IA : comment elle accélère la quête d'une autre planète habitable
Les astronomes en quête d’une vie extraterrestre n’ont pas seulement une vision plus vaste de l’Univers : ils bénéficient aussi d’un regard neuf sur ce qui aurait pu leur échapper.
Une vue éblouissante du cosmos : le télescope Vera-C.-Rubin produira une image du ciel entier toutes les trois ou quatre nuits, ce qui créera quantité de données que des IA devront analyser. Ici, le travail se poursuit sur le socle de l’immense miroir primaire (8,4 m) de l’instrument.
Retrouvez cet article dans le numéro 302 du magazine National Geographic. S'abonner au magazine
Hamed Valizadegan, spécialiste de machine learning à la Nasa, a un jour appris à un algorithme à examiner des images de vaisseaux sanguins dans les rétines d’astronautes, contribuant ainsi à l’étude des effets de la microgravité sur la vue.
Ses collègues spécialistes des sciences spatiales se sont d’abord montrés réticents à l’idée d’utiliser l’intelligence artificielle (IA) comme outil d’exploration du cosmos. Peut-être parce que les algorithmes avancés ne révèlent généralement pas le cheminement de leurs calculs. Les IA sont inspirées du cerveau humain : des « neurones » formels associés en réseaux se transmettent les informations pour réaliser des fonctions complexes. Les systèmes qui en résultent en arrivent à une telle puissance de calcul qu’il est parfois impossible de savoir comment ils parviennent à leurs réponses. Cette caractéristique, qui rappelle celle des boîtes noires utilisées dans l’aéronautique, souligne Hamed Valizadegan, était dissuasive pour des scientifiques s’appuyant sur des normes historiques de modélisation et de simulation ultraprécises.
L’astronomie moderne fait pourtant face à un obstacle majeur. Les télescopes spatiaux et terrestres collectent une telle quantité d’informations que les humains ne parviennent pas à les déchiffrer rapidement – si tant est qu’il y arrivent. Et les futurs observatoires sont voués à inonder ce champ d’étude de nouvelles données, à l’instar de l’observatoire Vera- C.-Rubin, au Chili. Dès 2025, il produira une image du ciel entier une nuit sur trois avec la plus grande caméra astronomique du monde, à la résolution de 3 200 mégapixels. Chaque année, il recueillera des données sur un million de supernovae, ainsi que sur des dizaines de milliers d’autres objets célestes. Comment des scientifiques, quel que soit leur nombre, pourraient-ils toutes les étudier ?
Déluge de données : l’observatoire Vera-C.-Rubin, au Chili, cartographiera le ciel avec une précision inédite grâce au recensement de milliards d’objets célestes, tels que des astéroïdes, des planètes et des étoiles.
Si d’étranges formes de vie pourraient exister sur des planètes différentes de la nôtre, les chercheurs ont l’espoir d’en trouver qui nous soient familières : dans un monde rocheux avec une atmosphère stable et de l’eau liquide, en orbite autour d’une étoile. Or le nombre de planètes dans la Voie lactée s’élèverait à des centaines de milliards, dont seulement une fraction, faible mais inconnue, serait semblable à la Terre.
Dans cette quête, l’humanité prend un départ relativement lent. La première planète autre que la nôtre orbitant autour d’une étoile (une exoplanète) a été découverte en 1995. Le télescope spatial Kepler a permis un coup d’accélérateur dans les années 2010 : il a été braqué sur 150 000 étoiles pendant neuf ans, en faisant une rotation de temps à autre pour observer un autre pan de l’espace. Son successeur, TESS (Transiting Exoplanet Survey Satellite), a été lancé en 2018 pour scruter une plus grande partie du ciel et se concentrer sur environ 200 000 étoiles plus proches de la Terre. Mais, même grâce à ces observatoires spatiaux, vérifier qu’une planète tourne autour d’une autre étoile est chronophage et complexe. Ces instruments ne peuvent pas visualiser la planète elle-même, ils confirment son existence de manière indirecte : en mesurant la baisse de luminosité de l’étoile due au transit de la planète. Les astronomes mesurent ces variations de luminosité – les « courbes d’intensité lumineuse » – pour identifier de potentielles planètes. Ensuite, pour démontrer l’existence de l’une d’elles, des télescopes terrestres mesurent l’oscillation de l’étoile due à son attraction gravitationnelle. Une fois la planète identifiée, déterminer à quoi elle ressemble se révèle encore plus épineux. Mais les astronomes peuvent émettre des hypothèses d’après sa taille et sa distance par rapport à l’étoile.
Grâce à ce travail laborieux, les scientifiques ont repéré au moins 5 600 exoplanètes dans la Voie lactée. Certaines sont des géantes gazeuses plus grandes que Jupiter et Saturne ; d’autres des rocs brûlants plus petits que Mars ; la plupart sont des mondes faits de gaz, de roche ou des deux, dont la taille est souvent comprise entre celle de la Terre et celle de Neptune. Aucune ne s’apparente à la planète bleue ni ne présente les conditions ou les composés chimiques nécessaires au développement de la vie telle que nous la connaissons. Mais l’IA pourrait révéler autre chose, car elle peut voir encore plus loin.