une dizaine d’articles scientifiques, ces fossiles ne ressemblaient à rien de ce que les paléoanthropologues avaient vu jusqu’alors. Ils représentaient une nouvelle espèce d’un lointain parent de l’humanité que nous avons baptisée Homo naledi : Homo, parce qu’il appartient au genre partagé par les autres humains, et naledi, qui signifie « étoile » en sotho, une langue courante dans la région d’Afrique du Sud où se trouve le réseau de grottes, à environ 50 km au nord-ouest de Johannesburg. Nous avons appelé la salle « Dinaledi » – autrement dit, la salle des « Étoiles ».

La découverte la plus marquante de nos fouilles, en 2013 et 2014, a été un crâne d’H. naledi qui se trouvait parmi un fouillis d’os et de fragments osseux. Nous avons surnommé cet enchevêtrement la « Boîte à puzzle ».

Nous sommes retournés à la Boîte à puzzle en novembre 2018 pour déterminer si la salle de Dinaledi contenait d’autres fossiles dans des couches de sol de même niveau. Deux nouveaux carrés de fouille ont été délimités : le premier au sud de la Boîte et le second au nord. Le carré nord a révélé une concentration de fragments qui semblaient provenir d’un seul individu. En creusant encore, nous avons découvert un espace sans aucun ossement, puis un autre ensemble d’os, parmi lesquels une mâchoire et des os de bras ou de jambe, diversement entrecroisés...

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