Grèce : une série de séismes secoue l'île de Santorin

L'île grecque a une longue histoire sismique, mais l'origine de ces séismes récents laisse les scientifiques perplexes.

De Robin George Andrews
Publication 11 févr. 2025, 15:52 CET
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L'île grecque de Santorin est célèbre pour sa cascade de maisons blanches à flanc de colline, mais elle possède également une longue histoire d'éruptions volcaniques et de séismes. Depuis quelques semaines, Santorin et les îles voisines subissent des séismes en série, ce qui a poussé de nombreux résidents au départ et incité le gouvernement à déclarer l'état d'urgence. 

PHOTOGRAPHIE DE Petros Giannakouris, AP Photo

Au large de la Grèce, les îles Égéennes sont généralement associées à la détente et aux paysages qui respirent la tranquillité. Pourtant, certaines d'entre elles, à savoir Amorgos, Anafi et Santorin, sont actuellement assiégées par un essaim d'intenses séismes qui semble ne plus finir.

Au cours des derniers jours, des séismes de magnitude allant jusqu'à 5,3 sont venus perturber la sérénité de leurs habitants. À Santorin, plus des deux tiers des résidents ont décidé de quitter l'île, les autorités ont ordonné la fermeture des écoles et déconseillent les grands rassemblements en intérieur. La population a été invitée à se tenir loin des côtes et des pentes escarpées de l'île.

L'état d'urgence a été déclaré, mais le Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, a tout de même lancé un appel au calme. « Le gouvernement a confiance dans la science », a-t-il récemment déclaré lors d'une réunion de crise, tout en notant que les scientifiques faisaient face à un « phénomène particulièrement troublant. » 

La cacophonie de séismes particulièrement puissants combinée au puzzle géologique complexe de la région laisse les chercheurs perplexes. « Je ne comprends pas pourquoi nous avons cette séquence répétitive de secousses », reconnaît David Pyle, volcanologue à l'université d'Oxford. « C'est vraiment un mystère. »  

Bien que Santorin soit elle-même une île volcanique partiellement submergée et toujours active, le consensus actuel exclut le volcanisme comme cause de ces tremblements de terre. Leur origine serait liée à un processus tectonique étrange et difficile à prévoir, un processus qui pourrait rapidement s'estomper ou gagner dangereusement en intensité.

La situation évolue en permanence et pourrait s'aggraver ou, espérons-le, s'améliorer. Pour l'instant, « il n'y a aucune raison de paniquer », rassure Jonas Preine, géophysicien à l'Institut océanographique de Woods Hole. « Mais il est vrai que la situation est préoccupante. »

 

HISTOIRE VOLCANIQUE ET SISMIQUE DE SANTORIN

La mer Égée n'est pas étrangère aux séismes et aux éruptions. Au sud-ouest de la Grèce, les profondeurs sont traversées par la fosse hellénique où un fragment dense et ancien de la croûte océanique est avalé par le manteau. Cette lente disparition sème le chaos et la tension exercée sur la croûte sus-jacente tiraille la Grèce dans une multitude de directions. 

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    Néa Kaméni, un îlot volcanique inhabité, trône au milieu de la caldeira immergée de Santorin, qui fait partie d'une chaîne de volcans.

    PHOTOGRAPHIE DE Petros Giannakouris, AP Photo

    Cet imbroglio tectonique a conduit à la formation d'une toile de failles et d'une myriade de volcans, en profondeur comme en surface. Conscients de ces dangers, les scientifiques surveillent la zone avec attention.

    L'île de Santorin est en réalité une immense caldeira magmatique submergée et coiffée de deux petites îles avec une histoire volcanique à la fois sombre et dangereuse qui remonte à près de 650 000 ans. Cette histoire compte notamment une éruption cataclysmique en 1560 avant notre ère qui a rayé de la carte une civilisation tout entière, une explosion majeure en 726 et même un modeste pic d'activité en 1950. L'île repose sur un système volcanique toujours actif et ce n'est pas le seul dans la région. Non loin de là, un volcan sous-marin baptisé Kolumbo a lui aussi explosé en 1650 en créant une série de tsunamis vertigineux et en libérant un nuage mortel de gaz toxiques.

    Si l'actuelle série sismique n'a attiré que tout récemment l'attention des médias, elle dure en fait depuis quelque temps déjà. « La série a commencé vers la fin de l'année dernière, l'activité sismique s'est un peu accentuée, mais personne ne l'a vraiment remarqué », indique Isobel Yeo, spécialiste en volcanologie sous-marine au National Oceanography Centre de Southampton, en Angleterre.

    Fin janvier, il y a eu une nette augmentation de la puissance et de la fréquence des séismes, jusqu'à atteindre les mille secousses quotidiennes ces derniers jours. « La situation doit être très difficile à vivre », déclare Pyle.  

     

    EN QUOI CES SÉISMES SONT-ILS INHABITUELS ?

    Les tremblements de terre ne se produisent pas à un seul endroit. Le phénomène a commencé à Santorin même, mais le foyer sismique s'est rapidement déplacé vers le large.

    La série de séismes diffère également d'une séquence classique. Bien souvent, une faille rompt et produit le séisme le plus puissant, la secousse principale, généralement suivi d'une série de répliques d'intensité décroissante. Dans le cas qui nous intéresse, on ne distingue pas de secousse principale évidente.

    À la place, la région est secouée par une abondance de séismes de magnitudes similaires. Pendant quelques jours, les séismes semblaient même gagner en intensité. « C'est absolument inhabituel », témoigne Preine.

    Ce profil sismique atypique est connu sous le nom d'essaim de séismes. Ils se produisent dans différentes régions du monde, mais chaque essaim présente des caractéristiques qui lui sont propres. Ainsi, les essaims qui frappent la péninsule de Reykjanes en Islande sont associés à la migration du magma et plusieurs d'entre eux ont abouti à des éruptions spectaculaires. À l'inverse, les essaims du parc national de Yellowstone aux États-Unis n'ont pas entraîné d'activité volcanique moderne.

    Par rapport aux séismes traditionnels, les essaims « ne respectent aucune règle », résume Hubbard. C'est pourquoi il est si difficile d'anticiper leur évolution.

     

    D'OÙ VIENNENT CES SÉISMES ?

    Comme nous l'explique Preine, pour spéculer sur l'évolution de cet essaim dans les jours et les semaines à venir, il faut d'abord répondre à une question clé : « ces séismes sont-ils d'origine volcanique ou tectonique ? » 

    Aux premiers jours de cet essaim, plusieurs séismes ont secoué le nord de la caldeira de Santorin, le bassin effondré au cœur de l'île. Certains ont d'abord pensé à une nouvelle injection de magma dans la croûte, ce qui aurait pu provoquer d'autres séismes dangereux ou même une éruption.

    Par chance, les séismes centrés sur la caldeira se sont rapidement estompés. « Pour le moment, l'activité sismique se concentre au nord-est, à l'écart des volcans connus à ce jour », indique Preine. La plupart des séismes proviennent de la zone de failles Santorini-Amorgos, une parcelle morcelée du plancher océanique qui s'étend entre les deux îles. 

    Par ailleurs, ces séismes sous-marins ne montrent aucun signe de remontée du magma et ne sont pas accompagnés des signes habituellement observés avant une éruption, comme un gonflement du sol et une déformation des versants du volcan. « Pour l'instant, c'est de l'activité tectonique », assure Yeo, le phénomène viendrait donc des failles.

    Les essaims sont souvent associés au mouvement des fluides, comme l'eau ou le dioxyde de carbone, à travers les failles. En passant d'une faille à l'autre, ces fluides peuvent forcer la faille à s'ouvrir et entraîner une rupture. « Ils peuvent continuer à déclencher des séismes simplement par leur déplacement », nous explique Judith Hubbard, sismologue à l'université de Cornell, aux États-Unis. 

     

    UN AVENIR INCERTAIN

    À ce stade, la principale menace est un séisme particulièrement puissant et les glissements de terrain ou tsunamis éventuellement associés. « Aucune éruption explosive n'est à prévoir à Santorin », rassure Yeo, mais cela n'exclut pas le risque de séisme majeur.

    C'est d'ailleurs en raison du risque de séisme et de tsunami, et non pas d'une quelconque activité volcanique, que les écoles sont actuellement fermées sur Santorin et que la population est invitée à éviter le littoral. 

    Il est possible que l'essaim prenne soudainement fin. « Mais l'inquiétude subsiste quant à une accélération vers un séisme de plus grande intensité », indique Pyle. Le 9 juillet 1956, le séisme d'Amorgos, le plus puissant qu'a connu la Grèce au 20e siècle avec une magnitude de 7,8, et le tsunami associé ont infligé d'importants dégâts matériels et tué des dizaines de personnes.

    « Vivre dans l'incertitude est très difficile pour les habitants, surtout lorsque la terre tremble et que des bâtiments s'effondrent », indique Amy Donovan, volcanologue et spécialiste des catastrophes naturelles à l'université de Cambridge, en Angleterre.

    Si le risque de séisme destructeur reste la principale source de préoccupation, ce n'est malheureusement pas la seule. « Pour l'instant, je pense que la plus grande inquiétude concerne le déplacement des séismes vers la chaîne volcanique », reprend Preine, notamment le volcan sous-marin Kolumbo à proximité. « Il y a toujours un risque de combinaison des deux phénomènes. »

    En d'autres termes, « en secouant la chambre magmatique, il est possible de déclencher une éruption volcanique », résume Yeo. À l'heure actuelle, rien n'indique que ce scénario est à l'œuvre, mais c'est une possibilité que les scientifiques surveillent de près.

    Au lieu de se contenter du réseau existant de sondes tectoniques et volcaniques, une équipe internationale de scientifiques déterminés déploie de nouveaux instruments sous la direction de chercheurs grecs, notamment des sismomètres fond de mer et des sous-marins robotisés qui examinent les profondeurs à la recherche du moindre changement géologique.

    Les autorités grecques ont informé la population du danger de manière prudente, rapide et transparente. « Elles maîtrisent parfaitement la situation », assure Pyle, même si l'incertitude ne favorise pas l'accalmie. « À ce stade, je ne suis pas sûr que les géologues puissent affirmer quel sera le scénario à venir. »

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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