Ces cinq programmes ont longtemps été tenus secrets par le gouvernement américain

Alors que de mystérieux drones nourrissent la suspicion des habitants du New Jersey, voici cinq secrets que le gouvernement américain a tenté de garder pendant des décennies.

De Parissa DJangi
Publication 23 déc. 2024, 17:48 CET
En 1947, les autorités ont déclaré que les débris découverts à Roswell, au Nouveau-Mexique, appartenaient à ...

En 1947, les autorités ont déclaré que les débris découverts à Roswell, au Nouveau-Mexique, appartenaient à un ballon-sonde météorologique, mais selon certaines théories, il s'agirait en réalité des débris du crash d'un ovni et de ses passagers extraterrestres (photographiée ici, une œuvre représentant l'autopsie d'un extraterrestre exposée au musée des ovnis de la ville). Près de cinquante ans plus tard, l'armée américaine a admis qu'ils provenaient d'un programme d'espionnage visant l'Union soviétique.

PHOTOGRAPHIE DE PETER MENZEL, Science Source

Depuis plusieurs semaines, des dizaines de témoins rapportent avoir aperçu des drones en train de sillonner le ciel du New Jersey, aux États-Unis. Malgré l’inquiétude croissante du public, qui ne sait ni pourquoi, ni par qui ces drones ont été envoyés, les autorités américaines n’ont pas fourni de réelles explications et ont seulement déclaré que ceux-ci ne représentaient aucun risque pour la sécurité.

Cette absence de communications officielles a ouvert la voie à de nouvelles théories du complot, et d'aucuns estiment que le gouvernement en sait plus qu’il ne le laisse entendre. Bien que rien ne prouve que ce soit bel et bien le cas ici, il est vrai que l’histoire du gouvernement fédéral américain est jonchée de divers programmes volontairement cachés au public.

Des aviateurs font la démonstration d'un radar fixé à un ballon-sonde à la base aérienne de ...

Des aviateurs font la démonstration d'un radar fixé à un ballon-sonde à la base aérienne de Fort Worth, cinq jours après l'incident qui a donné lieu à l'affaire de Roswell.

PHOTOGRAPHIE DE Fort Worth Star-Telegram Photograph Collection, Special Collections, The University of Texas at Arlington Library, Arlington, TEXAS

« C’est l’obstruction, la dissimulation et la malhonnêteté pure et simple du gouvernement qui, plus que tout autre facteur, a engendré la suspicion et encouragé le développement de théories du complot », écrit l’historien Matthew Connelly dans son ouvrage The Declassification Engine: What History Reveals About America’s Top Secrets

Voici cinq exemples de moments de l’histoire américaine durant lesquels le gouvernement a dû officiellement admettre l’existence de programmes et d’incidents qu’il avait initialement gardés secrets.

 

DES EXPÉRIENCES MENÉES SUR LES HUMAINS

En 1945, l’année même où il a largué deux bombes atomiques sur le Japon, le gouvernement américain souhaitait découvrir quels étaient les effets des radiations sur le corps humain. Pour ce faire, des scientifiques ont administré des doses de plutonium, un élément chimique radioactif, à dix-huit personnes pendant deux ans. Les sujets étudiés étaient des citoyens américains atteints d’une maladie en phase terminale, mais aussi des enfants et des personnes sans domicile fixe.

Ebb Cade, un ouvrier du bâtiment afro-américain du Tennessee, était l’un d’entre eux. Transporté à l’hôpital après s’être cassé un bras et une jambe lors d’un accident de voiture en mars 1945, l’homme a été pris en charge par des médecins qui ont laissé ses fractures sans traitement pendant plusieurs semaines afin de pouvoir lui administrer du plutonium et observer comment la substance affecterait ses os. Il est décédé huit ans plus tard.

Dans les années qui ont suivi, d’autres expériences ont été menées, notamment sur des personnes incarcérées, des personnes âgées et des militaires qui, comme Cade, ont tous été exposés à des radiations sans leur consentement.

En avril 1947, en réponse aux expériences inhumaines perpétrées par les nazis sur des déportés pendant la Seconde Guerre mondiale, une liste de principes fondamentaux, connue sous le nom de « code de Nuremberg », a été établie afin d’encadrer les expérimentations médicales menées sur des êtres humains. Comprenant, selon les mots de Connelly, qu’ils pourraient un jour « avoir à répondre de leurs actes », les responsables américains impliqués dans les expériences relatives aux radiations ont pris des mesures pour les classer secrètes.

Les détails de ces expériences sont ainsi restés cachés pendant des décennies. Ce n’est qu’en 1994, lorsque le département de l’Énergie des États-Unis a ouvert une enquête sur les expériences menées entre 1944 et 1974, qu’elles ont enfin été révélées au grand jour.

 

L’AFFAIRE DE ROSWELL : UN « DISQUE VOLANT » OU UN BALLON-SONDE ?

Au beau milieu de l’été 1947, toute l’attention des Américains s’est tournée vers la ville de Roswell, au Nouveau-Mexique, après que le propriétaire d’un ranch local a découvert de mystérieux débris, composés notamment de morceaux de papier d’aluminium et de caoutchouc, éparpillés sur sa propriété.

Très vite, les débris se sont retrouvés entre les mains du Roswell Army Air Field (RAAF), un aérodrome militaire situé à proximité, qui a envoyé des agents sur place pour enquêter. Le 8 juillet, le RAAF a publié un premier communiqué annonçant être en possession d’un « disque volant »… avant de faire très rapidement marche arrière. Selon le rectificatif, il s’agissait finalement d’un ballon-sonde, un instrument utilisé dans le domaine de la météorologie, et non pas d’un disque volant.

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    Le brigadier général Roger Ramey et le colonel Thomas DuBose examinent les débris découverts à Roswell.

    Le brigadier général Roger Ramey et le colonel Thomas DuBose examinent les débris découverts à Roswell.

    PHOTOGRAPHIE DE Fort Worth Star-Telegram Photograph Collection, Special Collections, The University of Texas at Arlington Library, Arlington, TEXAS

    Ce revirement, associé à la nature mystérieuse des débris, a alimenté de nombreuses rumeurs suggérant qu’il s’agissait des restes d’un vaisseau extraterrestre.

    En 1994, la United States Air Force a publié un rapport afin de donner une explication définitive à cet événement. Les débris étaient en réalité des réflecteurs radar développés dans le cadre du projet Mogul, un programme de recherche visant à espionner l’Union soviétique pendant la guerre froide.

     

    MKULTRA : DES EXPÉRIENCES SECRÈTES POUR CONTRÔLER LES ESPRITS DES AMÉRICAINS 

    Pendant la guerre froide, les États-Unis ont exploré des méthodes de moins en moins conventionnelles pour tenter de garder une longueur d’avance sur l’Union soviétique. Entre 1953 et 1973, MKUltra, un programme secret de la CIA s’est attelé à explorer une méthode spécifique : utiliser des drogues afin de contrôler les esprits, et s’en servir comme une arme contre l’ennemi.

    En droguant des civils et des fonctionnaires sans leur consentement, les chercheurs du programme souhaitaient observer les effets de différentes substances comme le LSD dans l’espoir, à terme, de pouvoir manipuler leur conscience afin de les pousser à commettre certaines missions, telles que des assassinats secrets.

    En plus des graves problèmes éthiques qu’il représentait, ce projet comportait également des risques importants. Lors d’une expérience, l’équipe du chimiste Sidney Gottlieb a administré une dose si importante de drogue à un patient que celui-ci n’en est pas ressorti vivant.

    En 1974, un article du New York Times a dévoilé au grand jour certains détails relatifs aux pratiques illégales et inhumaines de la CIA, ce qui a permis d’ouvrir une enquête au sein du Sénat des États-Unis et de révéler l’existence de ces expériences secrètes au public. Nous ne connaîtrons probablement jamais toute l’étendue des activités réalisées dans le cadre de MKUltra puisque le directeur de la CIA, Richard Helms, avait ordonné, l’année précédant l’article du New York Times, la destruction de la majorité des documents officiels relatifs au programme.

     

    COINTELPRO : UN SCANDALE AU SEIN DU FBI

    Sous la direction de J. Edgar Hoover, le FBI a créé un programme de contre-espionnage baptisé COINTELPRO. Son objectif : réduire l’influence du parti communiste des États-Unis d’Amérique dans le pays, lancé depuis une dizaine d’années dans la guerre froide contre l’Union soviétique.

    Pour surveiller et saboter ses cibles, COINTELPRO utilisait toute une série de tactiques, comme ternir leur réputation ou semer le conflit en vue de les affaiblir.

    Le programme a progressivement élargi son champ d’action pour cibler des organisations et des individus qui, selon ses créateurs, perturbaient l’ordre social et politique, tels que le Ku Klux Klan, les Black Panthers et les leaders du mouvement américain des droits civiques, dont Martin Luther King Jr.

    Le FBI a surveillé King en mettant ses lignes téléphoniques sur écoute, en dissimulant des micros dans ses chambres d’hôtel, tout cela en accordant une attention particulière à ses liaisons extraconjugales. En 1964, le FBI a même tenté de l’intimider en lui envoyant une lettre anonyme qui le traitait « d’animal dégoûtant et anormal ».

    Le révérend Martin Luther King Jr. et le révérend Ralph Abernathy, leaders du mouvement américain des droits civiques, sont embarqués ...
    Des agents de police occupent le quartier général des Black Panthers à la Nouvelle-Orléans à la suite ...
    Gauche: Supérieur:

    Le révérend Martin Luther King Jr. et le révérend Ralph Abernathy, leaders du mouvement américain des droits civiques, sont embarqués par la police à la suite d'une manifestation à Birmingham, en Alabama, le 12 avril 1963.

    PHOTOGRAPHIE DE Horace Cort, AP Photo
    Droite: Fond:

    Des agents de police occupent le quartier général des Black Panthers à la Nouvelle-Orléans à la suite d'une fusillade, le 16 septembre 1970. Sept personnes ont été blessées et quatorze ont été arrêtées au cours de l'incident.

    PHOTOGRAPHIE DE AP Photo

    Les activités de COINTELPRO ont été publiquement dévoilées pour la première fois en 1971 lorsque des membres de la Citizens’ Commission to Investigate the FBI, un groupe d’activistes, ont mis la main sur des documents classifiés après être entrés par effraction dans un bureau local du FBI et les ont divulgués à la presse.

     

    UNE ARME NUCLÉAIRE AMÉRICAINE ACCIDENTELLEMENT PERDUE DANS LA MER

    Alors que les États-Unis constituaient un stock d’armes nucléaires pendant la guerre froide, de tout nouveaux types d’incidents, connus sous le nom de « Broken Arrow », ont commencé à voir le jour. Ces incidents, qui impliquaient le vol, la perte ou la mauvaise manipulation d’armes nucléaires, ont été officiellement relevés à trente-deux reprises dans le pays.

    L’un d’entre eux remonte au 5 décembre 1965. Alors que le porte-avions USS Ticonderoga se trouvait en mer des Philippines, un avion d’attaque Skyhawk situé à son bord, qui transportait un pilote et une bombe nucléaire, a basculé et est tombé dans la mer.

    Des efforts de récupération ont immédiatement été lancés pour secourir le pilote, mais malgré des heures de recherche en hélicoptère et en bateau, les membres de l’équipage ne sont pas parvenus à le retrouver. Le pilote, l’avion et l’arme nucléaire ont donc été perdus sous les eaux, à 4 900 mètres de profondeur.

    À la suite de cette catastrophe, ne souhaitant pas que le public apprenne la présence d’armes nucléaires à bord de navires de la marine, les autorités ont ordonné à l’équipage du Ticonderoga de garder l’incident secret.

    La marine a reconnu l’incident en 1981, mais les détails de l’événement restaient mystérieux jusqu’à ce que, huit ans plus tard, les chercheurs William Arkin et Joshua Handler publient des documents provenant des archives nationales.

    Ainsi, bien qu’ils soient désormais bien connus du grand public, des programmes tels que MKUltra et COINTELPRO étaient autrefois tenus secrets par les autorités, ce qui explique pourquoi de nombreux Américains se demandent aujourd’hui encore quelles nouvelles activités clandestines continuent de leur être cachées, et quand celles-ci seront enfin révélées au grand jour.

    Comme l’écrit Connelly, les demandes de déclassification et de transparence faites au gouvernement américain ne visent pas « détruire le concept de secret d’État ». Au contraire, l’objectif est plutôt de mieux « distinguer les informations qui nécessitent réellement d’être protégées de celles dont les citoyens ont besoin urgemment afin de pouvoir demander des comptes à leurs dirigeants. C’est la seule façon de préserver à la fois la sécurité nationale et la responsabilité démocratique. »

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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